Peu de temps après, le Génie du christianisme étonna par la grandeur de son objet et la richesse d’un plan qui embrassait sans effort une prodigieuse variété de connaissances en tout genre : on y admira surtout le parti que l’imagination et la sensibilité de l’auteur avaient su tirer d’un sujet qui semblait ne devoir offrir que des discussions arides, que des raisonnements secs et abstraits ; et on lui sut gré de nous avoir donné un cours presque complet d’histoire naturelle, de poésie, d’éloquence, une poétique enfin de tous les beaux arts, au lieu de traités théologiques sur la nécessité et la vérité de la religion chrétienne.
C’est en cela que la poésie et l’éloquence touchent de si près à la peinture.
La Prosopopée, une des plus vives, des plus magnifiques et des plus brillantes figures de l’éloquence et de la poésie, fait parler tous les êtres, soit animés, soit insensibles, soit réels, soit imaginaires ; les morts mêmes.
Ce genre n’admet ni les mots sonores, ni les tours harmonieux, ni les périodes nombreuses, ni les ornements éclatants, ni les grands mouvements de l’éloquence.
Resserrer un événement illustre et intéressant dans l’espace de trois heures ; ne faire paraître les personnages que quand ils doivent venir ; former une intrigue aussi vraisemblable qu’attachante ; ne rien dire d’inutile ; instruire l’esprit et remuer le cœur ; être toujours éloquent en vers, et de l’éloquence propre à chaque caractère que l’on représente ; parler sa langue avec autant de pureté que dans la prose la plus châtiée, sans que la contrainte de la rime paraisse gêner les pensées ; ne pas se permettre un seul vers dur, ou obscur ou déclamatoire : ce sont là les conditions qu’on exige aujourd’hui d’une tragédie pour qu’elle puisse passer, à la postérité avec l’approbation des connaisseurs160. » § 73.
« Or si nous étudions le mystère qui se passe en nous lorsque le bonheur nous touche un instant, nous reconnaîtrons sans peine qu’il y est causé par la satisfaction plus ou moins entière d’une ou de plusieurs de nos facultés, soit de l’esprit par la poésie et l’éloquence, soit du cœur par une affection récompensée, soit de la conscience par une action qui l’émeut, soit de tout notre être par un ensemble de choses qui le saisissent à la fois et le transportent hors de lui.
Il y a loin du jurisconsulte ordinaire et de l’avocat peu marquant, à l’éloquence d’un Messala, au savoir d’un Cascellius : et cependant ils ont leur prix. […] 615Ainsi, encore, 616les voix (les tons) s’accrurent 617aux lyres jadis sévères, 618et l’éloquence rapide 619prit un langage inaccoutumé ; 620et la pensée du Chœur, 621pleine-de-sagacité 622dans les choses (les conseils) utilos, 623et prophétisant l’avenir, 624ne différa point (ne différa plus) 625 du ton de Delphes qui-rend-des-oracles.
C’est ce langage que madame de Sévigné recommande à sa fille, quand elle lui écrit : « Vous me dites plaisamment que vous croiriez m’ôter quelque chose en polissant vos lettres ; gardez-vous bien d’y toucher ; vous en feriez des pièces d’éloquence.
Je vois le champ où Hortensius va déployer son éloquence. […] Antoine : comme son éloquence était pathétique, et qu’il savait la régler sur les circonstances ; presque à la fin de son plaidoyer, il prit Aquilius, le présenta au milieu de l’assemblée, et, déchirant la tunique qui lui couvrait la poitrine, il fit voir aux juges et à tout le peuple romain les cicatrices des blessures qu’il avait reçues, toutes par-devant. […] Je crains, en effet, de vous voir, à la fin de votre plaidoyer, imiter ce trait si efficace de l’éloquence d’Antoine, faire lever Verrès, lui découvrir la poitrine, étaler aux yeux du peuple romain les cicatrices qu’ont laissées sur son corps les passions et la débauche. […] Après avoir employé tant d’heures à parler sur un même genre de méfaits, e sur l’affreuse cruauté de Verrès ; après m’être servi dans le récit des faits précédents, des termes les plus forts pour vous les représenter, occupé que j’étais de soutenir votre attention par la variété des accusations, comment traiterai-je un point si important Je ne vois qu’une seule manière de vous en instruire c’est d’exposer simplement le fait : il a par lui-même tant de poids, qu’il n’a besoin ni de ma faible éloquence, ni de celle de qui que ce soit, pour vous toucher.
Votre éloquence rend votre douleur contagieuse, disait Balzac à une personne qu’il voulait consoler ; et quelle glace ne fondrait à la chaleur de vos belles larmes ?
L’Harmonie est la qualité du style la plus séduisante la plus capable de lui donner le nombre et la cadence, la dignité et la grâce, la majesté et la douceur qui captivent les auditeurs, et exercent sur les âmes un charme puissant et presque toujours vainqueur : aussi les anciens représentaient-ils ingénieusement le dieu de l’éloquence, Mercure, parlant à ses auditeurs, et laissant échapper de ses lèvres, non des paroles, mais des chaînes d’or, emblème du pouvoir irrésistible de cet art sur les âmes.
César joignait la gloire des lettres à celle des armes, et cet avantage manquait à Henri IV ; mais c’était la faute de son éducation et du temps, bien plus que de son génie ; il avait l’esprit juste, l’élocution facile et souvent noble : et la harangue de Rouen prouve qu’il eut l’éloquence des grandes âmes.