Reportons-nous un moment à l’époque où l’auteur d’Atala s’annonça avec tant d’éclat dans la carrière des lettres ; rappelons-nous le triste et long silence des muses françaises, et nous concevrons, nous excuserons même l’enthousiasme avec lequel fut accueillie la première production de M. de Chateaubriand.
Par exemple, pour décrire la nature de la musique douce et mélancolique, Ossian dit que l’harmonie que faisait entendre Carryl produisait sur l’âme une impression à la fois agréable et triste comme le souvenir des plaisirs passés. Cette pensée est heureuse et délicate, cependant il n’existe aucune ressemblance entre l’harmonie et le souvenir des plaisirs passés ; mais le poète, en exprimant une tendre image, nous communique en même temps une plus forte impression de la nature et de l’essence de cette harmonie, qui était douce et triste comme le souvenir des plaisirs passés. […] L’orateur doit néanmoins présenter rapidement ces tristes images, car nos larmes se tarissent bientôt, surtout dans les peines d’autrui. […] Dans une autre circonstance, il répondait à un préopinant : « Si, au milieu de cette scène odieuse, dans la triste circonstance où nous nous trouvons, dans l’occasion déplorable qui la fait éclore, je pouvais me livrer à l’ironie, je remercierais le préopinant… » Il est interrompu par le préopinant. […] Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit ; ramenez l’ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume ; frappez, immolez sans pitié ces tristes victimes ; précipitez-les dans l’abîme, il va se fermer… Vous reculez d’horreur… hommes inconséquents !
La piété n’a rien de faible, ni de triste, ni de gêné ; elle élargit le cœur, elle est simple et aimable, elle se fait toute à tous pour les gagner tous.
Pauvre Didon, où t’a réduite De tes maria le triste sort ? […] Au milieu de ce paysage de pierres, sur un terrain inégal et penchant, dans l’enceinte d’un mur jadis ébranlé par les coups de bélier, et fortifié par des tours qui tombent, on aperçoit de vastes débris ; des cyprès épars, des buissons d’aloès et de nopals, quelques masures arabes, pareilles à des sépulcres blanchis, recouvrent cet amas de ruines : c’est la triste Jérusalem.
Le riant est caractérisé par son opposition au triste, au sérieux.
Ceux, au contraire, qui sont entièrement insensibles au pouvoir de l’éloquence, de la poésie, et, en général, des beaux-arts, offrent le triste symptôme d’une jeunesse ingrate, et doivent faire appréhender quelque inclination vicieuse, quelque penchant à se ravaler aux dernières conditions de la vie. […] Tristes divinités du gouffre de Pluton, Toi, lugubre Chaos, et toi noir Phlégéthon ! […] Tous les deux, s’avançant dans ces tristes royaumes Habités par le vide, et peuplés de fantômes, Marchaient à la lueur du crépuscule obscur : Tel, lorsqu’un voile épais du ciel cache l’azur, Au jour pâle et douteux qu’épargne un ciel avare, Dans le fond des forêts le voyageur s’égare. […] Vers l’horizon obscur, tel le soleil naissant Jette à peine, au milieu des vapeurs nébuleuses, De timides rayons et des lueurs douteuses ; Ou tel, lorsque sa sœur offusque ses clartés, Pâle, et portant le trouble aux rois épouvantés, Elle épanche à regret une triste lumière, Des désastres fameux sinistres avant-courrière ; Mais à travers la nuit qui nous glace d’effroi, Tous les astres encor reconnaissent leur roi ; Tel se montre Satan, tel son éclat céleste, Tout éclipsé qu’il est, éclipse tout le reste. […] Sans elle, les ornements les plus riches ne jettent qu’une triste lueur à travers les ténèbres, et, loin de plaire au lecteur, le fatiguent et le dégoûtent.
Il existe dans toutes les langues un rapport sensible entre le son et l’idée ; les pensées graves ou tristes amènent des sons lents et sourds ; au contraire, la joie vive l’action impétueuse s’expriment par des mots rapides, légers et brillants.
Nous essayons souvent vainement de triompher de nos malheurs, nous en sommes accablés, nous sommes tristes et nous nous désespérons.
Madame de Sévigné écrit dans une de ses lettres : « J’ai beau frapper du pied, rien ne sort qu’une vie triste et uniforme.
C’est vraisemblablement sur un tombeau qu’elle fit entendre pour la première fois ses tristes accents.
Triste ou joyeux, tragique ou ridicule tour à tour, quelquefois même l’un et l’autre tout ensemble, le spectacle de la vie a inspiré promptement deux genres dramatiques, la tragédie et la comédie. […] Enfin, au milieu de ces tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s’entr’ouvre d’elle-même, tout son corps frémit ; et, par ce dernier effort, son âme infortunée s’arrache comme à regret de ce corps de boue, tombe entre les mains de Dieu, et se trouve seule aux pieds du tribunal redoutable. » (Avent, Sermon pour le jour des Morts.)