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73. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Montesquieu, 1689-1755 » pp. 235-252

Je m’éveille le matin avec une joie secrète de voir la lumière ; je vois la lumière avec une espèce de ravissement, et tout le reste du jour je suis content. Je passe la nuit sans m’éveiller ; et le soir, quand je vais au lit, une espèce d’engourdissement m’empêche de faire des réflexions. […] Dans les conversations et à table, j’ai toujours été ravi de trouver un homme qui voulût prendre la peine de briller : un homme de cette espèce présente toujours le flanc, et tous les autres sont sous le bouclier. […] La ville déchirée ne forma plus un tout ensemble ; et comme on n’en était citoyen que par une espèce de fiction, qu’on n’avait plus les mêmes magistrats, les mêmes murailles, les mêmes temples, les mêmes sépultures, on ne vit plus Rome des mêmes yeux, on n’eut plus le même amour pour la patrie, et les sentiments romains ne furent plus4.

74. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

Cicéron, en effet, distingue, dans l’éloquence du barreau, deux espèces de péroraisons pathétiques : la péroraison véhémente, indignatio, et la péroraison suppliante, couquestio, commiseratio ; il développe les éléments de l’une et de l’autre, ne donnant pas moins de treize moyens pour soulever l’indignation, et de huit pour exciter la pitié. […] Passant ensuite aux diverses parties, elle trace les règles du début, montre comment il dépend de l’ensemble, quelles dispositions il doit faire naître dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur ; elle en indique les différentes espèces, les sources, les mérites et les défauts. […] Ce que le pur et judicieux écrivain dit ici de la tragédie s’applique parfaitement au roman, au poëme et à toute espèce d’ouvrage.

75. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre premier. Du Goût. »

Cette faculté est, jusqu’à un certain point, commune à tous les hommes ; et rien de plus général que l’espèce de plaisir qui résulte de tout ce qui est beau, grand, harmonieux, nouveau ou brillant. […] Dans toute espèce de composition, ce qui intéresse l’imagination, ou ce qui touche le cœur, est sûr de plaire dans tous les temps et dans tous les pays.

76. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre II. De l’Éloquence chez les Grecs. »

Il existait sans doute dès lors une espèce d’éloquence, mais elle tenait plus de l’élan poétique, que de ce que nous appelons aujourd’hui le genre oratoire. […] Mais, dans sa marche rapide, il subjugue, il entraîne l’auditeur à son gré ; et ce qui le distingue de tous les orateurs, c’est que l’espèce de suffrage qu’il arrache est toujours pour l’affaire qu’il traite et jamais pour l’orateur.

77. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre II. »

Horace, chez les Latins, nous a laissé d’admirables modèles de ces différentes espèces d’odes ; son génie facile se pliait à tous les tons, depuis le plus élevé jusqu’au plus simple, depuis l’inspiration pindarique jusqu’au simple billet en vers, à la manière d’Anacréon. […] On distingue plusieurs espèces de chansons : la chanson érotique et la romance, qui célèbrent l’amour (Anacréon, célèbre poète grec, a laissé son nom au genre anacréontique, qui chante aussi l’ivresse et l’amour) ; la chanson satirique, dont le nom indique assez l’objet ; la chanson bachique, qui chante le vin, etc.

78. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XII. du corps de l’ouvrage. — portrait, dialogue, amplification  » pp. 161-174

Voyez le chef-d’œuvre de Molière, le double portrait si savamment tracé de l’espèce faux dévot et de l’individu Tartufe ; voyez le Misanthrope qui, à défaut d’intrigue, est une admirable galerie de portraits ; étudiez la manière du peintre, ce n’est en général qu’une simple esquisse, quelques traits énergiques, ineffaçables, deux ou trois touches qui déterminent une physionomie. […] Surtout, point de portraits de fantaisie chez l’historien ; c’est le plus grand défaut dans l’espèce. […] « L’amplification, dit Cicéron, est une énergique exposition des choses, qui, en remuant l’âme, détermine la persuasion. » Et ailleurs : « C’est une manière de dire véhémente qui, par la force des paroles et l’énumération des circonstances, démontre ou la dignité et la grandeur, ou l’indignité et l’atrocité d’une action. » Et c’est en conséquence de cette double vertu qu’il distingue, avec Aristote, deux espèces d’amplification, celle qui agrandit et élève, et celle qui abaisse et atténue, quod valet, non solum ad augendum aliquid et tollendum allius dicendo, sed etiam ad extenuandum atque abjiciendum.

79. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — De Maistre, 1753-1821 » pp. 377-387

Dans le vaste domaine de la nature vivante, il règne une violence manifeste, une espèce de rage prescrite qui arme tous les êtres pour leur mutuelle destruction : dès que vous sortez du règne insensible, vous trouvez le décret de la mort violente écrit sur les rontières mêmes de la vie. […] Dans chaque grande division de l’espèce animale, elle a choisi un certain nombre d’animaux qu’elle a chargés de dévorer les autres ; ainsi, il y a des insectes de proie, des reptiles de proie, des oiseaux de proie, des poissons de proie, et des quadrupèdes de proie. […] C’est au milieu de cette solitude et de cette espèce de vide formé autour de lui qu’il vit seul avec sa femelle et ses petits, qui lui font connaître la voix de l’homme : sans eux il n’en connaîtrait que les gémissements… Un signal lugubre est donné ; un ministre abject de la justice vient frapper à sa porte et l’avertir qu’on a besoin de lui : il part ; il arrive sur une place publique couverte d’une foule pressée et palpitante.

80. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

La poésie dramatique est ainsi nommée d’un mot grec qui signifie agir, parce que, dans cette espèce de poésie, on ne raconte point l’action comme dans l’épopée ; mais on la montre elle-même dans ceux qui la représentent. […] L’action dramatique est soumise aux yeux et doit se peindre comme la vérité ; ce qui demande un vraisemblable d’une espèce particulière au drame, que nous examinerons tout à l’heure. […] Cette dernière espèce de liaison ne suffit pas ; la troisième est absolument nécessaire ; les deux autres sont à désirer147. […] On a ainsi la tragédie, le drame proprement dit, la comédie et ses nombreuses espèces. […] Elle s’étend quelquefois à une pièce entière et devient ainsi une véritable comédie d’une certaine espèce.

81. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Les motifs auxquels vous attribuez les partis qu’on m’a vu prendre, depuis que je porte une espèce de nom dans le monde, me font peut-être plus d’honneur que je n’en mérite ; mais ils sont certainement plus près de la vérité que ceux que me prêtent ces hommes de lettres qui, donnant tout à la réputation, jugent de mes sentiments par les leurs. […] Mais quand, après avoir barbouillé du papier, j’étais bien sûr, même en disant des sottises, de n’être pas pris pour un sot ; quand je me suis vu recherché de tout le monde, et honoré de beaucoup plus de considération que ma plus ridicule vanité n’en eût osé prétendre ; et quand, malgré cela, j’ai senti ce même dégoût plus augmenté que diminué, j’ai conclu qu’il venait d’une autre cause, et que ces espèces de jouissances n’étaient point celles qu’il me fallait. […] En un mot, l’espèce de bonheur qu’il me faut n’est pas tant de faire ce que je veux, que de ne pas faire ce que je ne veux pas. […] et n’est-ce pas une espèce du miracle que ces maximes constantes de courage, de probité, de justice, ne pouvant jamais être abolies, je ne dis pas par le temps, mais par un usage contraire, il y ait, pour le bonheur du genre humain, beaucoup moins de personnes qui les décrient tout à fait, qu’il n’y en a qui les pratiquent parfaitement ? […] Je m’en aperçus enfin ; je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi : je m’endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage.

82. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Voltaire. (1694-1778.) » pp. 140-145

Il sauva ses troupes par des retraites glorieuses devant un ennemi avec lequel on ne pouvait guère alors acquérir que cette espèce de gloire. […] Son premier rang mit le genou en terre : il était armé de piques et de fusils ; les soldats extrêmement serrés présentaient aux chevaux des ennemis une espèce de rempart hérissé de piques et de baïonnettes ; le second rang, un peu courbé sur les épaules du premier, tirait par-dessus ; et le troisième debout faisait feu en même temps derrière les deux autres4.

83. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IV. des topiques ou lieux. — lieux applicables a l’ensemble du sujet. » pp. 48-63

Le rhéteur classait toutes les manières d’être possibles, tous les phénomènes de l’idée, l’essence, l’expression, les parties, les contraires, les semblables, les accessoires, le genre, l’espèce, etc., et quand il avait appris à rapprocher un sujet de tous les articles de cette nomenclature, à appliquer toutes les faces d’une idée à ce type commun, à bien voir ce que chacun de ces universaux pourrait fournir, il croyait, et avec raison, ce me semble, avoir facilité l’invention. […] Les œuvres complètes de Démosthène contiennent un certain nombre d’exordes détachés qui n’étaient probablement que des exercices de cette espèce. […] Les orateurs, les poëtes, les écrivains de toute espèce vous fourniront de nombreux exemples de cette sorte de définition.

84. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre X. du commencement  » pp. 131-145

Est-elle complexe, ou renferme-t-elle, quoique simple, des preuves ou arguments d’espèce diverse, la division la partage en plusieurs points. […] Fénelon va plus loin ; il blâme toute espèce de division. […] A proprement parler, cette espèce d’exorde, qu’on nomme ex abrupto, n’est encore qu’une absence d’exorde, forme rare d’ailleurs, et qui doit être amenée par quelque circonstance grave, inattendue, et plus souvent extérieure.

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