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42. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mirabeau, 1749-1791 » pp. 368-376

Necker avait eu quelque ombre de talent et des intentions perverses, il obtenait sous huit jours 60 millions d’impôt, 150 d’emprunts, et, le neuvième, nous étions dissous. […] Necker avait l’ombre de caractère, il serait inébranlable, marcherait avec nous au lieu de déserter notre cause qui est la sienne, deviendrait cardinal de Richelieu sur la cour, et nous régénérerait.

43. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

Les deux justices sont représentées avec des attributs fort opposés, et sont accompagnées de figures allégoriques mises dans l’ombre par un seul mot, d’un côté le désespoir, ami cruel et mauvais conseiller, est le seul compagnon de la justice des hommes. […] Mélangez l’ombre avec les lumières. […] Des bouleaux agités par les brises et dispersés cà et là dans la savanne, formaient des îles d’ombres flottantes sur une mer immobile de lumière. […] La hardiesse et la beauté des métaphores ne sont pas moins dignes d’éloges, des îles d’ombres flottantes, une mer immobile de lumière, un océan de forets, le sein de la rivière  ; sont des figures riches, la course azurée de la lune, son jour velouté, les zones diaphanes, formées par tes nuages, des bancs doux à l’œil, la rivière brillante des constellations de la nuit, la clarté donnante sur les gazons ; renfermement des épithètes qui tiennent à la fois de la métaphore et de l’image, et que peu d’écrivains emploient avec grâce.

44. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre III. Analyse et extraits des Harangues d’Eschine et de Démosthène, pour et contre Ctésiphon. »

Il assemble autour de la tribune les ombres de ces infortunés citoyens ; il les place entre le peuple et Démosthène : il l’investit de ces mânes vengeurs, et en forme autour de lui un rempart dont il semble lui défendre de sortir. […] Il semble, quand on l’entend, que toutes les ombres qu’Eschine vient d’évoquer, accourent pour se ranger autour de la tribune de Démosthène, et le prennent sous leur protection.

45. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IX. de la disposition. — proportions, digressions, transitions, variété  » pp. 118-130

Le peintre repousse sa lumière par des ombres vigoureuses ; mais c’est du même soleil ou du même flambeau que proviennent les ombres et les lumières ; pour les unir, il cherche à imiter cette transition d’une teinte à l’autre que l’air ambiant produit dans la nature, et si ses couleurs crient, si ses jours papillotent, c’est qu’il a violé ou ignoré les principes de son art.

46. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre III. — Disposition »

C’est ainsi que l’ombre d’Arcésius termine son discours à Télémaque ; il lui parle du châtiment des mauvais rois : Crains donc, mon fils, crains une condition si périlleuse : arme-loi de courage contre toi-même., contre les passions et contre les flatteurs. […] Son ombre eût pu encore gagner des batailles : et voilà que dans son silence son nom même nous anime ; et ensemble il nous avertit que, pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux, et n’arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le Roi de la terre, il faut encore servir le Roi du Ciel. » Servez donc ce Roi immortel et si plein de miséricorde, qui vous comptera un soupir et un verre d’eau donné en son nom, plus que tous les autres ne feront jamais tout voire sang répandu ; et commencez à compter le temps de vos utiles services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant.

47. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Chateaubriand 1768-1848 » pp. 222-233

La masse du fleuve, qui se précipite au midi, s’arrondit en un vaste cylindre, puis se déroule en nappe de neige ; et brille au soleil de toutes les couleurs : celle qui tombe au levant, descend dans une ombre effrayante ; on dirait une colonne d’eau du déluge1. […] Dans une savane, de l’autre côté de la rivière, la clarté de la lune dormait sans mouvement sur les gazons : des bouleaux agités par les brises, et dispersés çà et là, formaient des îles d’ombres flottantes sur cette mer immobile de lumière.

48. (1867) Rhétorique nouvelle « Introduction » pp. 2-33

L’épopée est morte ; la tragédie antique, hôtesse des palais et des cours, est descendue dans la rue, elle a échangé sa pourpre pour les haillons du drame populaire ; la chanson a pris les ailes de l’ode ; la fable, cessant d’être une simple leçon de morale, s’est armée de l’aiguillon de l’abeille et s’est transformée en drame satirique ; le roman, fleur obscure chez les anciens et presque inaperçue, est devenu chez nous un arbre immense qui couvre tout de son ombre, mœurs, histoire, politique, sciences, arts, et qui menace d’absorber tous les autres genres ; l’éloquence a quitté l’ample toge, la vaste tribune, les horizons de la place publique, les grands mouvements des grandes multitudes ; elle s’est enfermée dans d’étroites enceintes, elle a pris le frac noir, les gestes sobres et mesurés, la convenance digne et froide des . […] vous avez devant vous un jury composé de bourgeois et de paysans, pour qui un attentat à la propriété est le plus grand des crimes, que le seul mot d’incendie fait frémir pour leurs maisons, leurs récoltes, leurs troupeaux, et, au lieu de vous présenter avec le calme de la confiance, au lieu de dire : Messieurs, le hasard ne pouvait m’offrir pour mon début une affaire plus simple, où l’innocence de l’accusé éclatât plus manifestement et fût plus facile à démontrer, — vous allez parler de votre âge, de votre inexpérience, de la difficulté du procès ; vous allez appeler sur vous l’indulgence de ces braves gens, résolus d’avance à punir, je ne dirai pas le crime, mais l’ombre du crime d’incendie, comme si vous doutiez de la bonté de votre cause, comme si elle était déjà perdue à vos yeux et désespérée !

49. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Ce sont des pensées qui ne brillent que par l’opposition1 ; l’on ne présente qu’un côté de l’objet, on met dans l’ombre toutes les autres faces ; et ordinairement ce côté qu’on choisit est une pointe, un angle sur lequel on fait jouer l’esprit avec d’autant plus de facilité, qu’on l’éloigne davantage des grandes faces sous lesquelles le bon sens a coutume de considérer les choses. […] Ces écrivains n’ont point de style, ou, si l’on veut, ils n’en ont que l’ombre : le style doit graver des pensées ; ils ne savent que tracer des paroles. […] D’ailleurs elle ne nous a transmis que les gestes de quelques nations, c’est-à-dire les actes d’une très-petite partie du genre humain : tout le reste des hommes est demeuré nul pour nous, nul pour la postérité ; ils ne sont sortis de leur néant que pour passer comme des ombres qui ne laissent point de traces ; et plût au ciel que le nom de tous ces prétendus héros, dont on a célébré les crimes ou la gloire sanguinaire, fût également enseveli dans la nuit de l’oubli !

50. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

Mais à celui qui, cherchant l’ombre et le silence, s’enfoncerait dans un de ces chemins tortueux et encaissés qui débouchent sur la route à chaque instant, bientôt se révéleraient de frais et calmes paysages, des prairies d’un vert tendre, des ruisseaux mélancoliques et silencieux, des massifs d’aulnes et de frênes, toute une nature suave, naïve et pastorale. […] L’église était tendue de noir relevé par des lames d’argent qu’éclairaient çà et là quelques cierges jaunes, lesquels peuplaient les sombres nefs de fantômes et d’ombres vagues et vacillantes. […] Ce grand peuple espagnol aux membres énervés, Qui s’est couché dans l’ombre et sur qui vous vivez, Expire dans cet antre où son sort se termine, Triste comme un lion mangé par la vermine ! […] Ton globe, qui brillait dans la droite profonde, Soleil éblouissant, qui faisait croire au monde Que le jour désormais se levait à Madrid, Maintenant, astre mort, dans l’ombre s’amoindrit, Lune aux trois quarts rongée et qui décroît encore, Et que d’un autre peuple effacera l’aurore !

51. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

L’autre jour que j’étais couché à l’ombre, je m’avisai de remarquer la variété des herbes et des petits animaux que je trouvai sous mes veux. […] » (Fables, XXL) Le singe Un vieux singe malin étant mort, son ombre descendit dans la sombre demeure de Pluton922, où elle demanda à retourner parmi les vivants. […] Le voilà revenu devant Pluton, qui voulut cette fois le faire passer dans le corps d’un poisson, pour le rendre muet ; mais il fit encore une farce devant le roi des ombres, et les princes ne résistent guère aux demandes des mauvais plaisants qui les flattent926. […] On voit, par une de ses lettres, que son Traité d’optique étant prêt à imprimer943, des objections prématurées qui s’élevèrent lui firent abandonner alors ce dessein. « Je me reprochais, dit-il, mon imprudence de perdre une chose aussi réelle que le repos, pour courir après une ombre944. » Mais cette ombre nie lui a pas échappé dans la suite, il ne lui en a pas coûte son repos qu’il estimait tant, et elle a eu pour lui autant de réalité que ce repos même. […] Qu’on se figure un pays sans verdure et sans eau, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l’œil s’étend et le regard se perd sans pouvoir s’arrêter sur aucun objet vivant ; une terre morte et, pour ainsi dire, écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert, où le voyageur n’a jamais respiré sous l’ombrage, où rien ne l’accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante : solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l’homme qui se voit seul ; plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, il voit partout l’espace comme son tombeau ; la lumière du jour, plus triste que l’ombre de la nuit1152, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l’horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l’abîme de l’immensité qui le sépare de la terre habitée : immensité qu’il tenterait en vain de parcourir ; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent1153 tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort.

52. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Vauvenargues 1715-1747 » pp. 196-198

» Le jour vient, les ombres s’effacent, et les gardes sont relevées1 ; vous rentrez dans le camp ; la fatigue et le bruit vous plongent dans un doux sommeil, et vous vous levez plus serein pour prendre un repas délicieux.

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