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162. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — De Maistre, 1753-1821 » pp. 377-387

Dans le vaste domaine de la nature vivante, il règne une violence manifeste, une espèce de rage prescrite qui arme tous les êtres pour leur mutuelle destruction : dès que vous sortez du règne insensible, vous trouvez le décret de la mort violente écrit sur les rontières mêmes de la vie. […] Rien n’est plus contraire à sa nature, et rien ne lui répugne moins : il fait avec enthousiasme ce qu’il a en horreur. […] Il me semble qu’un prophète, d’un seul trait de son fier pinceau, vous a peints d’après nature, il y a vingt-cinq siècles, lorsqu’il a dit : « Chaque parole de ce peuple est une conjuration2 » ; l’étincelle électrique, parcourant, comme la foudre dont elle dérive, une masse d’hommes en communication, représente faiblement l’invasion instantanée, j’ai presque dit fulminante, d’un goût, d’un système, d’une passion parmi les Français qui ne peuvent vivre isolés. […] Ne contiennent-ils rien de particulier et d’étranger à notre nature ?

163. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Silvestre de Sacy. Né en 1801. » pp. 522-533

Sa foi classique semble irrésistible comme un instinct de nature. […] Essentiellement aristocratique de sa nature, son temps est passé ; par sa perfection même, et par la délicatesse de ses détails, elle n’est plus de notre époque1. […] Rendez-moi le soleil de la Grèce, les jeux, les combats des héros, ces temples où l’homme vouait un culte à son image divinisée par le ciseau d’un Phidias ; rendez-moi les sages se complaisant dans leur sagesse, et s’étudiant à se mettre par la force de leur âme au-dessus des accidents de la fortune et de la colère du ciel ; un Platon pénétrant jusque dans le sanctuaire des idées éternelles ; un Aristote embrassant dans sa vaste science la morale, la politique, tous les secrets de l’art et de la nature ; un Caton disposant de sa vie pour échapper à l’oppression ; un Socrate buvant la ciguë d’une âme calme et sereine, bien sûr que s’il y a des dieux, ce sont des dieux bons ; rendez-moi toutes les illusions, toutes les chimères du monde antique, si vous n’avez rien à mettre à la place qu’une sèche et désespérante anatomie des petitesses du cœur ! […] Pourquoi sommes-nous honteux de notre propre nature ?

164. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Règles pour les ouvrages de littérature »

Règles pour les ouvrages de littérature Ce que je viens de dire, doit faire juger qu’il y a des règles pour la composition des ouvrages de littérature ; règles qui, émanées de la saine raison, fondées sur la nature du cœur humain, sont invariables, et indépendantes du caprice des hommes, et qui, par conséquent, ont été et seront les mêmes dans tous les temps et chez toutes les nations. […] L’honnêteté : elle consiste dans le respect pour la vertu, que l’auteur de la nature a gravée dans notre âme en caractères ineffaçables.

165. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

Oui, quelque sujet qu’on traite, fût-ce le dithyrambe ou la lettre familière, les caprices de la fantaisie ou le délire de la passion, l’art exige une certaine unité, un certain enchaînement, une certaine harmonie, des proportions régulières, une gradation continue ; tout cela, si vous voulez, plus ou moins apparent, plus ou moins rigoureux, plus lâche ou plus serré ; mais, sans ces éléments, l’art n’existe plus, la nature même n’est plus représentée, sinon une nature malade, les rêves d’un fiévreux, velut œgri somnia 18 Or comment arriver à la disposition ? […] — 1° Parce que leur position lui permet de les attaquer plus facilement et plus sûrement que les autres ; 2° parce que leur chute lui répond de celle de tous ceux presque qui dépendent d’eux. — Il semble, au premier aspect, que ce second motif, beaucoup plus puissant que l’autre, eût dû être présenté d’abord ; mais comme le but de l’orateur, déterminé par la nature de l’auditoire auquel il s’adresse, était de prévenir les chutes des grands, c’est sur la facilité de ces chutes et le danger des séductions à leur égard qu’il appuie principalement22. […] Il est peu propre aux efforts d’une longue carrière ; je comprends ce sentiment de modestie ; mais il ajoute qu’il est poëte inconstant et rêveur ; Sans cesse en divers lieux errant à l’aventure, Des spectacles nouveaux que m’offre la nature Mes yeux sont égayés ; Et tantôt dans les bois, tantôt dans les prairies, Je promène toujours mes douces rêveries Loin des chemins frayés. […] L’élévation dont la naissance les met en possession les empêche toute seule de s’en rendre dignes : héritiers d’un grand nom, il leur paraît inutile de s’en faire un à eux-mêmes ; ils goûtent les fruits d’une gloire dont ils n’ont pas goûté l’amertume ; le sang et les travaux de leurs ancêtres deviennent le titre de leur mollesse et de leur oisiveté ; la nature a tout fait pour eux, elle ne laisse plus rien à faire au mérite ; et souvent l’époque glorieuse de l’élévation d’une race devient, un moment après, elle-même, sous un indigne héritier, le signal de sa décadence et de son opprobre ; les exemples là-dessus sont de toutes les nations et de tous les siècles.

