Les misères cachées La terre est couverte d’esprits inquiets que la rigueur de leur condition et le désir de changer leur fortune tourmentent inexorablement jusqu’à la mort. […] Tandis que dans la grande allée, se presse et se heurte une foule d’hommes et de femmes sans passions, je rencontre, dans les allées détournées, des misérables qui fuient la vue des heureux, des vieillards qui cachent la honte de leur pauvreté, des jeunes gens que l’erreur de la gloire entretient à l’écart de ses chimères, des ambitieux qui concertent peut-être des témérités inutiles pour sortir de l’obscurité. […] Je voudrais quelquefois aborder ces solitaires, pour leur donner mes consolations ; mais ils craignent d’être arrachés à leurs pensées, et ils se détournent de moi. — Je plains ces misères cachées que la crainte d’êtres connues rend plus pesantes1 Un homme aimable Étes-vous bien aise de savoir, mon cher ami, ce que le monde appelle quelquefois un homme aimable ?
Dans l’enceinte étroite d’un horizon borné du côté de la terre, vouée à son devoir filial et fraternel, elle se plut à isoler sa vie dans un bonheur caché ou un deuil religieux. […] Aussi l’ai-je contemplée, admirée, regardée jusqu’à ce qu’elle se fût cachée derrière le contrevent, pour reparaître ensuite et se cacher comme un enfant qui joue à clignette1. […] Clignette ou cligne-musette, jeu où un enfant ferme les yeux, tandis que les autres se cachent.
Je cacherai l’observation du précepte sous une élocution limpide. […] Pour charmer l’esprit, il convient donc de ne point déchirer le voile de l’allégorie, le lecteur a au moins le plaisir de découvrir la pensée cachée ; c’est un mérite que notre art lui laisse en entier. […] Pour ne pas fatiguer les élèves par des exercices trop compliqués de décomposition, nous ne leur donnerons ici que le soin de découvrir le sens caché des allégories. […] L’apologue intéresse par le choix de l’allégorie, la naïveté qui séduit et persuade ; par une certaine philosophie égayée qui nous cache la sécheresse des préceptes. […] Il doit cacher, comme la fable, une moralité claire, facile à tirer du sujet, et qu’il convient toujours d’expliquer en peu de mots.
Entretenir perpétuellement dans une ville telle que Paris une consommation immense dont une infinité d’accidents peuvent toujours tarir quelques sources ; réprimer la tyrannie des marchands à l’égard du public, et en même temps animer leur commerce ; empêcher les usurpations mutuelles des uns sur les autres, souvent difficiles à démêler ; reconnaître dans une foule infinie tous ceux qui peuvent si aisément y cacher une industrie pernicieuse et en purger la société ; ignorer ce qu’il vaut mieux ignorer que punir, et ne punir que rarement et utilement ; être présent partout sans être vu ; enfin mouvoir ou arrêter à son gré une multitude immense et tumultueuse, et être l’âme toujours agissante et presque inconnue de ce grand corps : voilà quelles sont en général les fonctions du magistrat de la police. […] Il eût rendu compte d’un inconnu qui s’y serait glissé dans les ténèbres : cet inconnu, quelque ingénieux qu’il fût à se cacher, était toujours sous ses yeux ; et si enfin quelqu’un lui échappait, du moins, ce qui fait presque un effet égal, personne n’eût osé se croire bien caché. […] n’avez-vous pas prétendu cacher de grands mystères dans vos ouvrages ?
Il y a autant d’art que dans Fléchier ; mais il le déguise moins, par cela seul qu’il met trop d’appareil et de prétention à le cacher. […] Mais puisqu’il est impossible de passer sur des choses que tant de sang répandu a trop vivement marquées, montrons-les du moins avec l’artifice de ce peintre, qui, pour cacher la difformité d’un visage, inventa l’art du profil. […] — Il se cache, mais sa réputation le découvre : il marche sans suite et sans équipage ; mais chacun, dans son esprit, le met sur un char de triomphe ; on compte, en le voyant, les ennemis qu’il a vaincus, non les serviteurs qui le suivent : tout seul qu’il est, on se figure autour de lui ses vertus et ses victoires qui l’accompagnent.
