Je traduis ποιότης selon le sens qu’Aristote lui-même donne à ce mot dans les Catégories, chap. […] Voyez l’analyse qu’Aristote lui-même donne des divers sens de ce mot, dans la Métaphysique, IV, 16 et 17. […] Il est plus probable qu’Aristote oppose le caractère sérieux et sincère de l’ancienne éloquence, soit en vers, soit en prose, à l’éloquence plus savante, mais moins naturelle, dont les rhéteurs donnaient les préceptes et l’exemple. […] Les mss. donnent πέντε où on attend τὸ πέµπτον.
Par la force du génie, on se représentera toutes les idées générales et particulières sous leur véritable point de vue ; par une grande finesse de discernement, on distinguera les pensées stériles des idées fécondes ; par la sagacité que donne la grande habitude d’écrire, on sentira d’avance quel sera le produit de toutes ces opérations de l’esprit. […] On ne peut donc trop s’en occuper ; c’est même le seul moyen d’affermir, d’étendre et d’élever ses pensées : plus on leur donnera de substance et de force par la méditation, plus il sera facile ensuite de les réaliser par l’expression3. […] Rien n’est plus opposé au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain. […] « Tout auteur qui ne donne point cet ordre à son discours ne possède pas assez sa matière ; il n’a qu’un goût imparfait et un demi-génie. […] Qui nous donnait cette impression funèbre à son égard ?
Le respect pour les morts, et les regrets donnés à la cendre de ce qui nous fut cher, sont de tous les temps, et se retrouvent dans tous les pays et dans toutes les religions ; c’est le culte du sentiment : il est universel. Mais ce dont l’antiquité nous avait également donné l’exemple, et ce que la forme de nos institutions politiques ne nous a probablement pas permis d’imiter longtemps, c’est la coutume de consacrer des éloges funèbres à la mémoire de ceux qui avaient répandu leur sang pour la patrie. […] Aussi lui ont-ils payé la plus magnifique des contributions ; car, en lui donnant tout leur sang, ils ont obtenu pour eux-mêmes un honneur immortel et le plus glorieux des tombeaux ; non pas ce tombeau qui renferme aujourd’hui leurs cendres, mais celui que leur élèvera la main du temps, toutes les fois que l’on parlera de bravoure, ou qu’on en donnera l’exemple. […] Allez et retirez-vous après avoir donné à la nature, à l’amitié les pleurs qu’elles réclament »104.
L’autre, plus timide ou plus modeste, a commencé sa marche par s’appuyer sur les phénomènes, pour remonter aux principes inconnus, résolu de les admettre, quels que les pût donner l’enchaînement des conséquences. […] « Ce fut le 8 juillet de l’année 1709 que se donna cette bataille décisive de Pultava, entre les deux plus singuliers monarques qui fussent alors dans le monde ; Charles XII, illustre par neuf années de victoires ; Pierre Alexiowitz, par neuf années de peines prises pour former des troupes égales aux troupes suédoises ; l’un glorieux d’avoir donné des états, l’autre d’avoir civilisé les siens ; Charles aimant les dangers, et ne combattant que pour la gloire ; Alexiowitz ne fuyant point le péril, et ne faisant la guerre que pour ses intérêts : le monarque suédois libéral par grandeur d’âme ; le Moscovite ne donnant jamais que par quelque vue : celui-là d’une sobriété et d’une continence sans exemple, d’un naturel magnanime, et qui n’avait été barbare qu’une fois ; celui-ci n’ayant pas dépouillé la rudesse de son éducation et de son pays, aussi terrible à ses sujets qu’admirable aux étrangers, et trop adonné à des excès qui ont même abrégé ses jours. Charles avait le titre d’invincible, qu’un moment pouvait lui ôter ; les nations avaient déjà donné à Pierre Alexiowitz le nom de grand, qu’une défaite ne pouvait lui faire perdre, parce qu’il ne le devait pas à des victoires ».
