Son geste d’abord, sa voix ensuite, indique ses besoins, ses désirs ; peu à peu il imite ce qu’il entend, il articule, enfin la parole s’échappe de ses lèvres ; cette parole, mère des talents, des arts, des sciences, cette parole qui lie tous les hommes entre eux, et qui commande à la nature, en donnant des ailes à la pensée. […] L’obscurité dépend encore de ce qu’on veut parfois paraître fin, délicat, profond, mystérieux même ; on croit ainsi éblouir le vulgaire, souvent disposé à admirer ce qu’il n’entend pas. […] Nous entendons si souvent ces expressions : Une réponse laconique, une lettre laconique, un compliment laconique, que l’on nous permettra une petite explication sur ce mot. […] Chateaubriand, en décrivant le spectacle d’une belle nuit dans les déserts du Nouveau-Monde, peint avec perfection le retentissement immensément prolongé dans le lointain du bruit de la cataracte du Niagara : « Tout était silence et repos, hors la chute de quelques feuilles, le passage brusque d’un vent subit, les gémissements rares et interrompus de la hulotte ; mais au loin, par intervalles, on entendait les roulements solennels de la cataracte du Niagara, qui, dans le calme de la nuit, se prolongeaient de désert en désert, et expiraient à travers les déserts solitaires. » Delille représente parfaitement le bruit que fait le moulin pour réduire le café en poudre : Moi seul contre la noix qu’arment ses dents de fer, Je fais en le broyant crier son fruit amer.
Qui d’abord… Attendez, le corps d’armée a peur. » J’entends un peu de bruit, ce me semble4. […] Il ne tiendra qu’à vous qu’avec le même zèle Nous ne continuions cet office fidèle, Et ne prenions grand soin de nous dire, entre nous, Ce que nous entendrons, vous de moi, moi de vous4, (Le Misanthrope, acte III, sc. […] Il laisse entendre qu’il a figuré aux premiers rangs. […] Le marchand le plus mince Élève ses enfants comme des fils de prince ; Sa fille, qu’en tous lieux il se plaît à vanter, N’entend rien au ménage, et ne sait pas compter ; En revanche elle fait des vers, de la musique, Et l’on trouve un piano… dans l’arrière-boutique.
Démosthène et Cicéron ne sont plus, à proprement parler pour nous, que des écrivains : nous ne les entendons plus, nous les lisons ; et cette différence de point de vue est grande. […] « Pénétrons, dit-il, dans l’intérieur des maisons : qu’y voit, qu’y entend un enfant qui puisse ne pas faire, sur sa jeune âme, l’impression la plus fâcheuse ?
. — La gloire de l’homme qui écrit est donc de préparer des matériaux utiles à l’homme qui gouverne, etc. » Non ; ce n’est point à l’homme de lettres à se mêler de politique : rarement il y entend quelque chose. […] Dans des réflexions sur la langue poétique, on retrouve la même pesanteur de style, la même recherche d’expressions et de métaphores, toujours empruntées d’objets qui ne pourraient être entendus eux-mêmes qu’à l’aide de métaphores.
Mais les plus intelligents étaient les plus retenus et les plus timides à se faire entendre ; ils n’osaient se déclarer sur quoi que ce soit ; ils ne parlaient qu’en tremblant et en hésitant des affaires de l’autre vie : ils consultaient et délibéraient toujours, sans jamais se résoudre ni prendre parti. […] Balzac entend par là des opinions innombrables, puisque chaque secte de philosophes avait la sienne.
« Endoctriné en route par un vieux matelot, dit l’illustre naturaliste, il avait pris sa voix rauque, mais si parfaitement qu’on pouvait s’y méprendre : quoiqu’il eût été donné ensuite à une jeune personne et qu’il n’eût plus entendu que sa voix, il n’oublia pas les leçons de son premier maître, et rien n’était si plaisant que de l’entendre passer d’une voix douce et gracieuse à son vieux enrouement et à son ton de marin. » 3.