Rien n’est si impétueux que ses désirs, rien de si caché que ses desseins, rien de si habile que ses conduites 2 ; ses souplesses ne se peuvent représenter ; ses transformations passent celles des métamorphoses, et ses raffinements ceux de la chimie. […] Mais cette obscurité épaisse qui le cache à lui-même n’empêche pas qu’il ne voie parfaitement ce qui est hors de lui ; en quoi il est semblable à nos yeux, qui découvrent tout et sont aveugles seulement pour eux-mêmes3. […] L’honnêteté veut que l’on cache quelquefois la moitié de son esprit, et qu’on ménage un opiniâtre qui se défend mal, pour lui épargner la honte de céder.
C’est un astre qui a eu ses éclipses : en vain entreprendrais-je de vous les cacher, puisqu’elles ont été aussi éclatantes que sa lumière même ; et peut-être serais-je prévaricateur, si je n’en profitais pas, pour en faire aujourd’hui le sujet de votre instruction. » L’exemple suivant est tiré de l’Oraison funèbre de Marie-Thérèse d’Autricheb, reine de France, par Bossuet. […] Où me cacher ? […] Si je… Mais il s’agit de calmer les flots : un pareil attentat ne demeurera pas une autre fois impuni. » On voit un autre exemple de cette figure dans la tragédie d’Athalie, lorsque cette Princesse demandant à Joad le jeune Éliacin, et les trésors qu’elle croit cachés dans le Temple, lui dit : Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie, Te… mais du prix qu’on m’offre il faut me contenter. […] Mais pour épargner votre piété, j’offenserais votre religion, et je vous cacherais la gloire du martyre, en vous cachant la cruauté des bourreaux. […] Le voici : J’ai vu l’impie adoré sur la terre : Pareil au cèdre, il cachait dans les cieux, Son front audacieux.
La cour Il y a un pays où les joies sont visibles, mais fausses, et les chagrins cachés, mais réels. […] Les roues, les ressorts, les mouvements, sont cachés ; rien ne paraît d’une montre que son aiguille, qui insensiblement s’avance et achève son tour : image du courtisan d’autant plus parfaite, qu’après avoir fait assez de chemin, il revient souvent au même point d’où il est parti3. […] Il se parle souvent à soi-même, et il ne s’en cache pas ; ceux qui passent le voient1, et qu’il semble2 toujours prendre un parti, ou décider qu’une telle chose est sans réplique. […] L’on juge en le voyant qu’il n’est occupé que de sa personne ; qu’il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie ; qu’il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler3 La vraie et la fausse grandeur La fausse grandeur est farouche et inaccessible ; comme elle sent son faible, elle se cache, ou du moins ne se montre pas de front, et ne se fait voir qu’autant qu’il faut pour imposer et ne paraître point ce qu’elle est, je veux dire une vraie petitesse. […] Commence-t-il à chanceler dans le poste où on l’avait mis, tout le monde passe facilement à un autre avis ; en est-il entièrement déchu, les machines qui l’avaient guindé si haut, par l’applaudissement et les éloges, sont encore toutes dressées pour le faire tomber dans le dernier mépris ; je veux dire qu’il n’y en a point qui le dédaignent mieux, qui le blâment plus aigrement, et qui en disent plus de mal, que ceux qui s’étaient comme dévoués à la fureur1 d’en dire du bien2 Pamphile ou le vaniteux Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité : il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe3 pour se faire valoir ; il dit : Mon ordre, mon cordon bleu 4 ; il l’étale ou il le cache par ostentation : un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand1 Si quelquefois il sourit à un homme du dernier ordre, à un homme d’esprit, il choisit son temps si juste qu’il n’est jamais pris sur le fait ; aussi la rougeur lui monterait-elle au visage s’il était malheureusement surpris dans la moindre familiarité avec quelqu’un qui n’est ni opulent, ni puissant, ni ami d’un ministre, ni son allié, ni son domestique2 Il est sévère et inexorable à qui n’a point encore fait sa fortune : il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ; et le lendemain, s’il vous trouve en un endroit moins public, ou, s’il est public, en la compagnie d’un grand, il vient à vous, et il vous dit : Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir.
