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219. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Mézeray. (1610-1683.) » pp. 12-14

Historiographe du roi, mais demeuré indépendant, on sait qu’il fut privé de sa pension par Colbert pour s’être exprimé trop vivement sur l’origine de quelques impôts. […] Henri, fils du duc de Lorraine, était venu la joindre avec mille chevaux et deux mille hommes de pied ; le duc de Parme y avait envoyé quatre cents chevaux et douze cents hommes de pied wallons ; Christophe de Bassompierre, qui, longtemps avant la mort de Henri III, était allé faire des levées en Allemagne, y avait amené trois cornettes de reîtres ; Jacques Colalte, au service du roi d’Espagne, deux régiments de lansquenets et quelque cavalerie allemande ; le duc de Nemours, trois mille fantassins et la plus belle gendarmerie que l’on eût su voir ; et Balagny, les meilleures troupes qu’il avait pu tirer du Cambrésis : tellement que toutes ces forces jointes ensemble faisaient près de quatre mille chevaux et plus de quinze mille hommes de pied. […] et vos amis seraient d’avis que vous fissiez de votre bon gré ce que le plus grand effort de vos ennemis ne vous saurait contraindre de faire.

220. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

« Quand un discours naturel, dit-il, peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, qui y était sans qu’on le sût, et on se sent porté à aimer celui qui nous le fait sentir, car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable : outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer. […] Le boursouflé et le burlesque disparurent ; mais il resta, sous le nom de style soutenu, je ne sais quelle forme guindée, officielle, académique. […] Etudiez ce langage si éminemment français, sachez vous l’approprier, et quand vous en serez bien pénétré, laissez-vous aller à votre spontanéité, et, quoi qu’en dise Buffon, ne craignez pas le premier mouvement ; vous serez alors original, sans y tâcher, et précisément parce que vous serez naturel et vrai. […] Aussi, je ne sais rien de plus propre à gâter le goût que ces éditions d’auteurs latins, comme les Ad usum Delphini et le Juvénal de Lamaire, où le commentateur traduit le texte, d’un bout à l’autre, en un autre latin, affectant toujours d’éviter les termes dont l’auteur s’est servi, c’est-à-dire habituant l’élève à une impropriété continue d’expressions.

221. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Vigny 1799-1863 » pp. 530-539

Au xvii e siècle, on ne savait pas peindre aussi vivement. […] Semblables à ces étoiles extraordinaires dont on ignore les causes, et dont on sait encore moins ce qu’elles deviennent après avoir disparu, ils n’ont ni aieuls ni descendants ; ils composent seuls toute leur race. […] Il sut l’art de parler et de se taire. […] « Ni l’oubli, ni le bruit : une sorte de discrétion respectueuse jusque dans la célébrité, je ne sais quoi de rare, de fidèle et de solennel, le retour des générations venant de dix ans en dix ans, comme en pèlerinage, contempler et couronner son monument ; c’était son vœu et son ferme espoir. » Sainte-Beuve.

222. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Il me tomba, en même temps, un Sénèque dans les mains, je ne sais par quel hasard ; puis, des lettres de Brutus à Cicéron, dans le temps qu’il était en Grèce, après la mort de César : elles sont si remplies de hauteur, d’élévation, de passion et de courage, qu’il m’était bien impossible de les lire de sang-froid1 ; je mêlais ces trois lectures, et j’en étais si ému, que je ne contenais plus ce qu’elles mettaient en moi ; j’étouffais, je quittais mes livres, et je sortais comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le tour d’une assez longue terrasse2, en courant de toute ma force, jusqu’à ce que la lassitude mît fin à la convulsion. […] Il n’est pas besoin de rappeler à Votre Majesté quels hommes ont été employés, dans tous les temps, et dans les affaires les plus difficiles, avec le plus de bonheur : Votre Majesté sait que ce sont ceux-là mêmes qu’il semble que la fortune en eût le plus éloignés. […] Je sais combien il y a de gentilshommes en Provence, qui, par leur naissance et par leur mérite, sont beaucoup plus dignes que moi d’obtenir cet honneur ; mais vous, mon cher Saint-Vincent, Monclar, le marquis de Vance, vous m’auriez peut-être aidé de votre recommandation, et cela m’aurait tenu lieu de toutes les qualités qui me manquent. […] Je m’informe curieusement de tout le détail de sa vie ; s’il a fait des fautes, je les excuse, parce que je sais qu’il est difficile à la nature de tenir toujours le cœur des hommes audessus de leur condition.

