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23. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

Il n’y avait pas d’autre moyen de porter à l’oreille l’idée de l’objet qu’on s’efforçait de nommer. […] En général, les mots d’une certaine étendue flattent plus agréablement l’oreille que les monosyllabes. […] Il importe d’observer que les sons faciles et agréables à prononcer flattent toujours l’oreille. […] Ce qui choque l’oreille n’a plus la même énergie ; et, par un effet semblable, ce qui révolte le sens ne saurait flatter l’oreille. […] L’oreille, sans cesse frappée de la même mélodie, s’en fatiguerait bientôt.

24. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Et comment savoir flatter leurs passions, si l’on n’apprend la Rhétorique, qui est l’art de s’insinuer dans les cœurs en charmant les oreilles ? […] A ces dons si rares il joint une oreille délicate, un sens exquis de l’harmonie, de la grâce, de l’enjouement, du trait, l’esprit de saillie, prompt à l’attaque comme à la riposte. […] La raison, le cœur, l’oreille, les yeux, tout y est satisfait. […] La forme périodique ne satisfait pas seulement l’esprit : elle a, comme la phrase musicale, son rythme et ses repos réglés par la respiration de l’orateur : elle prend les cœurs en charmant les oreilles. […] Chaque période a son harmonie propre, chaque mot son accent tonique, que l’oreille doit saisir et que la prononciation doit marquer.

25. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

Ce qu’on ne doit point voir, qu’un récit nous l’expose : Les yeux, en le voyant, saisiraient mieux la chose ; Mais il est des objets qu’un art judicieux Doit offrir aux oreilles et reculer des yeux. […] Le langage mesuré donne au style plus de vigueur ; il satisfait davantage l’oreille et saisit mieux la mémoire. […] Mais dans les endroits où la passion est moins excitée, l’oreille se plaît à retrouver la cadence et l’harmonie : c’est un charme continu auquel l’imagination est sensible17. […] La tragédie lyrique, ne peut être astreinte aux règles fixe& et sévères de la tragédie ordinaire : destinée à plaire surtout aux yeux et aux oreilles par le jeu mimique de la scène et par l’enchantement de la musique, sa composition littéraire devient d’une importance secondaire, et la plupart du temps, le spectateur s’inquiète peu. des paroles.

26. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Boileau, (1636-1711.) » pp. 212-225

Ma muse en l’attaquant, charitable et discrète, Sait de l’homme d’honneur distinguer le poëte1 Qu’on vante en lui la foi, l’honneur, la probité ; Qu’on prise sa candeur et sa civilité ; Qu’il soit doux, complaisant, officieux, sincère : On le veut, j’y souscris, et suis prêt à me taire2 Mais que pour un modèle on montre ses écrits, Qu’il soit le mieux renté de tous les beaux esprits, Comme roi des auteurs qu’on l’élève à l’empire, Ma bile alors s’échauffe, et je brûle d’écrire ; Et, s’il ne m’est permis de le dire au papier, J’irai creuser la terre, et, comme ce barbier, Faire dire aux roseaux, par un nouvel organe : « Midas, le roi Midas, a des oreilles d’âne3 ». […] On prononçait alors craître, quoique l’on écrivit croistre comme paroistre, en sorte que les deux rimes que nous offre ici Boileau étaient bonnes pour l’oreille et les yeux. […] L’édition de Saint-Marc, Amsterdam, 1772, porte ici cette note : « Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans, apercevant un jour Boileau à Versailles, lui fit signe d’approcher et lui dit à l’oreille ce dernier vers. » On ne saurait imaginer de plus flatteur et de plus gracieux suffrage.

27. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

vous créerez des mots inconnus à l’oreille de nos vieux Céthégus. […] Ce n’est pas assez pour la poésie de charmer l’oreille : il faut qu’elle touche le cœur, qu’elle remue, qu’elle entraîne. […] Mais le récit ne s’adresse qu’à l’oreille, et il agit moins vivement sur l’esprit, que ces tableaux animés dont l’œil fidèle transmet directement à l’âme la sympathique émotion. […] nos pères étaient trop bons, pour ne pas de dire autre chose : du moins, si nous sommes en état, vous et moi, de distinguer le plaisant du burlesque, et d’apprécier au doigt et à l’oreille la justesse d’un son. […] Pourtant, si vous écriviez quelque jour, consultez l’oreille exercée de Métius, et celle de votre père, et la mienne ; puis, gardez votre manuscrit pendant neuf ans.

28. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Gilbert. (1751-1780.) » pp. 297-303

…………………………………………………………………………………… Assise dans ce cirque où viennent tous les rangs Souvent baîller en loge, à des prix différents, Chloris n’est que parée, et Chloris se croit belle : En vêtements légers l’or s’est changé pour elle ; Son front luit, étoilé de mille diamants ; Et mille autres encore, effrontés ornements, Serpentent sur son sein, pendent à ses oreilles ; Les arts, pour l’embellir, ont uni leurs merveilles : Vingt familles enfin couleraient d’heureux jours, Riches des seuls trésors perdus pour ses atours. […] Chacun veut de la vie embellir le passage : L’homme le plus heureux est aussi le plus sage…     Jadis la poésie, en ses pompeux accords, Osant même au néant prêter une âme, un corps, Egayait la raison de riantes images ; Cachait de la vertu les préceptes sauvages Sous le voile enchanteur d’aimables fictions ; Audacieuse et sage en ses expressions, Pour cadencer un vers qui dans l’âme s’imprime, Sans appauvrir l’idée enrichissait la rime ; S’ouvrait par notre oreille un chemin vers nos cœurs, Et nous divertissait pour nous rendre meilleurs.

29. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre VII. Vers, stances, classification des poèmes. »

Au-dessous de quatre vers, l’harmonie de la stance est tellement uniforme et répétée qu’elle fatigue l’oreille plutôt qu’elle ne l’amuse. […] Au-dessus de dix vers, la stance est si étendue que l’oreille ne peut guère la saisir.

30. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Malherbe 1555-1628 » pp. 302-309

Rappelons ces vers de Boileau : il faut les savoir par cœur : Enfin, Malherbe vint ; et le premier, en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la muse aux règles du devoir, Par ce sage écrivain la langue réparée, N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée ; Les stances avec grâce apprirent à tomber, Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber. […] Né avec de l’oreille et du goût, il connut les effets du rhythme, et créa une foule de constructions poétiques adaptées au génie de notre langue.

31. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

La Comtesse empressée va écouter, comme son propre père, le donneur d’avis ; elle répète tout ce qu’il dit, elle dit oui à satiété, et ce n’est que lorsque Chicaneau, fâché de se voir interrompu par ces oui, change de discours et s’adresse à la Comtesse en cessant de parler au juge, que celle-ci toute âme et toute oreilles, prend le change, et cette malheureuse apostrophe, Liez-moi, détruit toute l’entente cordiale. […] Les expressions variées, mais restreintes dans les limites du genre ; les épithètes justes et gracieuses, placées à propos et sans prodigalité ; les métaphores et les allégories naturelles ; enfin, les images vives qui transportent les objets sous les yeux, et les expressions imitatives qui peignent à l’oreille en même temps qu’à l’esprit : voilà en quoi consistent les ornements qui conviennent à l’apologue. […] Vous parlerez plus à l’imagination qu’à l’oreille ; vous ne serez plus narrateur, poète, orateur ; vous serez peintre, et vous nous ferez assister à un spectacle réel. […] Se prolongeaient, expiraient, forêts, — De désert en désert, à travers, solitaires, tous ces mots convenablement distancés viennent frapper l’oreille de sons uniformes, et l’on éprouve comme un frémissement involontaire. […] L’archevêque, en racontant ceci disait : Si j’avais tenu ce maraud-là, je lui  aurais rompu les deux bras et coupé les oreilles.

32. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre troisième. De l’élocution. »

Quand elles sont pures et harmonieuses, elles semblent mettre notre langue en musique, et charment ainsi l’oreille en même temps que la pensée. […] Un trait héroïque a sa pensée profonde qui fait agir, et son langage n’a pas besoin de venir à nos oreilles ; le cœur entend tout. […] Le bruit léger d’un feuillage agité par une douce brise est rendu sensible à l’oreille ; harmonie imitative. […] L’euphonie cherche les tournures les plus agréables à l’oreille.   […] L’euphonie consiste dans l’ harmonie des mots entre eux, et son but est de flatter l’oreille.

33. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Pascal, 1622-1662 » pp. 44-51

Ne vous étonnez pas s’il ne raisonne pas bien à présent : une mouche bourdonne à ses oreilles ; c’en est assez pour le rendre incapable de bon conseil. […] L’homme, qui est esprit, se mène par les yeux et les oreilles. » 7.

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