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182. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Retz, 1614-1679 » pp. 38-42

Aussitôt qu’elles perdirent leurs forces, celle des empereurs s’évanouit, et elle s’évanouit par le moyen de ceux mêmes qui, s’étant rendus maîtres de leur sceau et de leurs armes par la faveur qu’ils avaient auprès d’eux, convertirent en leur propre substance celle de leurs maîtres, dont ils firent leur proie, à l’abri de ces lois anéanties. […] Enfin il faut confesser que tous ses vices ont été de ceux que la grande fortune rend aisément illustres, parce qu’ils ont été de ceux qui ne peuvent avoir pour instruments que de grandes vertus1. […] Ce portrait n’est pas sympathique ; il ne rend qu’une justice avare à Richelieu.

183. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — De la ponctuation. »

Exemple : L’étude rend savant, et la réflexion rend sage.

184. (1875) Poétique

Des objets que nous ne verrions qu’avec peine, s’ils étaient réels, des bêtes hideuses, des cadavres, nous les voyons avec plaisir dans un tableau, lors même qu’ils sont rendus avec la plus grande vérité. […] Il en est de même du Térée de Sophocle, où la reconnaissance se fait par une navette qui rend un son. […] Or il est évident que dans les drames on use des mêmes formes lorsqu’il s’agit de rendre le terrible, le pitoyable, le grand, le vraisemblable. […] Un moyen qui ne contribue pas peu à relever l’élocution, sans la rendre moins claire, c’est d’allonger les mots, de les raccourcir, d’y changer des lettres, des syllabes. […] Si la poésie a entrepris d’imiter ce qu’elle ne peut rendre, la faute tombe sur elle.

185. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre III. De la forme extérieure de la poésie » pp. 22-70

Sans doute, tout cela se trouve dans la prose ; mais, comme dans les beaux-arts, il s’agit non seulement de rendre la nature, mais de la rendre avec tous ses agréments et ses charmes possibles, la poésie, pour arriver à sa fin, a dû ajouter au style de la prose un nouveau degré de perfection. […] Par conséquent, les mots ignobles et bas doivent être rejetés, à moins que le génie du poète ne les rende dignes de la haute poésie. […] Mais l’hémistiche ne doit jamais couper des mots que le sens rend inséparables. […] On se sert de ces rimes dans des pièces légères, pour rendre la narration plus rapide, et pour exprimer avec plus de force les sentiments impétueux. […] C’est ainsi qu’il faut éviter celles qui rendent le sens amphibologique, comme les suivantes : Quoi !

186. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

On a imprimé en italique les mots qu’il était nécessaire d’ajouter pour rendre intelligible la phrase française, et qui n’avaient pas leur équivalent dans le latin. […] Souvent, en effet, le luth harmonieux trahit le doigt et la pensée de l’artiste ; souvent, au lieu d’un son grave, la corde infidèle rend un son aigu : et la flèche n’atteint pas toujours le but qu’elle menaçait. […] qu’on le tire de là, et vous verrez si, rendu à lui-même, il abdiquera cette manie tragique d’immortalité. […] En adoptant la première de ces deux expressions, nous avons voulu éviter l’interminable périphrase qu’il eût fallu employer pour nous rendre intelligible. […] L’expression serait assez vague, si les détails qui précèdent ne la rendaient parfaitement claire.

187. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IX. de la disposition. — proportions, digressions, transitions, variété  » pp. 118-130

Telle est, semble-t-il, la doctrine de Boileau et de M. de la Harpe, quand ce dernier dit à propos de la Bruyère et de la Rochefoucauld : « En écrivant par petits articles détachés, et faisant ainsi un livre d’un recueil de pensées isolées, ils s’épargnèrent, comme l’observait Boileau, le travail des transitions, qui est un art pour les bons écrivains, et un écueil pour les autres. » Je n’en disconviens pas ; mais cet art, et c’est là précisément ce qui le rend si difficile, ne me parait autre chose que la fusion même des pensées diverses. […] L’antithèse est la forme la plus ordinaire de ces transitions ; continuez de feuilleter l’oraison funèbre de Condé : — Pendant que le prince se soutenait si hautement avec l’archiduc, il rendait au roi d’Angleterre tous les honneurs qui lui étaient dus… Nous avons parlé des qualités de l’âme, venons maintenant aux qualités de l’esprit… Si les autres conquérants ont reçu une récompense aussi vaine que leurs désirs, il n’en sera pas ainsi de notre grand prince, en effet,… etc. — C’est en étudiant les auteurs qui ont ainsi travaillé leurs transitions, Racine surtout et Massillon, que vous trouverez les modèles de ces mille artifices, et que vous vous habituerez à les employer vous-même à l’occasion. […] « Une longue uniformité, dit Montesquieu, rend tout insupportable : le même ordre de périodes longtemps continué accable dans une harangue, les mêmes nombres et les mêmes chutes mettent de l’ennui dans un long poème. […] Tout ce que vous trouverez en vous alors de nouveau, sera peut-être un compte un peu plus grand que celui que vous auriez aujourd’hui à rendre ; et sur ce que vous seriez, si l’on venait vous juger dans ce moment, vous pouvez presque décider de ce qui vous arrivera au sortir de la vie.

188. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Par le choix et l’opportunité des accessoires dans les choses, par l’analyse des caractères dans les hommes, la narration ou la thèse prévient les objections, répond d’avance à toutes les questions, rend probables les rencontres les plus merveilleuses, les assertions les plus paradoxales. […] « Ce jour, dit-il, Milon se rendit au sénat, il y resta jusqu’à la fin de la séance. […] Or, comme le plus souvent l’exposé des choses n’est utile que parce qu’il contribue à rendre les faits plus vraisemblables, plus intéressants, plus sensibles, la description, par sa nature et par son but, se rattache intimement à la narration. […] Trouvez sur votre palette ces mille espèces de vert et de bleu que vous donne la nature ; trouvez-les dans un style à la fois net et flexible, dans une profonde connaissance et une grande habitude des ressources de la langue, dans un vocabulaire d’une étendue considérable, qui permette de rendre, tout en évitant le néologisme, les nuances les plus légères et les plus fugitives.

189. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XV. de l’élocution  » pp. 203-216

« En effet, dit Cicéron, le discours se composant de la pensée et de l’expression, l’expression n’existe pas, si vous retranchez la pensée ; la pensée ne se manifeste pas, si vous supprimez l’expression. » Ce qui revient à l’idée de Buffon : « Bien écrire est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir à la fois de l’esprit, de l’âme et du goût63. » Mais par là même qu’on met à part le bien rendre, on conçoit qu’on puisse, en rhétorique, abstraire l’expression d’un écrit, pour la considérer indépendamment de toute autre propriété, comme, en géométrie, on abstrait l’étendue de la matière, en peinture, le coloris du tableau. On conçoit qu’il arrive parfois qu’une idée vraie et digne soit mal rendue, et qu’une idée fausse et inconvenante plaise, jusqu’à un certain point, par sa forme ; qu’un même sens, comme l’a remarqué Pascal, change selon les paroles qui l’expriment, et que les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner64. […] L’expression, le style fait toute la différence… Le style rend singulières les choses les plus communes, fortifie les plus faibles, donne de la grandeur aux plus simples.

190. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Simon, 1675-1755 » pp. 223-233

Un changement si subit rendit ma surprise extrême. […] Quelques moments après, je vis de loin, vers la porte du petit cabinet, monseigneur le duc de Bourgogne avec un air fort ému et peiné ; mais le coup d’œil que j’assénai vivement sur lui ne m’y rendit rien de tendre, et ne me rendit que l’occupation profonde d’un esprit saisi. […] On ne peut rendre l’état où il fut quand il le sentit enfin dans toute son étendue.

191. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Ce fut alors qu’il charma ses loisirs par des études historiques, où les vues pénétrantes et parfois paradoxales d’un savoir aussi précis qu’enthousiaste s’allient à l’éclat d’une forme magistrale et à cette puissance d’imagination qui rend la vie à la poussière des morts. […] Les divers membres de chaque phrase et les phrases elles-mêmes se succédaient presque sans lien marqué : Rousseau les soumet à un enchaînement sévère qu’il rend sensible, faisant du discours l’image du raisonnement, et rappelant le style à une logique vivante. Après avoir ainsi remonté les ressorts trop relâchés de la langue, il pouvait sans danger lui communiquer le mouvement et l’élan qu’elle ne connaissait plus depuis un demi-siècle, et rendre leur essor aux deux facultés de l’âme humaine sans lesquelles on ne peut atteindre à rien de grand dans les lettres comme ailleurs, l’imagination et la passion. […] La force avait fini par manquer à la prose française ; Rousseau la lui a rendue : c’est là son titre immortel.

192. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Lebrun Né en 1785 » pp. 498-505

Qui me rendra des eaux le cours limpide et frais ? […] C’est qu’un temps regretté vous est en lui rendu ; C’est qu’on retrouve alors tout ce qu’on a perdu : Le passé, la jeunesse, hélas ! […] Un tel pays rendrait bien vaine L’ambition d’un conquérant.

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