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51. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

Au reste, ces quatre dernières figures, pour mieux exprimer l’intention ou le sentiment de l’écrivain, arrêtent la marche de la phrase, mais sans y jeter le désordre ; celles dont il nous reste à parler portent de plus graves atteintes à la construction ou à la syntaxe. […] Enfin, les saillies de l’imagination, le concours d’une foule d’idées qui se présentent ensemble et se heurtent en quelque sorte pour se faire passage, la fougue, l’impatience, le délire de la passion qui s’emporte, et jettent le désordre dans l’esprit, peuvent engager l’écrivain à enlever les mots à leur place ordinaire, et à bouleverser même des phrases entières. […] Fontanier propose une nouvelle espèce de parenthèse qu’il appelle incidence, et dans laquelle il range toutes ces propositions elliptiques ou explicites que l’on jette à chaque instant dans la phrase pour en affecter l’assertion, par ma foi, je l’avoue, puisqu’il faut le dire, croyez-m’en, le dirai-je, etc.

52. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Fénelon 1651-1715 » pp. 118-132

Ces deux défauts sont capables de jeter dans le plus affreux désordre les personnes même les plus résolues à pratiquer la vertu, et les plus remplies d’horreur pour la vice. […] Ce faux philanthrope est comme un pêcheur qui jette un hameçon avec un appât ; il paraît nourrir les poissons, mais il les prend, et les fait mourir. Tous les tyrans, tous les magistrats, tous les politiques qui ont de l’ambition, paraissent bienfaisants et généreux ; ils paraissent se donner, et ils veulent prendre les peuples ; ils jettent l’hameçon dans les festins, dans les compagnies, dans les assemblées publiques ; ils ne sont pas sociables pour l’intérêt des hommes, mais pour abuser de tout le genre humain.

53. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Victor Hugo Né à Besançon en 1802 » pp. 540-556

La meilleraie 2 Mon frère, la tempête a donc été bien forte ; Le vent impétueux qui souffle, et nous emporte De récif en récif, A donc, quand vous partiez, d’une aile bien profonde Creusé le vaste abîme, et bouleversé l’onde,   Autour de votre esquif, Que1 tour à tour, en hâté, et de peur du naufrage, Pour alléger la nef en butte au sombre orage,   En proie au flot amer, Il a fallu, plaisirs, liberté, fantaisie, Famille, amour, trésors, jusqu’à la poésie,   Tout jeter à la mer ! […] Moi, je sais mieux la vie ; et je pourrai te dire, Quand tu seras plus grande, et qu’il faudra t’instruire, Que poursuivre l’empire, et la fortune et l’art, C’est folie et néant ; que l’urne aléatoire2 Nous jette bien souvent sa honte pour la gloire, Et que l’on perd son âme à ce jeu de hasard ! […] Sur lui-même Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées2 ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur3 ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie ; Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal1, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore2 !

54. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre premier. Apologie de Socrate par Platon. »

Quoi de plus facile dans un combat que de jeter ses armes, et de demander la vie à l’ennemi qui vous poursuit ? […] Tu es son fils, son esclave Qu’elle arme contre toi des bourreaux, qu’elle te jette dans les fers, qu’elle t’envoie aux combats, ton devoir est d’obéir.

55. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XVI. Genre du roman. »

Voyant le public blasé sur les jouissances pures et délicates, ils cherchent à réveiller cette sensibilité émoussée en recourant au laid et en forçant la nature ; ils jettent en pâture au public des sentiments raffinés, des situations fausses, extravagantes, invraisemblables, des passions exagérées. […] Rien n’est plus contraire aux progrès d’une éducation solide que la lecture des romans ; ces frivoles distractions dégoûtent des travaux sérieux, jettent le trouble dans les idées, et fanent promptement cette fleur de l’imagination qui a besoin de tant de délicats ménagements.

56. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

Corneille a jeté dans cette pièce des morceaux sublimes et des traits d’héroïsme tels que n’en offre aucune tragédie de l’antiquité. […] Ce génie exclusivement enclin à la gaîté et à la fantaisie folle y jette à pleines mains le sel le plus gros, les propos les plus verts, les équivoques les plus transparentes. […] (Dans les transports de fureur, dans le délire où le jette sa ruine, le joueur se retourne vers une autre passion non moins ruineuse que le jeu. […] » À ces mots, le vieillard se jette à ses genoux. […] Différez quelques jours : la faveur n’est pas grande… Je me jette à vos pieds, et je vous la demande.

