Défendre à l’écrivain cette liberté d’allure, ces écarts d’imagination qui vont si bien à certaines natures d’élite, c’est afficher un rigorisme nuisible au talent. […] Telle est, semble-t-il, la doctrine de Boileau et de M. de la Harpe, quand ce dernier dit à propos de la Bruyère et de la Rochefoucauld : « En écrivant par petits articles détachés, et faisant ainsi un livre d’un recueil de pensées isolées, ils s’épargnèrent, comme l’observait Boileau, le travail des transitions, qui est un art pour les bons écrivains, et un écueil pour les autres. » Je n’en disconviens pas ; mais cet art, et c’est là précisément ce qui le rend si difficile, ne me parait autre chose que la fusion même des pensées diverses. […] Elles éclairent souvent un grand espace, et quand elles réunissent la profondeur à la lumière, elles supposent dans l’écrivain de l’expérience, une méditation puissante ou beaucoup de lecture. […] Ecrivains, aimez la variété, mais non les disparates qui choquent et révoltent : Sed non ut placidis coëant immitia, non ut Serpentes avibus geminentur, tigribus agni. […] « Nihil est in nutura rerum omnium, dit Cicéron, quod se universum profundat et quod lotum repente evolet. » Tout écrivain a des preuves à énumérer, des motifs à faire valoir, des sentiments à exprimer ou h inspirer, des passions à allumer, à éteindre, à représenter.
Maintenant que reste-t-il à faire à l’écrivain ? […] Que l’écrivain, logicien toujours sévère pour le fond, emploie rarement les formes rigoureuses de l’école. […] Au reste, on conçoit qu’il faut se fier ici au coup d’œil de l’écrivain, comme, dans les préceptes de la tactique, au coup d’œil du général. […] C’est à l’écrivain à comparer, à peser les preuves, à se déterminer dans leur ordre et leur choix d’après son propre discernement, à se mouvoir, en un mot, en sens divers selon les vicissitudes du sujet. […] Mais c’est par cela même que l’orateur et l’écrivain doivent se mettre en garde contre l’abus, et ne jamais perdre de vue ces excellents préceptes de Cicéron, auxquels il est difficile de rien ajouter : « Nous avertirons l’orateur, dit Cicéron59, de n’employer la raillerie ni trop souvent, car il deviendrait un bouffon ; ni au préjudice des mœurs, il dégénérerait en acteur de mimes ; ni sans mesure, il paraîtrait méchant ; ni contre le malheur, il serait cruel ; ni contre le crime, il s’exposerait à exciter le rire au lieu de la haine ; ni enfin sans consulter ce qu’il se doit à lui-même, ce qu’il doit aux juges, ou ce que les circonstances demandent, il manquerait aux convenances.
Conseils à M. de Chateaubriand sur le Génie du christianisme 1 Fragment … Qu’il se souvienne bien que toute étude lui est inutile ; qu’il ait pour seul but, dans son livre, de montrer la beauté de Dieu dans le Christianisme, et qu’il se prescrive une règle imposée à tout écrivain par la nécessité de plaire et d’être lu facilement, plus impérieusement imposée à lui qu’à tout autre par la nature même de son esprit, esprit à part, qui a le don de transporter les autres hors et loin de tout ce qui est connu. […] Écrivain en prose, M. de Chateaubriand ne ressemble point aux autres prosateurs ; par la puissance de sa pensée et de ses mots, sa prose est de la musique et des vers. […] Tandis que Fontanes représentait auprès du grand écrivain le classique pur, qui corrige les écarts du goût, Joubert ne cessait de l’exciter de l’aiguillon, de lui ouvrir la carrière, d’accommoder les avis à ses ressources et à son originalité même. […] Vous verrez comment les mêmes idées prennent la couleur des caractères différents, et changent de ton, suivant les écrivains. […] Ces pages qui donnent du prix aux moindres détails nous font entrer dans l’intimité de cet écrivain charmant.
Car l’âge présent, il faut bien le reconnaître, n’est pas celui des méditations prolongées et des travaux pleinement mûris ; le temps n’est plus où l’écrivain consumait des dix et vingt années sur un livre, bien sûr d’arriver toujours à propos. […] Jeunes gens, vous surtout à qui s’adresse spécialement ce livre, vous qu’attendent les carrières de l’intelligence, écrivains et orateurs de l’avenir, croyez au travail, à sa nécessité, à sa puissance, aux prodiges qu’il a opérés dans tous les siècles, et qu’il doit opérer encore. […] Faites-vous une plus haute idée de la mission de l’écrivain et de l’orateur. […] Sans doute, les préceptes formulés dans ce livre et les exercices qu’il recommande sont indispensables à l’écrivain, mais comme préparation ; une fois à l’œuvre, c’est à ce triple amour qu’il doit demander l’inspiration, c’est de lui seul que viennent les grandes pensées et les dignes paroles, c’est lui seul qui donne la solide gloire et les palmes toujours vivantes.