Ceux qui ont défini l’éloquence l’art de persuader, n’en ont donné qu’une idée incomplète et inexacte ; car, comme nous venons de le dire, l’art ne fait pas toute l’éloquence ; elle suppose toujours l’émotion éprouvée et transmise aux autres ; de plus, elle n’a pas toujours pour effet la persuasion : le poète, l’écrivain, l’orateur, peuvent être éloquents sans persuader, et persuader sans être éloquents. […] C’est aux prêtres que Dieu a donné mission de prêcher et d’enseigner les vérités religieuses ; à eux appartient le droit de moraliser et de reprendre, à l’imitation des apôtres et de Jésus-Christ lui-même. Revêtu du caractère sacré, le prêtre est l’envoyé du ciel ; il est investi d’une autorité qui donne à sa parole quelque chose d’auguste et de solennel. […] Le nom de Bossuet est inséparable de l’oraison funèbre : il a donné à ce genre un caractère de grandeur et de perfection sublime qui ne sera sans doute jamais surpassé. […] On donne aussi au tribunal le nom de parquet.
Nulle espèce ne le mérite mieux ; la nature en effet n’a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l’idée de ses plus charmants ouvrages : coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvements flexibles et ressentis3, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l’enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté ; tout nous l’annonce, tout le peint comme l’oiseau de l’amour ; tout justifie la spirituelle et riante mythologie d’avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles. […] L’homme Tout marque dans l’homme, même à l’extérieur, sa supériorité sur tous les êtres vivants ; il se soutient droit et élevé, son attitude est celle du commandement, sa tête regarde le ciel1 et présente une face auguste2 sur laquelle est imprimé le caractère de sa dignité ; l’image de l’âme y est peinte par la physionomie ; l’excellence de sa nature perce à travers les organes matériels, et anime d’un feu divin3 les traits de son visage ; son port majestueux, sa démarche ferme et hardie, annoncent sa noblesse et son rang4 ; il ne touche à la terre que par ses extrémités les plus éloignées, il ne la voit que de loin5, et semble la dédaigner ; les bras ne lui sont pas donnés pour servir de piliers d’appui à la masse de son corps ; sa main ne doit pas fouler la terre, et perdre par des frottements réitérés la finesse du toucher dont elle est le principal organe ; le bras et la main sont faits pour servir à des usages plus nobles, pour exécuter les ordres de la volonté, pour saisir les choses éloignées, pour écarter les obstacles, pour prévenir les rencontres et le choc de ce qui pourrait nuire, pour embrasser et retenir ce qui peut plaire, pour le mettre à portée des autres sens. […] Le style C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile1 ; la chaleur naître de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. […] Rien n’est plus opposé au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain. […] Il convient de lire après cette page celle de Bossuet que voici : « L’homme a presque changé la face du monde ; il a su dompter par l’esprit les animaux qui le surmontaient par la force ; il a su discipliner leur humeur brutale, et contraindre leur liberté indocile ; il a même fléchi par adresse les créatures inanimées : la terre n’a-t-elle pas été forcée par son industrie à lui donner des aliments plus convenables, les plantes à corriger en sa faveur leur aigreur sauvage, les venins même à se tourner en remèdes pour l’amour de lui ?
Sous le nom d’exercices préparatoires à la composition, nous comprenons, outre l’étude et la connaissance des principes littéraires, la lecture des modèles, l’imitation des chefs-d’œuvre, et la méditation du sujet qui donne les divers moyens de le féconder et de le développer ou les sources de l’amplification. Nous donnerons quelques développements à ces questions dans les trois articles suivants. […] C’est par la lecture, dit Quintilien, que nous apprenons le sens et la valeur des mots, et la place qu’il convient de leur donner… La lecture sérieuse et souvent répétée grave les choses dans la mémoire, et en rend l’imitation facile. […] Il n’y a pas un grand homme, pas un sage, qui n’ait fini par restreindre à un très petit nombre d’écrivains favoris l’élite imposante des amis que la lecture lui avait donnés, parmi les maîtres de la parole. — Les commençants qui veulent se former un goût sûr et un bon style, doivent donc lire peu de livres, et les choisir dans le genre de leur talent. […] La périphrase substitue à l’expression simple une description ou une expression plus développée, afin de donner à la composition plus d’intérêt, de noblesse, de charme ou d’énergie.
Il faut donner à son âme toutes les formes possibles. […] Il faut que je vienne goûter avec vous les plaisirs que donnent les belles-lettres, la tranquillité, et l’amitié6. […] Si j’osais vous donner un conseil, ce serait de songer à être simple, à ourdir votre ouvrage d’une manière bien naturelle, bien claire, qui ne coûte aucune attention à l’esprit du lecteur. […] L’étude que vous avez faite de la langue italienne doit encore fortifier ce goût avec lequel vous êtes née, et que personne ne peut donner. […] Mais comme je suis encore plus reconnaissant que philosophe, je vous donne, sur ce qui me reste de corps, le même pouvoir que vous avez sur ce qui me reste d’âme.
