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209. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre II. Application des principes à la première Philippique de Démosthène, et à la seconde Catilinaire de Cicéron. »

Écoutez avec quel art l’orateur répond à l’objection, toute forte qu’elle paraît. […] Ce rapprochement est naturel, et plein d’art cependant : cette manière d’argumenter par les faits, de fortifier les circonstances les unes par les autres, constitue essentiellement la logique de l’orateur public, et personne ne l’a possédée comme Démosthène. […] « Pour moi, dit-il, je n’ai jamais brigué votre faveur par des discours étrangers à ce que je croyais vous devoir être utile ; et j’ai alors déclaré mon sentiment sans art, comme sans réserve. […] L’insinuation, parce qu’il avait à ménager, soit dans le sénat, soit devant le peuple, soit dans les tribunaux, une foule de convenances étrangères à Démosthène : l’ornement, parce que la politesse du style était une sorte d’attrait qui se faisait sentir plus vivement à Rome, à mesure que tous les arts du goût et du luxe y étaient plus accrédités. […] » César vient de parler avec autant d’art que d’éloquence sur la vie et sur la mort : il regarde sans doute comme des chimères ce que l’on rapporte des enfers, où les méchants, à jamais séparés des bons, habitent un séjour d’horreur et de désespoir.

210. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIV. Genre historique. »

Outre les connaissances spéciales, les recherches particulières au sujet qu’il traite, un historien, pour être complet, doit avoir pénétré les secrets de la nature et du cœur humain, étudié les lois et les constitutions des peuples, et acquis sur la politique, la religion, la philosophie, la littérature, les arts, le commerce, l’industrie, l’économie politique, des notions générales et suffisantes. […] Analyser avec goût les auteurs, soumettre les ouvrages à une critique judicieuse et impartiale, étudier le caractère des écrivains, l’influence qu’ils ont reçue de leur siècle, celle qu’ils ont exercée sur lui à leur tour ; constater les progrès de la pensée et de la langue mêler à cette étude des observations justes et profondes sur les mœurs, le goût et l’art d’écrire : tel est l’objet multiple de l’histoire littéraire.

211. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

C’est ce que nous recommande encore Boileau en ces termes Quoi que vous écriviez, évitez la bassesse : Le style le moins noble a pourtant sa noblesse Art poétique, chant I. […] Il est un art de les exprimer avec noblesse, et c’est cet art qu’il faut acquérir et dont Boileau nous parle dans les vers qui précèdent. […] L’Harmonie est la qualité du style la plus séduisante la plus capable de lui donner le nombre et la cadence, la dignité et la grâce, la majesté et la douceur qui captivent les auditeurs, et exercent sur les âmes un charme puissant et presque toujours vainqueur : aussi les anciens représentaient-ils ingénieusement le dieu de l’éloquence, Mercure, parlant à ses auditeurs, et laissant échapper de ses lèvres, non des paroles, mais des chaînes d’or, emblème du pouvoir irrésistible de cet art sur les âmes. […] Toutes les institutions périssent ; la royauté s’en va ; le monde politique s’agite dans des convulsions de mort ; au milieu de ce désordre moral, un fait immense survit encore : c’est la puissance du Catholicisme, puissance de mystères, de pompes, de famille, d’arts et de saintes mémoires. […] Art poétique, ch. 

212. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Le Paon Si l’empire appartenait à la beauté et non à la force, le paon serait sans contredit le roi des oiseaux ; il n’en est point sur qui la nature ait versé ses trésors avec plus de profusion : la taille grande, le port imposant, la démarche fière, la figure noble, les proportions du corps élégantes et sveltes, tout ce qui annonce un être de distinction lui a été donné ; une aigrette mobile et légère, peinte des plus riches couleurs, orne sa tête, et l’élève sans la charger ; son incomparable plumage semble réunir tout ce qui flatte nos yeux dans le coloris tendre et frais des plus belles fleurs, tout ce qui les éblouit dans les reflets pétillants des pierreries, tout ce qui les étonne dans l’éclat majestueux, de l’arc-en-ciel : non seulement la nature a réuni sur le plumage du paon toutes les couleurs du ciel et de la terre, pour en faire le chef-d’œuvre de la magnificence, elle les a encore mêlées, assorties, nuancées, fondues de son inimitable pinceau, et en a fait un tableau unique, où elles tirent de leur mélange avec des nuances plus sombres et de leurs oppositions entre elles, un nouveau lustre, et des effets de lumière si sublimes, que notre art ne peut ni les imiter ni les décrire. […] Il convient dans les discours d’apparat principalement destinés à plaire, dans les compliments faits aux puissances, dans les panégyriques où il est permis d’employer toutes les richesses de l’art et d’en étaler toute pompe. […] Nous donnons ici quelques extraits de ce magnifique discours : c’est tout à la fois un modèle de style pur, sévère et noble et un recueil de bons conseils sur l’art d’écrire. […] Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence que l’emploi de ces pensées fines, et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité : aussi, plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière, de chaleur et de style, à moins que cet esprit ne soit lui-même le fond du sujet, et que l’écrivain n’ait pas eu d’autre objet que la plaisanterie ; alors l’art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que l’art d’en dire de grandes. […] Qui oserait nier que ces écrivains d’élite ne passent à bon droit pour les maîtres de l’art, et que l’unanimité d’hommages qui leur ont été rendus jusqu’à notre époque par tous les gens éclairés et sensibles, n’ait suffit pour établir leur excellence ?

213. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIX. des qualités accidentelles du style. — noblesse, richesse, énergie, sublime  » pp. 257-273

Ou ces objets ne leur viennent pas dans l’esprit, ou, si quelque circonstance leur en présente l’idée et les oblige à l’exprimer ; le mot propre qui les désigne est censé leur être inconnu, et c’est par un mot de leur langue habituelle qu’ils y suppléent. » Il n’y a plus de noblesse en France, politiquement parlant ; mais aucun décret, que je sache, n’a banni la noblesse de l’art et de la science. […] Dans les choses de la nature et de l’art, dans les noms, par exemple, de certains animaux, de certaines professions, de certains détails de la vie humaine, tel mot qui nous paraît bas et trivial ne l’était pas sans doute pour les Grecs et les Latins, ni même pour les Français d’une autre époque, et ne le serait pas aujourd’hui pour les Anglais ou les Allemands. […] On a beaucoup écrit sur cette matière depuis Longin jusqu’à nous ; mais nul que je sache ne s’est avisé de traiter de l’art du sublime ; entreprendre un tel sujet serait avouer qu’on ne le comprend pas.

214. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXV. des figures. — figures par développement et par abréviation  » pp. 353-369

Je trouve, en effet, une ellipse d’idée dans l’Art poétique d’Horace : … Ego lævus Qui purgor bilem sub verni temporis horam ! […] Je demandais à un ami ce que signifiaient, à son sens, deux vers où Delille décrit les travaux de certains prisonniers : Et d’un art inventif l’élégante merveille S’en va rendre plus pure ou la bouche ou l’oreille. […] Delille appelle un cure-dents l’élégante merveille d’un art inventif, quelle périphrase réservera-t-il pour les dentelles de Bruxelles ou les bijoux de filigrane ?

215. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre V. De la disposition. »

Les arts, qui imitent la nature, doivent aspirer comme elle à l’ordre, à l’harmonie. […] Le grand art est de ménager l’attention du lecteur : si l’on épuise tout d’abord sa curiosité, le reste devient froid et languissant. […] Dans les ouvrages même les moins importants, il y a un art de combiner les parties qu’il ne faut pas négliger : l’ode, l’élégie, l’épigramme empruntent souvent leur charme à la manière habile dont elles sont disposées.

216. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution Pour traiter un sujet quelconque, trois opérations sont nécessaires : 1° l’Invention, c’est-à-dire l’art de trouver les idées principales et les détails ; 2° la Disposition, c’est-à-dire l’ordre dans lequel sont exprimées les idées ; et 3° l’Élocution ou le style, c’est-à-dire la forme même de l’expression. […] L’art de raisonner ne cherche point à charmer l’imagination, comme l’invention ; mais il a pour but d’éclairer et de convaincre. […] 1° Exemple à pari, ou de parité : François Ier mit tous ses soins et son orgueil à protéger les lettres et les arts en France : aussi Louis XIV, prenant ce prince pour modèle, favorisa-t-il les artistes, les hommes de lettres, et les génies de tout genre, pour rendre son nom et son règne à jamais célèbres. […] L’orateur qui veut que sa manière d’argumenter ne soit pas suspecte, doit cacher le piège sous les fleurs, et se souvenir qu’un auditeur qui prend plaisir à ce qu’il entend, est à demi gagné. » Nous ajouterons que, lorsqu’il s’agit en général d’établir la vérité d’une manière solide, il existe un art qui doit être l’objet d’une étude sérieuse ; cette étude, c’est la logique. […] Boileau, dans son Art poétique, nous donne le conseil : suivant : Que dans tous vos discours la passion émue Aille chercher le cœur, l’échauffe et le remue.

217. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Massillon 1643-1743 » pp. 133-138

Il est un des modèles de notre langue pour l’élégance, la richesse, l’harmonie de la diction, la modération ornée du discours, l’ampleur ingénieuse d’un talent qui excelle dans ces développements souples et continus où les pensées naissent les unes des autres ; mais en lui l’art se fait trop sentir. […] Un seul jour perdu devrait nous laisser des regrets mille fois plus vifs et plus cuisants qu’une grande fortune manquée ; et cependant ce temps si précieux nous est à charge ; toute notre vie n’est qu’un art continuel de le perdre, et, malgré toutes nos attentions à le dissiper, il nous en reste toujours assez pour ne savoir encore qu’en faire ; et cependant la chose dont nous faisons le moins de cas sur la terre, c’est de notre temps ; nos offices, nous les réservons pour nos amis ; nos bienfaits, pour nos créatures ; nos biens, pour nos proches et pour nos enfants ; notre crédit et notre faveur, pour nous-mêmes ; nos louanges, pour ceux qui nous en paraissent dignes ; notre temps, nous le donnons à tout le monde, nous l’exposons, pour ainsi dire, en proie à tous les hommes ; on nous fait même plaisir de nous en décharger : c’est comme un poids que nous portons au milieu du monde, cherchant sans cesse quelqu’un qui nous en soulage.

218. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Brizeux, 1803-1858 » pp. 557-563

La religion, la patrie, la nature et l’art, voilà les sources auxquelles il a puisé. […] Voilà une des nouveautés de l’art contemporain.

219. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Rochefoucauld, 1613-1680 » pp. 32-37

Observons le lieu, l’occasion, l’humeur où se trouvent les personnes qui nous écoutent ; car, s’il y a beaucoup d’art à savoir parler à propos, il n’y en a pas moins à savoir se taire. […] On y raisonne sans argumenter, on y plaisante sans jeux de mots, on y associe avec art l’esprit et la raison, les maximes et les saillies, l’ingénieuse raillerie et la morale austère. » Il faut comparer à ces pages le chapitre de La Bruyère sur la Société et la Conversation.

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