• Quels sont les écrivains qui ont le plus contribué à fixer la langue française ? […] • Des relations de Louis XIV avec les écrivains de son règne. (29 novembre 1881). […] • Apprécier La Bruyère comme moraliste et comme écrivain. (4 novembre 1882). […] • Qu’appelez-vous un écrivain classique, et dans la littérature française, quels sont les écrivains français qui vous paraissent les plus dignes de ce titre ? […] Despréaux quel était l’écrivain le plus remarquable de son règne ; le choix pouvait sembler difficile ; le satirique n’hésita pas et nomma Molière.
Principaux écrivains épistolaires. […] Il nous reste un assez grand nombre de lettres des grands écrivains grecs, quoiqu’elles ne soient pas toutes authentiques. […] Les lettres de Sénèque, celles de Pline le jeune, celles de Fronton, et celles d’un grand nombre d’écrivains chrétiens, sont aussi curieuses par les sujets que par le style. […] Les femmes s’y sont particulièrement distinguées, et pour ne parler ici que de la plus célèbre, madame de Sévigné a mérité, par ses lettres, une place au milieu de nos plus grands écrivains.
Nous ne manquons pas de travaux, ou au moins de morceaux de choix sur les différents genres de littérature répandus dans les livres de nos écrivains les plus élevés. […] L’infatigable abbé Delaporte a publié lui-même dans le siècle dernier, sous le titre d’École de littérature tirée de nos meilleurs écrivains, deux volumes très curieux, où il met, en effet, à contribution, malheureusement sans citer ses autorités, les hommes les plus compétents et les plus illustres. […] En réduisant ces deux traités, en les débarrassant du fatras métaphysique auquel les deux écrivains se laissaient trop facilement entraîner ; en augmentant le nombre des exemples, diminuant l’étendue de quelques-uns d’eux et les appropriant davantage au sujet ; en ajoutant enfin quelques détails visiblement oubliés ou omis mal à propos, et redressant quelques jugements ou quelques faits historiques, il nous a semblé qu’on pouvait en tirer un petit volume où ne manquerait rien d’essentiel, et dont le nom des auteurs primitifs, cité à toutes les pages, garantirait d’ailleurs les excellents principes.
Combien d’écrivains, combien de poètes surtout, ont aimé à s’inspirer de ces paroles de l’illustre orateur pour louer l’étude, et pour rendre hommage aux lettres et aux beaux-arts ! […] L’écrivain cité plus haut se chargera de répondre. […] De plus, les morceaux cités comme modèles sont presque toujours choisis parmi ce qu’il y a de plus parfait et de plus généralement admiré chez les écrivains que le témoignage des peuples a placés au premier rang.
Damis cède à la multitude, et dit ingénument, avec le public, que Capys est un froid écrivain. […] Mais saint Augustin dont vous parlez, n’est-ce pas l’écrivain du monde le plus accoutumé à se jouer des paroles ? […] Ce sont des expressions triviales échappées à l’écrivain. […] Le philosophe de Sans-Souci, qui est aussi grand musicien qu’écrivain supérieur, sera, je crois, de mon opinion. […] La France fourmille d’historiens, et manque d’écrivains.
. — figures par développement et par abréviation Le rapprochement des idées semblables ou opposées est assurément la source la plus féconde des figures du style, mais nous avons dit qu’elle n’était pas la seule ; l’écrivain peut encore donner au discours l’énergie ou l’élégance, soit en développant, soit en abrégeant l’expression de la pensée ; et pour l’amplifier comme pour la condenser, la rhétorique emploie des formes spéciales dont il est utile de connaître le nom et l’usage. […] Quand la périphrase ne caractérise pas l’idée, elle doit caractériser le sentiment de l’écrivain ou du personnage en scène. […] Sans doute, vous vous rappelez bien des périphrases pour rendre ces mots : il fait nuit ; comparez-les ensemble, et, si elles appartiennent à de vrais écrivains, vous remarquerez comment elles se modifient d’après l’analogie des idées, d’après la nature des sentiments, et enfin d’après le caractère des ouvrages ; car ce sont là les trois influences auxquelles doit obéir la périphrase. […] Dès que reparaît un mot qui s’est présenté peu auparavant, ce retour monotone est un signe de négligence dans l’écrivain. […] Si l’on y tient cependant, on peut leur donner à toutes un seul nom, celui d’imiation, par exemple, et y joindre les constructions hors de l’usage commun, mais empruntées pourtant à une époque ou à un écrivain de la langue elle-même, comme en frauçais le Marotisme.
. — De 1669 à 1677, il laisse reposer ses armes, et maître du champ de bataille, formule dans l’Art poétique (1674), sous la dictée d’Horace, dont il n’a pas la grâce, ces lois éternelles du goût, qui doivent être la conscience de tout écrivain. […] Par ce sage écrivain la langue réparée, N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée. […] Surtout qu’en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée ; En vain vous me frappé d’un son mélodieux, Si le terme est impropre, ou le tour vicieux : Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme, Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme : Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain. […] Un sublime écrivain n’en peut être infecté2 ; C’est un vice qui suit la médiocrité. […] Travaillez pour la gloire, et qu’un sordide gain2 Ne soit jamais l’objet d’un illustre écrivain.