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157. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre VI. — Différents genres d’exercices »

Il doit être net précis et si clair qu’on n’ait pas besoin d’une grande attention pour en saisir le sens. […] Voltaire se charge de nous l’expliquer lui-même : « Ce qu’on appelle esprit, dit-il, est tantôt une comparaison nouvelle, tantôt une allusion fine ; ici, l’abus d’un mot qu’on présente dans un sens, et qu’on laisse entendre dans un autre ; là, un rapprochement délicat entre deux idées communes ; c’est une métaphore singulière ; c’est une recherche de ce qu’un objet ne présente pas d’abord, mais de ce qui est en effet dans lui ; c’est l’art, ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l’une à l’autre ; c’est celui de ne dire qu’à moitié sa pensée pour la laisser deviner. » Lorsque Voltaire parlait ainsi, c’est qu’il avait remarqué dans les différents écrivains épistolaires ces traits caractéristiques de l’esprit, et dont nous allons citer quelques exemples pour mieux faire comprendre en quoi consiste cette qualité. […] Elle fait entendre un sens tout opposé à celui qu’elle a l’air d’exprimer. […] Je ne me sens point encore cette façon de penser à votre égard, etc. » Lecture. — Rousseau à M.  […] « Je sens cependant que j’aurais bien pu mériter ma disgrâce.

158. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VII. Des différents exercices de composition. »

Je le souffre, et je le sens dans toute sa rigueur. […] Je ne me sens point encore cette façon de penser à votre égard. […] Si ce n’est qu’une infidélité passagère, je sens que je vous aime assez pour vous la pardonner. […] « Donnez du corps aux pensées trop subtiles ; adoucissez, par le sentiment, la rudesse de la vérité ; abaissez tout cela jusqu’à nos sens. […] Je me sens doucement ému à la lecture de ce morceau ; je reconnais l’élégie à ces tendres et mélancoliques accents.

159. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre II. Les Oraisons ou discours prononcés. »

Ce mot a été pris, plus tard, dans un sens un peu détourné. […] Les mœurs se prennent en deux sens différents : dans la poésie et dans l’éloquence. […] Il s’en trouvait qui enseignaient que la véritable félicité de l’homme est dans les sens ; un plus grand nombre la mettaient dans la raison ; d’autres ne la trouvaient que dans la réputation et dans la gloire ; plusieurs dans la paresse et dans l’indolence. […] Rien ne doit y être susceptible de plusieurs sens ou d’interprétations différentes. […] Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui, comme vous, messieurs, comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots il faut des choses, des pensées, des raisons.

160. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

Lorsque les chantres du printemps Réjouissent de leurs accents Mes jardins et mon toit rustique, Lorsque mes sens en sont ravis, On me soutient que leur musique Cède aux bémols des Monsignis1 Qu’on chante à l’Opéra-Comique. […] Mon vaisseau fit naufrage aux mers de ces sirènes2 ; Leur voix flatta mes sens, ma main porta leurs chaînes ; On me dit : « Je vous aime », et je crus comme un sot Qu’il était quelque idée attachée à ce mot. […] Un salon Après dîné, l’indolente Glycère5 Sort pour sortir, sans avoir rien à faire ; On a conduit son insipidité Au fond d’un char, où montant de côté, Son corps pressé gémit sous les barrières D’un lourd panier qui flotte1 aux deux portières ; Chez son amie au grand trot elle va, Monte avec joie, et s’en repent déjà, L’embrasse, et bâille, et puis lui dit : « Madame, J’apporte ici tout l’ennui de mon âme ; Joignez un peu votre inutilité A ce fardeau de mon oisiveté. » Si ce ne sont ses paroles expresses2, C’en est le sens.

161. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre II. Des qualités du style » pp. 79-118

Je sens que je deviens puriste ; Je plante au cordeau chaque mot, Je suis les Dangeaux à la piste, Je pourrais bien n’être qu’un sot. […] Le galimatias est une suite d’idées qui n’ont aucun sens raisonnable, et auxquelles on ne comprend rien. […] Boileau, dans deux vers d’une extrême concision, a caractérisé Perse, le plus concis des poètes latins : Perse, en ses vers obscurs, mais serrés et pressants, Affecta d’enfermer moins de mots que de sens. […] Le style concis, présentant un grand sens renfermé en peu de paroles, est agréable à l’esprit, pourvu qu’on s’en serve avec modération.

162. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Eugénie de Guérin , 1805-1848. » pp. 578-584

Comme Maurice, elle eut aussi le sens profond des harmonies de la nature ; mais son pinceau est plus rapide et plus léger. […] Elle ajoutait : « Je me sens la veine ouverte.

163. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Donner à la jeunesse le sens de l’admiration est une œuvre meilleure que d’éveiller chez elle le goût de la critique et le stérile plaisir d’un ingénieux dénigrement. […] Il est le seul qui ait dit clairement : « Je suis Dieu. » Ce qui est bien différent de cette affirmation : « Je suis un Dieu », ou de cette autre ; « Il y a des dieux. » L’histoire ne mentionne aucun autre individu qui se soit qualifié lui-même de ce titre de Dieu dans le sens absolu. […] Les paroles qu’elles lui attribuaient, bien que démenties par le témoignage de plusieurs conseillers, et susceptibles d’un sens moins odieux, étaient trop conformes à sa conduite et aux maximes qu’il avait souvent professées, pour ne pas produire une vive impression sur les esprits. […] Le mot est plus vrai encore dans un sens plus littéral, et pour exprimer la personnalité même de l’auteur. […] Il était évident qu’on ne pouvait pas, sous le feu du fort, qui atteignait la route dans tous les sens, faire passer le matériel d’une armée.

164. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Le dilemme est la réunion de deux arguments dont l’alternative est inévitable, et qui mènent à la même conclusion : on l’a appelé poignard à double lame, qui frappe en deux sens. […] Ce sophisme consiste à abuser du sens des mots, en les prenant tantôt dans une acception, tantôt dans une autre, pour égarer l’esprit.

165. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

• Par quelles causes s’expliquent, à votre sens, l’immense succès et la popularité durable du Télémaque ? […] La Fontaine a été observateur et presque naturaliste avant d’être poète dramatique, dans la mesure et au sens que nous avons déterminés. […] Le véritable orateur s’adresse seulement à « ceux dont la tête est ferme, le goût délicat, le sens exquis ». […] Ces réserves étant faites, et ces différences établies, il reste vrai, dans un sens général, que le précepte de Ronsard est juste. […] Mais n’y a-t-il pas un autre sens à la pensée de La Bruyère ?

166. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

C’est en ce sens que l’on dit : le style de Voltaire, de Buffon, de Racine, etc. […] La description qu’il nous donne est pleine de sensibilité : tout y est clair : chaque expression est nette, simple ; chaque phrase est facile à saisir : le sens se laisse comprendre sans la moindre peine. […] Nous offrons comme modèles de pureté de style, deux sujets entièrement opposés l’un à l’autre quant au sens. […] quel nouveau miracle Tient encor mes sens enchantés ! […] On a blâmé justement des yeux qui sont épouvantés par un pompeux spectacle, tandis que tous les autres sens sont enchantés, l’univers qui se reforme après qu’un nouveau monde vient d’éclore et un peuple de héros, qui descend des demeures divines pour réparer les ruines de ce nouvel univers : cette enflure dans la pensée comme dans l’expression s’appelle aussi Pathos.

167. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

L’architecte bâtit, pour ainsi dire, les idées du poëte, et les fait toucher aux sens. […] Dans ses notes de voyage à Rome, Montaigne disait : « Qu’on ne voyait rien de Rome que le ciel sous lequel elle avait été assise et le plan de son gîte ; que cette science qu’il en avait était une science abstraite et contemplative, de laquelle il n’y avait rien qui tombât sous les sens ; que ceux qui disaient qu’on y voyait au moins les ruines de Rome en disaient trop ; car les ruines d’une si épouvantable machine rapporteraient plus d’honneur et de révérence à sa mémoire : ce n’était rien que son sépulcre. […] Il tarde au voyageur, dans une nuit obscure, Que ton pâle flambeau se lève et le rassure : Le ciel d’où tu me luis est le sacré vallon, Et je sens que Diane est la sœur d’Apollon.

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