223. (1852) Précis de rhétorique

Il faut y préparer l’esprit, sans toutefois l’annoncer, et savoir s’arrêter à temps. […] Pour être correct, il faut savoir couper les phrases, arranger les périodes, choisir les synonymes. […] Que faut-il savoir faire pour être correct ? […] Chacun sait qu’au moyen des gestes, on peut quelquefois parfaitement s’entendre sans se parler. […] Les réponses aux lettres de con doléance deviennent la plupart des lettres de remerciaient, où le cœur oppressé sait trouver un style digne de la douleur.

224. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

On aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et comme on ne les a ni comparées ni subordonnées, on ne sait auxquelles on doit s’arrêter. […] En même temps, guidé par un goût délicat, il sait toujours faire un choix harmonieux et capable d’intéresser. […] Cependant cette unité d’action est loin d’exclure les épisodes et les ornements ; car le grand art du narrateur est de savoir unir la variété à l’unité. […] L’écrivain doit savoir revenir sans effort sur les détails que, dans une exposition simple, il aurait donnés dès le commencement. […] Cependant, il peut arriver que les personnages aient été assez intéressants pour que l’on désire savoir ce qu’ils sont devenus.

225. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre II. Des différentes espèces de Discours Oratoires. »

Saint Louis a été un grand Roi, parce qu’il a su, en devenant Saint, faire servir sa sainteté à sa dignité, II.  […] Saint Louis a été un grand Roi, parce qu’il a su, en devenant Saint, faire servir sa sainteté à sa dignité. […] Jaloux par piété d’y maintenir le bon ordre, il sut se faire obéir, craindre et aimer. […] On sent par conséquent qu’il ne saurait y mettre trop d’exactitude, de précision et de clarté. […] Il leur est aussi essentiel de savoir l’histoire des guerres de leur pays, et même de celles des autres peuples.

226. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bourdaloue 1632-1704 » pp. 89-93

Si l’on savait l’extrémité de leurs besoins, on aurait pour eux, malgré soi, sinon de la charité1, au moins de l’humanité. […] Qui en choque un se les attire tous sur les bras ; et ceux que l’on sait agir même de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont le plus souvent les dupes des autres ; ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. […] On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens, et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, des roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. » 1.

227. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Il y a même double vanité dans les monuments de la villa Adriana : ils n’étaient, comme on le sait, que des imitations d’autres monuments répandus dans les provinces de l’empire romain : le véritable temple de Sérapis à Alexandrie, la véritable Académie à Athènes, n’existent plus ; vous ne voyez donc dans les copies d’Adrien que des ruines de ruines2. […] La grandeur, l’étonnante mélancolie de ce tableau, ne sauraient s’exprimer dans les langues humaines ; les plus belles nuits en Europe ne peuvent en donner une idée. […] Toutefois, Dieu qui voyait que mon cœur ne marchait point dans les voies iniques de l’ambition, ni dans les abominations de l’or, a bien su trouver l’endroit où il le fallait frapper, puisque c’était lui qui avait pétri l’argile, et qu’il connaissait le fort et le faible de son ouvrage. […] Nos amis notre pays, le désir trop souvent confondu de savoir la vérité, l’inutile effort vers le bien, le découragement inquiet de l’âme qui s’élance vers la lumière et qui retombe, sont-ils au fond de notre tristesse mêlés, je le veux bien, à cette inévitable lie qui dort toujours dans le cœur de l’homme ? […] Nous pouvons ainsi prendre no re mesure ; savoir au vrai pourquoi l’on est triste, c’est être bien près de savoir ce qu’on vaut » Comparez aussi la pièce de M.

228. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IV. des topiques ou lieux. — lieux applicables a l’ensemble du sujet. » pp. 48-63

On s’est beaucoup récrié contre cette méthode ; on a fait du lieu commun un objet de blâme et de risée ; on a dit que la topique était un art qui apprend à discourir sans jugement des choses qu’on ne sait pas ; que sans doute elle donne à l’esprit quelque fécondité, mais que cette fécondité est de mauvais aloi : qu’enfin la seule topique admissible est la connaissance sérieuse et approfondie du sujet spécial qu’on doit traiter. […] Comme il les fond dans ses propres conceptions, si bien qu’on ne saurait plus les en détacher, et que le bien des autres semble lui appartenir à aussi bon droit qu’à ceux même qu’il a dépouillés ! […] C’est un corps animé d’une infinité de passions différentes qu’un homme habile fait mouvoir pour la défense de la patrie ; c’est une troupe d’hommes armés qui suivent aveuglément les ordres d’un chef dont ils ne savent pas les intentions ; c’est une multitude d’âmes pour la plupart viles et mercenaires, qui, sans songer à leur propre réputation, travaillent à celle des rois et des conquérants ; c’est un assemblage confus de libertins qu’il faut assujettir à l’obéissance, de lâches qu’il faut mener au combat, de téméraires qu’il faut retenir, d’impatients qu’il faut accoutumer à la confiance. » Vous pressentez la conclusion, et vous voyez comment la définition de l’idée armée sert de développement à cette proposition : le commandement est chose difficile. […] La grandeur de l’horizon romain se mariant aux grandes lignes de l’architecture romaine ; ces aqueducs qui, comme des rayons aboutissant à un même centre, amènent les eaux au peuple-roi sur des arcs de triomphe ; le bruit sans fin des fontaines, ces innombrables statues qui ressemblent à un peuple immobile au milieu d’un peuple agité ; ces monuments de tous les âges et de tous les pays ; ces travaux des rois, des consuls, des Césars ; ces obélisques ravis à l’Egypte, ces tombeaux enlevés à la Grèce ; je ne sais quelle beauté dans la lumière, les vapeurs et le dessin des montagnes ; la rudesse même du cours du Tibre ; les troupeaux de cavales demi-sauvages qui viennent s’abreuver dans ses eaux ; cette campagne que le citoyen de Rome dédaigne maintenant de cultiver, se réservant de déclarer chaque année aux nations esclaves quelle partie de la terre aura l’honneur de le nourrir ; — Synthèse : que vous dirai-je enfin ? […] Synthèse : Reconnaissez, Abner, à ces traits éclatants Un Dieu tel aujourd’hui qu’il fut dans tous les temps ; Il sait, quand il lui plaît, faire éclater sa gloire, Et son peuple est toujours présent à sa mémoire. » Quoi qu’il en soit de ces diverses formes, je ne puis assez insister sur l’énumération, l’analyse, la décomposition et la recomposition des idées.

229. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

« La tribune sainte, dit M. de La Harpe, est pour l’éloquence un théâtre auguste, d’où elle peut de toute manière dominer sur les hommes ; mais il faut que l’orateur sache y tenir sa place. […] On connaît le talent de Bossuet pour les portraits ; on sait de quelles couleurs il a peint celui de Cromwell, et combien sa nerveuse concision et la vérité énergique de son pinceau se rapprochent, en général, de la manière de Tacite, c’est-à-dire, de ce qu’il y a de plus parfait dans ce genre. […] Il s’agit de la princesse qui est l’objet de l’oraison funèbre que nous analysons : « Affable à tous avec dignité, elle savait estimer les uns sans fâcher les autres ; et quoique le mérite fût distingué, la faiblesse ne se sentait point dédaignée. […] Tantôt par des paroles touchantes, tantôt même par son silence, elle relevait ses présents ; et cet art de donner agréablement qu’elle a si bien pratiqué durant sa vie, l’a suivie, je le sais, jusque dans les bras de la mort ».

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