166. (1867) Rhétorique nouvelle « Deuxième partie. L’éloquence du barreau » pp. 146-

La nature leur a donné la force et l’éclat ; mais elle leur a refusé l’esprit de finesse et le sentiment des proportions. […] » On admire l’art des poëtes qui ont su rendre avec cette vérité les cris de la nature ; mais on n’admire pas moins la sagesse des législateurs athéniens qui interdirent à cet art dangereux l’accès des tribunaux. […] Ces hommes jouent un rôle ; ils ont le masque et le cothurne tragiques ; l’ardeur de l’action, l’effort de la lutte, l’orgueil du triomphe les exaltent : ils sont plus grands que nature. […] Pour juger des effets que pouvait produire sur le théâtre de l’éloquence cette libre expansion des sentiments de la nature, éloignons un moment notre pensée des enceintes étroites où s’exerce timidement l’art moderne, devant un public restreint d’oisifs délicats, de jurés bourgeois ou campagnards, de juges interprètes scrupuleux et inflexibles de la loi. […] Je me trompe : la nature, si prodigue pour lui de ses dons, lui en a refusé un, l’énergie du caractère.

167. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre troisième. De l’élocution. »

Je ne m’occuperai donc pas de ce style individuel donné par la nature. […] Une  seule de ces métaphores expliquée suffit pour faire connaître la nature de toutes les autres. […] Un auteur a dit que le déluge universel fut la lessive de la nature. […] Cette pensée quoique exagérée contient un sens profond, et pour ne pas la rendre vraie, le seul moyen est de ne point faire abus des figures et de les réserver pour les occasions indiquées par la nature et le goût. […] Pour le style romantique, la régularité est de la froideur ; les images, l'imagination, les beautés de la nature sont peu de chose.

168. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

Ainsi Boileau, parlant dans un même chant du poème épique, de la comédie et de la tragédie, au lieu de mettre ensemble ces deux derniers poèmes qui sont évidemment de la même nature, place le poème épique entre les deux. […] Toutefois, dans le sein d’une terre inconnue Ne va point vainement enfoncer la charrue ; Observe le climat, connais l’aspect des cieux, L’influence des vents, la nature des lieux, Des anciens laboureurs l’usage héréditaire, Et les biens que prodigue ou refuse une terre121. […] On a voulu distinguer les poèmes didactiques d’après la nature de l’objet dont ils s’occupaient. […] Lucrèce, né 95 ans avant notre ère, a fait sur la Nature des choses un poème en six livres, où il expose la physique d’Épicure. […] Ainsi l’on voit sa burlesque nature De chaque sot adopter la figure.

169. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre IV. Des Ouvrages Didactiques. »

Les règles de l’éloquence, de la poésie et des autres arts ayant été prises dans la nature du cœur humain, ont toujours été et seront toujours aussi invariables que la raison même. […] Ceux à qui la nature a donné le moins d’intelligence, doivent être les premiers objets de ses soins et de ses travaux. […] Les admirables Traités de la vieillesse, de l’amitié, de la nature des Dieux, par Cicéron, sont en Dialogues.

170. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

La Définition n’est, en elle-même, qu’une explication courte, simple et claire de la nature d’une chose. Mais l’orateur, loin de se borner à cette explication, s’attache à développer d’une manière étendue et ornée la nature de ce qu’il définit. […] Mais que des pluies excessives s’y joignent encore, afin que nous ayons, à la fois, avec tout le courage et tout l’art, toute la nature à combattre. […] C’est cette nature, qui est toujours et partout la même, qu’Aristote a parfaitement connue, puisqu’en peignant ses contemporains, il a peint les hommes des siècles postérieurs, et ceux du siècle présent. […] Mais après tout, vous n’avez vaincu pour lors que ce qui était de nature et de condition à être vaincu ; car il n’est rien de si puissant ni de si redoutable, dont le fer et la force ne puissent enfin venir à bout.

171. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

« La précision, dit Aristote, ne consiste pas à être rapide et concis, mais à dire ce qu’il faut, et ni plus ni moins qu’il ne faut, οίδι γἀρ ίνταῦθά ίστι τό ιὖ ὔ τῷ ταχύ, ὔ τῷ συνόμως, άλλὰ τῷ μιτ ρίως. » N’oubliez pas que la précision est un des éléments de la clarté, et qu’ainsi c’est aller contre sa nature que de retrancher des mots qui éclairciraient votre idée. […] Le style vrai est cette façon de dire tellement d’accord avec la nature de la personne qui parle, la position où elle se trouve, le milieu où elle agit, les circonstances qui l’affectent, que le lecteur ne se figure pas la possibilité de penser ou de s’exprimer autrement, que rien n’indique la recherche, l’embarras, le parti pris d’adopter telle forme, de produire tel effet, de faire un sort, selon l’expression de Rivarol, il chaque mot et à chaque phrase. […] En vain Montaigne disait à ses contemporains : « Si j’étois du métier, je naturaliserois l’art, autant comme ils artialisent la nature ; » on continua d’artialiser ; le mauvais goût fit chaque jour de nouveaux progrès ; l’hôtel de Rambouillet, dont les opinions étaient des lois, y applaudit et y contribua.

172. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Il commande au soleil d’animer la nature. […] Les passions tiennent essentiellement à notre nature ; on ne peut être homme sans passions ; elles n’ont en elles-mêmes rien de mauvais ; tout dépend de l’usage qu’on en fait. […] Le but de notre nature est la recherche du bonheur ; un entrainement irrésistible nous y pousse.

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