Un certain jour, il arriva Que l’aveugle, à tâtons, au détour d’une rue, Près du malade se trouva : Il entendit ses cris, son âme en fut émue. […] Un perroquet de l’équipage, A force d’entendre ces mots, Les retint, et les dit pendant tout le voyage.
Le financier, curieux de voir un homme dont la gaieté est si franche, le fait venir en son hôtel, converse avec lui et lui entend dire des naïvetés qui le charment et le réjouissent. […] Arrive-t-il vers lui un homme de bien et d’autorité qui le verra et qui peut l’entendre, non seulement il prie, mais il médite, il pousse des élans et des soupirs. […] S’il entend des courtisans qui parlent, qui rient et qui sont à la chapelle avec moins de silence que dans l’antichambre, il fait plus de bruit qu’eux pour les faire taire. […] Il évite une église déserte et solitaire où il pourrait entendre deux messes de suite, le sermon, vêpres et compiles, tout cela entre Dieu et lui, et sans que personne lui en sût gré. […] Il entend, ce semble le commandement des généraux, et il prend garde au bruit confus de l’armée. » Cette admirable description du cheval nous montre l’intrépidité de ce fier animal, son impatience de s’élancer en avant, sa joie lorsqu’il entend le son de la trompette guerrière, son intelligence qui lui fait comprendre que le combat va s’engager, et ses frémissements par lesquels il exprime son allégresse et son courage.
Notre lièvre n’avait que quatre pas à faire ; J’entends de ceux qu’il fait lorsque, prêt d’être atteint4 Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux calendes5 Et leur fait arpenter les landes. […] On croit aussi entendre la voix de Lucrèce, 2. […] On croit entendre un avocat qui chicane. […] Quel plaisir quant le soir, assis devant ma porte, J’entendrai le retour de mes moutons bêtauts, Que je verrai de loin revenir, à pas lents, Mes chevaux vigoureux, et mes belles génisses ! […] — C’est moi qu’il faut remercier, dites-vous, car c’est moi qui suis le cocher, et qui tiens le fouet. — J’entends.
Que faut-il entendre, en effet, par lieux externes ? […] « Sans doute, dit-il, celui qui se borne à dire qu’une ville a été prise embrasse dans ce seul mot toutes les horreurs que comporte un pareil sort ; mais il ne remue pas les entrailles, et a l’air d’annoncer purement et simplement une nouvelle : mais développez tout ce qui est renfermé dans ce mot, alors on verra les flammes qui dévorent les maisons et les temples ; alors on entendra le fracas des toits qui s’abîment, et une immense clameur formée de mille clameurs ; on verra les uns fuir à l’aventure, les autres étreindre leurs parents dans un dernier embrassement ; d’un côté, des femmes et des enfants qui gémissent, et de l’autre, des vieillards qui maudissent le sort qui a prolongé leur vie jusqu’à ce jour ; puis, le pillage des choses profanes et sacrées, les soldats courant en tout sens pour emporter ou pour chercher leur proie, chacun des voleurs poussant devant soi des troupeaux de prisonniers chargés de chaînes, des mères s’efforçant de retenir leurs enfants, enfin les vainqueurs eux-mêmes se battant entre eux à la moindre apparence d’un plus riche butin. […] Bien entendu qu’il faut éviter dans l’emploi des autorités, comme partout ailleurs, l’excès et le contre-temps, et ne pas citer Lucain et Caton, à propos de Dandin.
Le sujet n’est jamais assez tôt expliqué… Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’il soit permis de venir, à la façon des prologues d’Euripide et de plusieurs de nos modernes dramaturges, décliner tout bonnement son nom au parterre, et lui raconter gauchement son histoire, sous forme de monologue. […] En parlant ainsi de l’exorde dans l’éloquence de la chaire, je suppose, bien entendu, que l’orateur sacré s’adresse à des croyants. […] Il est des temps, où à travers l’ouragan des passions déchaînées il n’y a plus que le canon et le tonnerre qui puissent se faire entendre.