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22. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Il est dur de mourir, sans doute1 ; mais il est doux d’espérer qu’on ne vivra pas toujours, et qu’une meilleure vie finira les peines de celles-ci. […] Qu’est-ce qui nous est plus doux à faire et nous laisse une impression plus agréable après l’avoir fait, d’un acte de bienfaisance ou d’un acte de méchanceté ? […] Si l’on y parvient, il est plus pur, plus solide et plus doux par elle ; si on le manque, elle seule peut en dédommager. […] Enfin, après avoir fait encore quelques tours dans mon jardin, ou chanté quelque air sur mon épinette, je trouvais dans mon lit un repos de corps et d’âme cent fois plus doux que le sommeil même. […] Je me promenais dans une sorte d’extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela… Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade sans m’apercevoir que j’étais las.

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

C’est la nature qui avait appris à Homère que, pour peindre la beauté, il fallait choisir les voyelles les plus douces. […] Si Nestor se lève pour parler dans l’assemblée, son éloquence est un fleuve de miel, et le vers d’Homère coule aussi doux, aussi insinuant que le discours du sage vieillard22. […] Quelle mélancolie douce et attendrissante dans la description du poète ! […] Qu’un doux ruisseau murmure en vers plus doux encore.

24. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — [Notice] Maurice de Guérin, 1810-1839. » pp. 598-606

Le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée ; le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature ; notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage, en un mot, vrai sanctuaire du travail ; le dîner qui nous est annoncé, non par le son de la cloche qui rappelle trop le collége ou la grande maison, mais par une voix douce ; la gaieté, les vives plaisanteries, les causeries ondoyantes qui flottent sans cesse durant le repas ; le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises ; les douces choses qui se disent à la chaleur de la flamme qui bruit tandis que nous causons ; et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère, son enfant dans les bras ; les lèvres roses de la petite fille qui parlent en même temps que les flots ; quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de sa douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en considérant la mère et l’enfant qui se sourient, ou l’enfant qui pleure et la mère qui tâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix ; l’Océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons en nous en allant çà et là dans le taillis, pour allumer au retour un feu prompt et vif ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature et nous rappelle l’ardeur singulière de M. Féli1 pour le même labeur ; les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous appelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, mais moins éclatantes, parce que le soir voile tout, tempère tout ; la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et, de lecture en lecture, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence, que répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les ris, les petites moues pleines d’intelligence d’un enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange, qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse ! […] Les blés, les vignes, les taillis, les buissons, les fleurs, sa litière dans une touffe d’herbe ou dans la mousse sous un hallier, ses sommes, ses songes, sa vague et douce existence, tout est à elle de nouveau ; et moi, pour longtemps effarouché, je ne sortirai plus, je demeurerai à tout jamais confiné dans ma souterraine demeure. […] Un rayon de lumière doux et subtil se glisse chez moi et y entretient à peu près autant de jour que dans la cellule d’une abeille.

25. (1863) Précis de rhétorique : suivi des règles auxquelles sont assujettis les différents ouvrages de littérature pp. 1-100

Les sons doivent être doux ou rudes selon la pensée ou l'image. […] L'antiphrase fait entendre le contraire de ce qu'on dit : les Euménides (douces, bienfaisantes), pour les Furies, etc. […] Heureuse du présent, les richesses et la beauté de son âme lui promettent encore un doux avenir, tandis que la beauté des traits de la figure passe vite, et que les biens de la fortune s'épuisent. […] Aimable fille du printemps, Timide amante des bocages, Ton doux parfum flatte nos sens, Et tu sembles fuir nos hommages. […] Une description est la peinture douce et riante, ou vive et animée d'un objet.

26. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Poètes

Fin et avisé, il sut ménager à sa renommée vieillissante un déclin doux et souriant. […] pere très doux, Je vous supply, mon pere, à deux genoux, Avoir au moins pitié de ma jeunesse. […] O douce compagnie et utile et honneste ! […] Que la mort (direz-vous) estoit un doux plaisir ! […] Mais escoute comme sur tous Le rossignol est le plus doux, Sans qu’il se lasse.

27. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Leur gazouillement, faible encore, est plus lent et plus doux que dans le reste de la journée3 : Il se sent 4 de la langueur d’un paisible réveil. […] La vie laborieuse que Dieu nous impose n’a rien que de doux au cœur de l’homme de bien qui s’y livre en vue de remplir son devoir ; et la vigueur de la jeunesse ne vous a pas été donnée pour la perdre à d’oisives contemplations. […] Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m’apercevoir que j’étais las ; je m’en aperçus enfin. […] Mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. […] Quand les rudes aquilons ont ravagé la terre, vous appelez le plus faible des vents ; à votre voix, le zéphyr souffle, la verdure renaît, les douces primevères et les humbles violettes colorent d’or et de pourpre le sein des noirs rochers1.

28. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

C’est un fond de concert qui fait ressortir les chants éclatants des oiseaux, comme la douce verdure est un fond de couleur sur lequel se détache l’éclat des fleurs et des fruits. […] N’accompagnez de vos religieux murmures que les chants des oiseaux, ou les doux entretiens des amis qui veulent se reposer sous vos ombrages1. […] Mais bientôt émues elles-mêmes par ces scènes religieuses de lumière et d’ombre, et surtout par le sentiment du tombeau de Jean-Jacques, elles se mirent à chanter une romance ; leurs voix douces, se mêlant aux chants lointains des rossignols1, me firent sentir que, s’il y avait des harmonies entre la lumière de l’astre des nuits et les forêts, il y en avait encore de plus touchantes entre la vie et la mort. […] Tout en écrivant, j’ai tourné la tête vers la fenêtre, et mon regard a été inondé de teintes si douces, si molles, si veloutées ; j’ai vu tant de choses merveilleuses à l’horizon, que je n’ai pu m’empêcher de jeter ici cette exclamation de ravissement. […] Je m’assis à quelque distance, tenant mon cheval en main et n’espérant plus qu’en celui qui changea les feux de la fournaise d’Azarias en un vent frais et une douce rosée.

29. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

Ces extrêmes ne se rencontrent point dans la philosophie divine des livres saints : la morale y est ce qu’elle doit être, douce et consolante, jamais pénible, toujours tirée de la nature de l’homme et fondée sur ses intérêts les plus chers. […] Ce doux titre de père est celui que prend Salomon dans le livre des Proverbes, et ce titre est justifié à chaque page, à chaque mot, par la nature même des choses, et par la manière dont elles sont exprimées. […] Sans doute Mécène et tous les grands de Rome devaient s’accommoder d’une philosophie douce et complaisante, dont la base était de vivre pour soi, et qui se proposait seulement de raffiner les jouissances, et non pas de les diminuer. […] Malheur à tout mortel que votre main soulage : Que vos plus doux regards sont encore rebutants, Et que vous vendez cher vos bienfaits insultants ! […] Rien de plus doux que ce style, rien de plus séduisant que cette perspective.

30. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Notions préliminaires. »

Ce doux siècle n’est plus. […] Pour entendre vos doux accents, Les oiseaux cessent leur ramage, Et le chasseur le plus sauvage Respecte vos jours innocents. […]             Du doux pays de nos aïeux             Serons-nous toujours exilées ? […] Il faut qu’elles soient toujours nobles, riches, naïves, douces, gracieuses, agréables, selon la diversité des sujets, et qu’elles n’aient jamais rien de commun et de trivial. […] Que le style soit doux, lorsqu’un tendre zéphyre, À travers les forêts, s’insinue et soupire.

31. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Modèles

C’est une fleur timide qui se cache dans les bocages, son doux parfum flatte notre odorat. […] Cet homme parlait bas, d’un ton doux et ne s’emportait jamais. […] Quel ton humble et doux ! […] Parlerai-je des fraîches et douces vapeurs que nous envoient le fleuve et la vallée ? […] Cette fin de phrase est paisible et douce.

32. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bernardon de Saint-Pierre 1737-1814 » pp. 203-209

C’est un fond de concert qui fait ressortir les chants éclatants des oiseaux, comme la douce verdure est un fond de couleur sur lequel se détache l’éclat des fleurs et des fruits. […] N’accompagnez de vos religieux murmures que les chants des oiseaux, ou les doux entretiens des amis qui veulent se reposer sous vos ombrages1. […] Mais bientôt émues elles-mêmes par ces scènes religieuses de lumière et d’ombre, et surtout par le sentiment du tombeau de Jean-Jacques, elles se mirent à chanter une romance ; leurs voix douces, se mêlant aux chants lointains des rossignols1 me firent sentir que s’il y avait des harmonies entre la lumière de l’astre des nuits et les forêts, il y en avait encore de plus touchantes entre la vie et la mort. […] La vue de mon pays, de ce pays si chéri, où des torrents de plaisirs avaient inondé mon cœur, l’air des Alpes, si salutaire et si pur : le doux air de la patrie, plus suave que les parfums de l’Orient ; cette terre riche et fertile, ce paysage unique, le plus beau dont l’œil humain fût jamais frappé ; ce séjour charmant auquel je n’avais rien trouvé d’égal dans le tour du monde ; l’aspect d’un peuple heureux et libre ; la douceur de la saison, la sérénité du climat ; mille souvenirs délicieux qui réveillaient tous les sentiments que j’avais goûtés ; tout cela me jetait dans des transports que je ne puis décrire, et semblait me rendre à la fois la jouissance de ma vie entière. »

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