57. (1865) Cours élémentaire de littérature : style et poétique, à l’usage des élèves de seconde (4e éd.)

C’est de l’eau prise dans le ruisseau et jetée sur la toile. […] Une métaphore recherchée et tirée d’un objet peu connu jette de l’obscurité dans le discours. […] Dans les écrits des païens, le flambeau de la raison a jeté parfois un brillant éclat, et, chez quelques-uns, la grandeur de l’homme se révèle par des traits de sublime vertu. […] Quelquefois on jette tout à coup le lecteur au milieu du sujet, comme s’il lui était connu, et l’on amène ensuite avec art les premiers événements. […] Depuis, on a jeté des couplets dans toute la pièce sans aucune nécessité, mais seulement parce que le chant fait plaisir aux spectateurs.

58. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

Mais sur le point d’être jeté Au fond de la nuit éternelle, Comme tant d’autres l’ont été, Tout ce que je vois me rappelle A ce monde que j’ai quitté. […] Né dépourvu, dans la foule jeté, Germe naissant par le vent emporté, Sur quel terrain puis-je espérer de croître ? […] L’Adour sort des Pyrénées, traverse la vallée de Campan, et va se jeter dans le golfe de Gascogne.

59. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre III. Lettres missives. Genre épistolaire. »

On peut aussi, quand on est dans une certaine familiarité, se jeter à côté, et traiter un autre sujet, pour revenir, à la fin de sa lettre, aux souhaits de bonheur qu’on a d’abord écartés. […] On jeta de l’eau sur le reste de l’embrasement, et enfin le combat finit faute de combattants, c’est-à-dire après que le premier et le second étage de l’antichambre, et de la petite chambre, et du cabinet, qui sont à main droite du salon, eurent été absolument consumés.

60. (1854) Éléments de rhétorique française

On crie, on pleure : M. d’Hamilton fait cesser ce bruit, et ôter le petit d’Elbeuf, qui s’était jeté sur ce corps, qui ne voulait pas le quitter, et qui se pâmait de crier. […] Sans méthode, on peut bien rencontrer une saillie qui excite le rire, mais on ne jette aucune clarté dans la discussion. […] On doit employer avec beaucoup de discernement les adjectifs relatifs et possessifs, qui, que, son, sa, ses, leur, leurs, et les pronoms il, elle,, leur ; ces mots, jetés au hasard, semblent se rapporter à la fois à plusieurs substantifs, et couvrent la phrase entière d’obscurité. […] Les habitants, couchés par terre dans les rues, couvraient leur tête de leurs manteaux, comme s’ils ne leur restait plus rien à faire qu’à ne pas voir leur désastre ; d’autres se jetaient dans les flammes sans la moindre espérance d’y échapper ; on voyait tour à tour une fureur et une résignation aveugle, mais nulle part le sang-froid qui double les moyens et les forces. […] Oswald frémit à cette idée, et demanda qu’à l’instant le quartier fût ouvert ; mais quelques femmes du peuple qui l’entendirent se jetèrent à ses pieds, pour le conjurer de n’en rien faire : « Vous voyez bien, disaient-elles, ô notre bon ange !

61. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Prenez garde, je vous prie, à ces habiles poltrons ; voyez comme une nouvelle expérience met leur sagesse en désordre, comme un simple bruit, sans auteur288 et sans fondement, les jette hors de leur assiette ordinaire. […] Ceux que l’on avoit jetés dedans ont été bien aises que le roi leur ait permis d’en sortir, et ont quitté avec joie ces bastions qu’ils avoient élevés, et sous lesquels il sembloit qu’ils se voulussent enterrer. […] Que si le roi de Suède s’est jeté dans le péril plus avant que ne devoit un homme de ses desseins et de sa condition, et si le duc de Friedland, pour trop différer son entreprise, l’a laissé découvrir, pouvoit-il charmer la balle qui a tué celui-là au milieu de sa victoire, ou rendre celui-ci impénétrable aux coups de persuisane311. […] S’est-il jeté dedans l’esquif pour se sauver ? […] Quelle contenance a tenue, parmi tout cela, cet homme que l’on disoit qui s’étonneroit au moindre mauvais succès, et qui avoit fait fortifier le Havre pour s’y jeter à la première mauvaise fortune ?

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