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204. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

« J’arrivai sur le port, dit Quintilien, j’aperçus un navire, je demandai le prix du passage, je fis marché, je montai, on leva l’ancre, on mit à la voile, nous partîmes. — Chaque phrase est courte, le récit est long. […] mettez-vous à la place du lecteur, et si vous pouvez craindre que celui-ci, encore mal éclairé sur votre dessein, ou trop vivement préoccupé de l’action, ne comprenne pas l’utilité de votre tableau, ou n’y accorde qu’une médiocre attention, quelque intéressant, quelque brillant qu’il vous paraisse, ajournez-le jusqu’à ce que, plus rassis, mieux disposé, le lecteur l’appelle lui-même aussi vivement que vous. […] Pour l’une comme pour l’autre, il faut faire un choix dans l’ensemble des objets, déterminer les points les plus saillants, les plus utiles ; à moins qu’il n’y ait quelque circonstance dominante et qui appelle tout d’abord les regards, distribuer le tout par groupes, le ciel, le terrain, les eaux, puis le feuillage et les fabriques, ou encore d’après les impressions des sens, les formes, les couleurs, les bruits, les odeurs ; si le sujet est vaste, préférer en général l’opposition des contrastes aux rapprochements des harmonies, les masses aux détails, et là même où les détails sont de mise, se restreindre à ceux qui ont un caractère assez tranché pour frapper l’esprit. […] Pour lui donner la vie, mêlez le sentiment à l’image, soit que vous mettiez l’aspect des lieux en harmonie avec les émotions de l’âme ; soit que vous aviviez celles-ci par l’opposition ; soit que vous y rattachiez une espérance ou un souvenir public ou privé.

205. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XV. de l’élocution  » pp. 203-216

« En effet, dit Cicéron, le discours se composant de la pensée et de l’expression, l’expression n’existe pas, si vous retranchez la pensée ; la pensée ne se manifeste pas, si vous supprimez l’expression. » Ce qui revient à l’idée de Buffon : « Bien écrire est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir à la fois de l’esprit, de l’âme et du goût63. » Mais par là même qu’on met à part le bien rendre, on conçoit qu’on puisse, en rhétorique, abstraire l’expression d’un écrit, pour la considérer indépendamment de toute autre propriété, comme, en géométrie, on abstrait l’étendue de la matière, en peinture, le coloris du tableau. […] La généralisation des idées dépend de la grandeur du sujet, et le ton, à son tour, est déterminé par elle, comme, lorsqu’on parle, la disposition plus ou moins passionnée de l’esprit dépend de la grandeur des intérêts mis en jeu, et détermine à son tour le ton de la voix. […] Il dira que le qu’il mourût est sublime, mais n’appartient pas plus au ton sublime qu’au ton simple, car cet admirable eri de dévouement à l’honneur et à la patrie n’a rien de commun avec la généralisation des idées ; qu’au contraire, il y a à la fois sublime et ton sublime dans les vers de Joad : Celui qui met un frein à la fureur des flots… etc. […] Je ne dis rien des poëtes ; car il ne s’agit pas ici de poésie, et je n’admets pas le style poétique en prose ; la lecture des poëtes est excellente pour préparer à écrire, pour mettre en train, en quelque sorte.

206. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

On avait bien porté l’analyse dans la mâle synthèse de la phrase française, qu’on l’avait toute décomposée et mise en poussière : Rousseau rétablit la période aux formes larges et opulentes. […] Ce qu’il y a de vrai dans cette opinion, c’est qu’une œuvre d’art n’est belle qu’à la condition d’être vivante, et, par exemple, la loi de l’art dramatique est de ne point mettre sur la scène de pâles fantômes du passé, mais des personnages empruntés à l’imagination ou à l’histoire, comme on voudra, pourvu qu’ils soient animés, passionnés, qu’ils parlent et agissent comme il appartient a des hommes et non à des ombres. […] Ainsi, pour produire l’illusion, on a mis au théâtre un grand soin dans ces derniers temps à la vérité historique du costume2. […] Les causes de toute sorte qui ont amené peu à peu, dans la langue et la littérature française, ce grand changement, si manifeste dans le Discours de la Methode et dans le Cid, forment un problème d’histoire littéraire aussi curieux que difficile à résoudre, et que l’Académie française a eu bien raison de mettre au concours.

207. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des figures » pp. 324-354

L’hyperbate ou inversion : — Celui qui met un frein à la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots. […] Rappelons-nous que ce tableau n’est pas un code, mais un recueil d’analyses curieuses, et n’imitons pas ces poëtes tragiques, copistes malheureux de Corneille et de Racine, qui disaient : Ici je mettrai un songe, là un récit, ailleurs un monologue. […] Malheur à qui pourrait mettre des opinions ou des préjugés en balance avec la patrie ! […] La gradation. — « Si empoisonner un citoyen romain est un crime, si le battre de verges est un attentat, si le faire mourir est presque un parricide, que sera-ce de le mettre en croix ? 

208. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Mme de Maintenon. (1635-1719.) » pp. 76-82

Si la faveur où je suis met tout le monde à mes pieds, elle ne doit pas faire cet effet-là sur un homme chargé de ma conscience, et à qui je demande très-instamment de me conduire, sans aucun égard, dans le chemin qu’il croit le plus sûr pour mon salut. […] On ne mettrait plus le aujourd’hui pour représenter un participe non exprimé ; mais au dix-septième siècle ce tour libre et rapide était autorisé par l’usage. […] Cette haute fortune de Mme de Maintenon eut son principe dans sa vertu, ce moyen de parvenir trop peu mis en usage ; car, comme elle l’a dit elle-même : « Rien n’est plus habile qu’une conduite irréprochable. » — J’oserai donc réclamer contre le jugement sévère d’un célèbre écrivain de nos jours qui, en peignant « les femmes illustres du dix-septième siècle », a représenté celle-ci comme « ne consultant ni le devoir ni son cœur, mais l’opinion ; ne poursuivant qu’un seul et bien misérable objet, la considération, sans vertu et sans amour… »

209. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Rochefoucauld, 1613-1680 » pp. 32-37

Là, il est souvent invisible à lui-même ; il y conçoit, il y nourrit et y élève, sans le savoir, un grand nombre d’affections et de haines : il en forme de si monstrueuses que, lorsqu’il les a mises au jour, il les méconnaît ou ne peut se résoudre à les avouer. […] Il est bizarre, et met souvent toute son application dans les emplois les plus frivoles ; il trouve tout son plaisir dans les plus fades, et conserve toute sa fierté dans les plus méprisables. […] j’allois finir ma lettre sans mettre votre très-humble, très-obéissant et très-fidèle serviteur.

210. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Argument analytique de la Poétique d’Artistote. » pp. -

De ce qu’il convient de mettre sur la scène  de l’art d’embellir les caractères. […] Conseils aux poëtes tragiques : se mettre à la place des spectateurs et des personnages de la tragédie.

211. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXII. des figures. — figures par rapprochement d’idées semblables  » pp. 301-322

Despréaux soutenait avec trop de raison pour qu’il eût besoin d’y mettre de l’aigreur. […] Je conçois que la femme dans laquelle vous avez mis toute votre existence soit le lit où coule le fleuve de votre vie ; mais je ne conçois pas ce que c’est qu’un lit d’ombrage, je ne conçois pas que, si le flot de votre vie y chante en roulant une étoile (un flot qui chante en roulant une étoile !) […] Legendre qui dit au § xii : « Deux lignes sont dites parallèles, lorsqu’étant situées dans le même plan, elles ne peuvent se rencontrer à quelque distance qu’on les prolonge l’une et l’autre. » L’autre est d’un critique qui, dissertant sur les comédies de Molière, compare Agnès « à cette fleur exotique qui se développe en un moment, et qu’un jardinier mal avisé a mise sous cloche. […] » Souvent, par l’allusion, le personnage mis en scène rappelle à son insu aux lecteurs un fait qu’ils connaissent, mais auquel ils ne songeaient pas, parce que, au moment où se passe l’action, ce fait est encore dans l’avenir. […] Il est difficile de mettre sur un buisson un bonnet de quelque couleur qu’il soit.

212. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voltaire, 1694-1778 » pp. 158-174

Je suis malade, je me mets en ménage ; je souffre comme un damné. […] Cela posé, songez donc à vous, et puis à vos amis ; buvez du vin de Champagne avec des gens aimables, mais faites quelque chose qui vous mette en état de boire un jour du vin qui soit à vous. […] Il ne faut pour cela que se mettre un demi-quart d’heure vis-à-vis son écritoire. […] Je lui conseillerais, s’il voulait mettre fin à cette étrange aventure, de prendre à peu près son modèle sur la petite figure en porcelaine de Sèvres. […] nous mettons ensemble nos douleurs, nos résignations et nos ruines.

213. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre I. Du Pathétique. » pp. 280-317

L’homme en sa propre force a mis sa confiance : Ivre de ses grandeurs et de son opulence, L’éclat de sa fortune enfle sa vanité. […] À des personnes mortes : tel est l’exemple que nous en offrent les derniers de ces beaux vers que Racine met dans la bouche de Phèdre en proie à tous les remords de son amour criminel pour Hippolyte. […] Le sort, dit-on, l’a mise en ses sévères mains. […] Telles sont ces paroles que Virgile met dans la bouche de Neptunea. […] Joad lui répond : Celui qui met un frein à la fureur des flots, Sait aussi des méchants arrêter les complots.

214. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Mme de Sévigné. (1626-1696.) » pp. 48-53

Vatel monte à sa chambre, met son épée contre la porte, et se la passe au travers du cœur ; mais ce ne fut qu’au troisième coup, car il s’en donna deux qui n’étaient point mortels ; il tombe mort. […] Ils avaient fait ici une manière d’entrée à mon fils ; Vaillant avait mis plus de quinze cents hommes sous les armes, tous fort bien habillés, un ruban neuf à la cravate ; ils vont en très-bon ordre nous attendre à une lieue des Rochers. Voici un bel incident : M. l’abbé1 avait mandé que nous arriverions le mardi, et puis tout d’un coup il l’oublie : ces pauvres gens attendent le mardi jusqu’à dix heures du soir ; et quand ils sont tous retournés chacun chez eux, bien tristes et bien confus, nous arrivons paisiblement le mercredi, sans songer qu’on eût mis une armée en campagne pour nous recevoir : ce contre-temps nous a fâchés ; mais quel remède ?

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