Cicéron peut l’emporter devant les lecteurs, parce qu’il leur donne plus de jouissances : mais devant les auditeurs, nul ne l’emportera sur Démosthène, parce qu’en l’écoutant, il est impossible de ne pas lui donner raison, et c’est là certainement le premier but de l’art oratoire. » Un homme bien fait pour juger les anciens, puisque c’est de tous les modernes celui qui s’en est approché le plus près, l’illustre auteur du Télémaque, ne balance pas à se décider en faveur de Démosthène. […] Suit un parallèle énergiquement tracé des mœurs et de l’éducation anciennes, rapprochées de l’éducation et des exemples que les Romains donnaient alors à leurs enfants. […] Qui prendra la peine de se contenir devant lui, quand les parents eux-mêmes s’oublient assez pour lui ouvrir la route, et lui donner des exemples journaliers de tous les genres de corruption ?
« Son esprit (dit l’abbé Sicard) était brûlant comme le soleil qui éclaira son berceau, sa tête remplie de principes justes et sains ; homme étonnant, qui mieux que lui les eût fait triompher, si d’anciens ressentiments ne l’avaient jeté dans un parti dont il faisait la force, dont il était la gloire, et dont il était sur le point de déserter les drapeaux, quand la mort vint empêcher cette réparation solennelle à la cause qu’il avait combattue jusqu’alors avec tant de courage, de talent et de persévérance. » Cependant cet athlète si redoutable, dont la seule apparition à la tribune semblait en devoir écarter tous ceux qui n’y monteraient pas pour soutenir ou défendre ses opinions ; ce turbulent tribun du peuple, qui jouissait et abusait même insolemment de toute l’influence que donne une grande popularité, trouva un adversaire digne de son talent, dans un homme qui, célèbre jusque-là par des succès dans la chaire évangélique, et par de pacifiques triomphes d’académie, ne laissait pas soupçonner en lui le publiciste profond, l’homme d’état complètement familiarisé avec tous les ressorts et tous les secrets de l’administration. […] Mais quelle idée se fera la postérité, de ce prodigieux Mirabeau, de ce géant politique qui pesa un moment sur la France entière, et qui l’eût peut-être écrasée du poids de son ascendant populaire, si la providence n’eût brisé tout à coup l’instrument qu’elle avait daigné employer pour donner de grandes et terribles leçons aux princes et aux peuples de la terre ? […] Il fallait plus pour défendre Louis XVI ; il fallait tout le courage que donne la vertu, et l’héroïsme que n’intimident ni les cris de la fureur aveugle, ni la certitude que la mort était l’infaillible prix de ce dévouement généreux à la cause d’un monarque proscrit d’avance, et pour qui l’on allait braver toutes les formes de la justice, comme on avait déjà violé toutes les lois de l’humanité. […] De Sèze ; son discours est resté, et sera cité par nos neveux, comme un monument des derniers efforts de l’éloquence en faveur de la justice et de la vertu ; et si ses efforts ont été impuissants, c’est qu’il n était pas donné à l’éloquence humaine d’émouvoir alors ce qui n’avait plus rien d’humain.
C’est peu d’aimer les vers, il les faut savoir lire ; Il faut avoir appris cet art mélodieux De parler dignement le langage des dieux ; Cet art qui, par les tons des phrases cadencées, Donne de l’harmonie et du nombre aux pensées ; Cet art de déclamer dont le charme vainqueur Assujettit l’oreille et subjugue le cœur. […] Vous m’avez tout donné : la vie et la lumière, Le blé qui fait le pain, les fleurs qu’on aime à voir, Et mon père et ma mère, et ma famille entière ; Moi, je n’ai rien pour vous, mon Dieu, que la prière Que je vous dis matin et soir. Notre Père des cieux, bénissez ma jeunesse : Pour mes parents, pour moi, je vous prie à genoux ; Afin qu’ils soient heureux, donnez-moi la sagesse ; Et puissent leurs enfants les contenter sans cesse, Pour être aimés d’eux et de vous ! […] Tandis qu’en vos palais tout flatte voire envie, À genoux sur le seuil, j’y pleure bien souvent ; Donnez : peu me suffit ; je ne suis qu’un enfant ; Un petit sou me rend la vie.