Allégorie. — Pensée cachée. […] Sous cette forme, l’art est plus caché, et il faut une certaine habitude pour découvrir la figure. […] La figure, comme on le remarque, couvre la transition et celle-ci acquiert alors un mérite réel, c’est de rester cachée. […] Ainsi l’on détruit pour voir des merveilles cachées. […] L’envie qui brûle de se satisfaire et qui rougit de se montrer, cache le dépit sous le dédain, prélude à la satire par l’éloge.
Les pensées délicates cachent, sous une gaze fine, le sens qu'elles renferment, pour que nous puissions facilement le découvrir. […] Le ton des lettres de demande doit être modeste ; les pensées doivent être justes, convaincantes, propres à persuader ; l'art doit être bien caché. […] L'ombre est propice à ta candeur ; Dans nos bosquets tu t'es cachée, Et l'œil encor cherche ta fleur Quand l'odorat l'a devinée. […] cache une épine. […] Non, dans nos bosquets Reste, ô violette chérie : Heureux qui répand des bienfaits, Et comme toi cache sa vie.
où se cache-t-il ? […] N’est-il point caché là parmi vous ? […] La finesse est une certaine vivacité d’esprit qui se voile en partie pour briller davantage, car elle laisse au lecteur le plaisir de deviner ce qu’elle lui cache. […] L’ironie, ou contre-vérité, est une figure qui a pour but de faire entendre le contraire de ce qu’on dit ; elle cache souvent le blâme sous une forme louangeuse. […] L’allusion est une comparaison à demi cachée, par laquelle on dit une chose pour en rappeler une autre dont on ne parle pas expressément.
Ils règnent tous ensemble, non sur des trônes que les mains des hommes peuvent renverser, mais en eux-mêmes avec une puissance immuable ; car ils n’ont plus besoin d’être redoutables par une puissance empruntée d’un peuple vil et misérable ; ils ne portent plus ces vains diadèmes, dont l’éclat cache tant de craintes et de noirs soucis. […] « La fausse grandeur est farouche et inaccessible : comme elle sent son faible, elle se cache, ou du moins ne se montre pas de front, et ne se fait voir qu’autant qu’il faut pour imposer, et ne paraître point ce qu’elle est, je veux dire, une vraie petitesse. […] « Un homme s’est rencontré d’une profondeur d’esprit incroyable ; hypocrite raffiné autant qu’habile politique ; capable de tout entreprendre et de tout cacher ; également actif et infatigable dans la paix et dans la guerre ; qui ne laissait rien à la fortune de ce qu’il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance ; mais au reste si vigilant et si prêt à tout, qu’il n’a jamais manqué les occasions qu’elle lui a présentées ; enfin un de ces esprits remuants et audacieux, qui semblent être nés pour changer le monde. » Les Poètes font très souvent usage de cette figure, en donnant eux-mêmes un caractère à leurs personnages, ou en embellissant celui que l’histoire leur donne. […] Le froid serpent caché sous l’herbe, S’éveille, et dresse avec fierté La crête de son front superbe : Son corps, en replis ondoyants, Roule, circule, s’entrelace : Ses yeux pleins d’ardeur et d’audace S’arment de regards foudroyants : Bientôt levant sa tête altière, Vers l’astre qui l’a ranimé, Il s’élance de la poussière, Et fait briller à la lumière Son aiguillon envenimé. […] Les montagnes voisines étaient couvertes de pampre vert qui pendait en feston : le raisin plus éclatant que la pourpre, ne pouvait se cacher sous les feuilles, et la vigne était accablée sous son fruit.