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192. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Introduction » pp. -

Or, nous savons qu’avant la conquête romaine, les Ibériens et les Celtes se partageaient le territoire de la Gaule. […] Quant au Celtique, dont le souvenir vit encore dans le bas-breton, on ne saurait lui attribuer l’importance que revendiquent en sa faveur les thèses paradoxales de Bullet et de la Tour-d’Auvergne. […] On voit par là que l’Église dut expliquer en langue vulgaire les textes sacrés, devenus alors inintelligibles pour des générations illettrées ; et nous savons aussi que l’étude de l’idiome Roman fut imposé au clergé par le concile de Tours, vers 813. […] La prose abonde dans ce siècle vulgaire, dont la fin est assombrie par l’ombrageuse, mais habile tyrannie de Louis XI, ce Tibère bourgeois qui sut régner parce qu’il savait dissimuler. […] Lui seul saura plaire tout ensemble aux petits et aux grands.

193. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre IV. Du genre dramatique. » pp. 252-332

Il sait que tout ce qu’il voit n’est qu’une imitation ; mais il exige que cette imitation soit faite avec art et vraisemblance. […] Le nœud, dans Cinna, est de savoir si Cinna tuera Auguste, son bienfaiteur, pour obéir à Émilie. […] Pour bien dramatiser un sujet, il faut savoir dialoguer. […] Le même poète sait, quand il le faut, réunir l’élégance et l’agrément avec l’énergie et l’élévation. […] Leurs vices ont je ne sais quoi d’imposant qui parait se refuser à la plaisanterie ; mais les situations et les contrastes les mettent en jeu.

194. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre quatrième. De la disposition oratoire, ou de l’Ordre mécanique du discours. — Chapitre II. Application du chapitre précédent au discours de Cicéron pour Milon. »

Celle d’un tribunal si extraordinaire, et de formes si nouvelles, si étrangères aux formes habituelles du barreau, devaient inspirer naturellement quelque défiance au défenseur de Milon ; et c’est de cette crainte même, dont il ne peut se défendre entièrement, que l’orateur a su tirer ce bel exorde. […] L’objet de la péroraison est, comme l’on sait, d’exciter la pitié des juges en faveur de l’accusé, qui, pour seconder de son côté les efforts de son défenseur, paraissait en habits de deuil à la séance, et dans l’extérieur le plus suppliant. […] On sait avec quelle chaleur Milon s’était employé pour le rappel de Cicéron : c’est de cette circonstance mémorable que l’orateur va emprunter la fin de cette touchante péroraison. […] Ces soldats placés devant tous les temples, quoique destinés à prévenir la violence, ne laissent pas d’effrayer l’orateur ; et quoique leur présence soit utile, nécessaire même à la sûreté commune, elle inspire je ne sais quelle terreur, dont il est impossible de se défendre entièrement ». […] Ce voyage était indispensable, et son époque ne pouvait varier : Clodius le savait.

195. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

« Seulement, ajoute-t-il, nous ne sommes pas les maîtres, nous autres auteurs, de tailler les mots et de les polir pour les lier convenablement ensemble ; nous sommes forcés de les prendre tels qu’ils sont et de leur choisir une bonne place ; et l’un des moyens les plus efficaces pour rendre la phrase nombreuse, gracieuse, énergique, c’est de savoir intervertir à propos l’ordre des mots, nec aliud potest sermonem facere numerosum quam opportuna ordinis mutatio 121. » Naturellement les langues transpositives se prêtent beaucoup mieux à ces inversions que les langues analogues. […] vous le savez ; le soir nous la vîmes séchée ; et ces fortes expressions, par lesquelles l’Ecriture sainte exagère l’inconstance des choses humaines, devaient ètre pour cette princesse si précises et si littérales. » Essayez de mettre : « Vous savez avec quelle grâce elle fleurissait le matin !  […] Ai-je su éviter l’un et l’autre excès, le dernier surtout ? […] si dans le zeugme j’avais distingué le protozeugme, le mésozeugme et l’hypozeugme ; dans l’onomatopée, l’allitération, l’assonance et l’antanaclase ; dans l’épiphonème, l’initiatif, l’interjectif et le terminatif ; dans la répétition, l’anaphore, l’épiphore, l’épanalepse ou réduplication, la symptoque ou concaténation directe et indirecte, l’anadiplose, l’épanode… que sais-je ? […] « On dit (c’est l’Académie qui parle) : Il n’avait point de souliers dans ses pieds, au lieu de : il n’avait point ses pieds dans des souliers ; et : enfoncer son chapeau dans sa tête, au lieu de : enfoncer sa tête dans son chapeau. » Je ne sais si l’on dit cela, et si l’un vaut mieux que l’autre ; mais ce que je puis affirmer, c’est que les honnêtes gens ne disent ni l’un ni l’autre.

196. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

La passion comprise, l’écrivain saura la feindre lui-même ou la prêter aux autres. […] Je recommande le met profond d’un des plus habiles artistes du Théâtre-Français : « Pour savoir bien rire, il faut savoir pleurer ; et pour savoir pleurer, il faut savoir rire. »

197. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Molière, (1622-1673.) » pp. 205-211

Si dans la carrière du comédien, longtemps pour lui aventureuse et errante, il finit par trouver la réputation et même la fortune, on sait trop qu’il ne trouva pas le bonheur. […] L’antiquité ne saurait lui opposer avec avantage Aristophane ou Plaute ; et les modernes ne nous disputent point l’honneur d’avoir produit le premier des comiques, aussi bien que le modèle des fabulistes 2 Le Val-de-Grâce : éloge du peintre Pierre Mignard 1. […] Vous savez ce qu’il faut pour paraître marquis ;     N’oubliez rien de l’air ni des habits ; Arborez un chapeau chargé de trente plumes         Sur une perruque de prix ;     Que le rabat soit des plus grands volumes         Et le pourpoint des plus petits :         Mais surtout je vous recommande Le manteau d’un ruban sur le dos retroussé :         La galanterie en est grande ; Et parmi les marquis de la plus haute bande             C’est pour être placé. […] Une croupe en largeur à nulle autre pareille, Et des gigots, Dieu sait !

198. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Balzac, 1596-1655 » pp. 2-8

Esprit brillant, belle imagination, il fut le Malherbe de la prose : il a l’ampleur de la période, l’éclat du discours ; il sait choisir et ordonner les mots ; il orne de grandes pensées par des expressions magnifiques dont l’harmonie soutenue enchante l’oreille. […] Monsieur, Pour2 les nouvelles du grand monde que vous m’avez fait savoir, en voici de notre village. […] Et en effet, si vous ne le savez pas, je vous apprends qu’il y a autant de différence de rossignol à rossignol que de poëte à poëte. […] Mais tu vas savoir qu’il ne vient pas pour te perdre, mais pour te sauver, non pour t’enchaîner, mais pour t’affranchir ; car il combat déjà contre tes ennemis.

199. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Malherbe 1555-1628 » pp. 302-309

L’immortalité 1 Apollon à portes ouvertes2 Laisse indifféremment cueillir Ces belles feuilles toujours vertes Qui gardent3 les noms de vieillir ; Mais l’art d’en faire des couronnes N’est su que de peu de personnes ; Et trois ou quatre seulement, Au nombre desquels on me range, Peuvent donner une louange Qui demeure éternellement4. […] Rappelons ces vers de Boileau : il faut les savoir par cœur : Enfin, Malherbe vint ; et le premier, en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la muse aux règles du devoir, Par ce sage écrivain la langue réparée, N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée ; Les stances avec grâce apprirent à tomber, Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber. […] Nous les citons pour qu’on juge du ton auquel était alors montée l’opinion catholique : …………… Sus, sus, soldars, foudroyons ceste race ; Qu’il ne soit plus aucun vestige et trace Des huguenots ; ils ont assez vescu.

200. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre II. Qualités et devoirs de l’Orateur du Barreau. »

L’avocat ne saurait mettre jamais trop de bonne loi dans l’exposition des moyens de son adversaire. […] Il faut savoir qu’Hortensius avait reçu de Verrès un sphynx d’airain très précieux. […] C’est à la justice, c’est à la vérité qu’il est comptable du secours de sa voix et de ses talents ; et le crime, quel que soit l’éclat qui l’environne ou le crédit dont il s’appuie, le crime n’y saurait avoir aucun droit.

201. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Henri IV, 1553-1610 » pp. -

Écrivain sans le savoir, il a la source vive, l’esprit alerte, de la gaieté, de l’entrain, des saillies gauloises, un bon sens gascon, une familiarité souriante, un brave langage, de la rondeur et du piquant, des accents de cœur, et la concision expressive de cette parole agissante qui n’a pas de temps à perdre. […] A certaines vérités rudes, mais tempérées par la bonhomie et la belle humeur, on reconnaît le roi qui fait fi de la rhétorique, porte l’épée au côté, sait mener son monde et le ranger à l’obéissance, est passé maître dans l’art de gagner les esprits et de séduire les plus récalcitrants, possède l’expérience des hommes, ne dédaigne pas la ruse quand la loyauté serait peine perdue, et mêle l’adresse aux bons propos, à l’indulgence, à une bonté vraie quoique toujours très clairvoyante. C’est bien là, suivant l’expression de d’Aubigné, cette décision et promptitude merveilleuse du prince « le plus madré qui fût au monde. » On ne saurait contester les services qu’il rendit aux lettres.

202. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VI. De l’élocution et du style. »

Les écrivains médiocres, dont la pensée est toujours enveloppée de nuages, ne savent pas aller droit au but ; ils prennent des détours, accumulent les mots et affaiblissent l’idée. […] De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie qu’on m’en dise. […] Celui qui met un frein à la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots. […] Pascal, dont l’esprit était admirablement juste, n’aurait pas écrit ainsi ; car il dit qu’on ne sait pas en quoi consiste l’agrément qui est l’objet de la poésie. […] Les figures doivent s’offrir naturellement à notre esprit quand il a besoin de les employer ; on les fait sans le savoir, comme M. 

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