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164. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Massillon. (1663-1742.). » pp. 120-123

Le monde a été ébloui de l’éclat qui l’environnait ; ses ennemis ont envié sa puissance ; les étrangers sont venus des îles les plus éloignées baisser les yeux devant la gloire de sa majesté4 ; ses sujets lui ont presque dressé des autels, et le prestige qui se formait autour de lui n’a pu le séduire lui-même. […] C’est le privilège, et en même temps le devoir des grands, de préparer non-seulement à leur siècle, mais aux siècles à venir, des secours publics aux misères publiques : notre saint roi connut ce devoir, et jamais prince ne fit plus d’usage d’un si heureux privilége. […] Terre infortunée qui, arrosée du sang de Jésus-Christ, et consacrée par les mystères qui ont opéré le salut de tous les hommes, gémissez pourtant encore, malgré tous les efforts de nos pères, sous une dure servitude, pour servir sans doute de monuments jusqu’à la fin à la vérité des prédictions du Sauveur ; terre infortunée, vous rappelâtes alors, en voyant ce pieux héros armé pour la délivrance de la sainte Jérusalem, vous rappelâtes vos anciens jours de gloire et d’allégresse ; vous parûtes animée d’une nouvelle espérance, vous crûtes revoir les Josué, les Gédéon, les David, a la tête de vos tribus, qui venaient briser votre joug et vous délivrer de la servitude et de l’oppression d’un peuple incirconcis.

165. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Retz 614-1679 » pp. 22-26

Les pauvres augustins2 réformés et déchaussés, que l’on appelle capucins noirs, qui étaient nos diables d’imagination, voyant venir à eux deux hommes qui avaient l’épée à la main, eurent grand’peur, et l’un d’eux, se détachant de la troupe, nous cria : « Messieurs, nous sommes de pauvres religieux, qui ne faisons de mal à personne, et qui venons nous rafraîchir un peu dans la rivière pour notre santé. » Nous retournâmes en carrosse, M. de Turenne et moi, avec des éclats de rire, que vous pouvez vous imaginer3. […] Elle n’a pu venir en lui de la fécondité de son imagination, qui n’est rien moins que vive ; je ne la puis donner à la stérilité de son jugement ; car, quoiqu’il ne l’ait pas exquis dans l’action, il a un bon fonds de raison.

166. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Voiture, 1598-1648 » pp. 21-25

Mais si l’on doit regarder les États comme immortels et y considérer les commodités à venir comme présentes, comptons combien cet homme, qui, dit-on, a ruiné la France, lui a épargné de millions par la seule prise de la Rochelle, laquelle, d’ici à deux mille ans, dans toutes les minorités des rois, dans tous les mécontentements des grands et dans toutes les occasions de révoltes, n’eût pas manqué de se rebeller et nous eût obligés à une éternelle dépense. […] Vous vérifiez bien, Monseigneur, ce qui a été dit autrefois, que la vertu vient aux Césars devant1 le temps : car vous qui êtes un vrai César en esprit et en science, César en diligence, en vigilance, en courage, César enfin « en toute rencontre2 », vous avez trompé le jugement ou passé l’espérance des hommes. Vous avez fait voir que l’expérience n’est nécessaire qu’aux âmes ordinaires, que la vertu des héros vient par d’autres chemins, qu’elle ne monte pas par degrés, et que les ouvrages du Ciel3 sont en leur perfection dès leurs commencements.

167. (1858) Exercices latins adaptés à la Grammaire latine d’après Lhomond. Deuxième partie : Cours gradué de versions latines sur la syntaxe, à l’usage des classes de sixième, cinquième et quatrième. Livre du maître pp. -370

La fortune elle-même vient au secours de la valeur. — 18. […] Pausanias, roi de Lacédémone, vint au secours des habitants de l’Attique. — 20. […] Polynice, fils d’Œdipe roi de Thèbes, vint assiéger sa patrie. — 2. […] Évandre vint en Italie de Pallantée, ville d’Arcadie. — 7. […] A quel degré de folie en viennent les hommes enflammés par les passions ? 

168. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

Cet autre2 vient après un homme loué, applaudi, admiré, dont les vers volent en tous lieux et passent en proverbe, qui prime, qui règne sur la scène, qui s’est emparé de tout le théâtre ; il ne l’en dépossède pas, il est vrai, mais il s’y établit avec lui, le monde s’accoutume à en voir faire la comparaison. […] Il est sévère et inexorable à qui n’a point encore fait sa fortune : il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ; et le lendemain, s’il vous trouve en un endroit moins public, ou, s’il est public, en la compagnie d’un grand, il vient à vous, et il vous dit : Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. […] O homme important et chargé d’affaires, qui, à votre tour, avez besoin de mes offices2, venez dans la solitude de mon cabinet ! […] Un homme qui vient d’être placé ne se sert plus de sa raison et de son esprit pour régler sa conduite et ses dehors à l’égard des autres ; il emprunte sa règle de son poste et de son état : de là l’oubli, la fierté, l’arrogance, la dureté, l’ingratitude. […] Il ne faudrait que leur ôlertons ces soins ; car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu’ils sont, d’où ils viennent, où ils vont, etc »(Pensées, art. 

169. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXI. des figures  » pp. 289-300

« Métaphore, allégorie, métonymie, ce sont, dit Montaigne, titres qui touchent le babil de votre chambrière. » Selon Quintilien, en effet, le style figuré, et surtout la partie de ce style qui se rattache à la similitude, nous est si naturel, que les ignorants eux-mêmes en font un fréquent usage sans le savoir : translatio ita est ab ipsa nobis concessa natura, ut indocti quoque ac non sentientes ea frequenter utantur 97 D’où vient donc que le style figuré se présente ainsi tout à la fois comme naturel et comme opposé à la nature ? […] Bien que nous venions en effet de constater les modifications et les restrictions que les progrès de la raison et de la langue apportent à l’usage des figures, cela ne signifie, en aucune façon, qu’il faille les bannir du style. […] Avant d’entrer dans les détails, et sans vouloir, je le répète, imposer mon système, je recommanderai seulement à celui qui étudie les figures, d’abord, de ne point perdre de vue dans son travail la division que je viens d’indiquer, d’en vérifier l’exactitude par l’examen des faits, et, à mesure que se présente un terme nouveau, de le ramener sous ce que j’ai appelé sa bannière ; cette attention lui facilitera l’intelligence et le souvenir de chaque figure ; ensuite de mettre à part, d’un côté, celles qui ne sont, selon la remarque consignée plus haut, que des idiotismes consacrés par l’usage, de simples catachrèses, n’admettant par conséquent aucun précepte, aucune modification, en un mot, choses de mémoire et de théorie ; de l’autre, celles qui sont entièrement abandonnées au libre arbitre de l’écrivain, et par là même obligent le rhéteur à en régler l’emploi, à en déterminer les limites, choses de réflexion et de pratique. […] Oui, je viens dans son temple adorer l’Éternel.

170. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

Ni les troubles, Zénobie 1, qui agitent votre empire, ni la guerre que vous soutenez virilement contre une nation puissante depuis la mort du roi votre époux, ne diminuent rien de votre magnificence : vous avez préféré à toute autre contrée les rives de l’Euphrate pour y élever un superbe édifice : l’air y est sain et tempéré, la situation en est riante ; un bois sacré l’ombrage du côté du couchant ; les dieux de Syrie, qui habitent quelquefois la terre, n’y auraient pu choisir une plus belle demeure ; la campagne autour est couverte d’hommes qui taillent et qui coupent, qui vont et qui viennent, qui roulent ou qui charrient le bois du Liban, l’airain et le porphyre ; les grues2 et les machines gémissent dans l’air, et font espérer, à ceux qui voyagent vers l’Arabie3, de revoir à leur retour en leurs foyers ce palais achevé, et dans cette splendeur où vous désirez de le porter, avant de l’habiter vous et les princes vos enfants. […] Le peuple, paisible dans ses foyers au milieu des siens, et dans le sein d’une grande ville où il n’a rien à craindre ni pour ses biens ni pour sa vie, respire le feu et le sang, s’occupe de guerres, de ruines, d’embrasements et de massacres ; souffre impatiemment que des armées qui tiennent la campagne ne viennent point à se rencontrer ; ou, si elles sont une fois en présence, qu’elles ne combattent point ; ou, si elles se mêlent, que le combat ne soit pas sanglant, et qu’il y ait moins de dix mille hommes sur la place1. […] Que n’en usiez-vous donc, répond le dieu, sans venir me chercher de si loin, et abréger vos jours par un long voyage ! […] Harassée… Ce vieux mot paraît venir du verbe latin recrudescere dans le sens d’empirer.

171. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — La Fontaine (1621-1695.) » pp. 194-204

    En son hôtel il fait venir Le chanteur, et lui dit : « Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an ? […] L’âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance     Qu’en un pré de moines passant, La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,     Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue : Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net2» A ces mots, on cria haro1 sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc2, prouva par sa harangue Qu’il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal. […]     Aussitôt que le char chemine,     Et qu’elle voit les gens marcher, Elle s’en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l’empressée : il semble que ce soit Un sergent de bataille2, allant en chaque endroit Faire avancer ses gens et hâter la victoire.

172. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

C’est ce qu’Aristote a très-bien remarqué, et il en a conclu que l’orateur doit tirer ses moyens de persuasion des trois sources que nous venons d’indiquer. […] Car les expressions, les pensées, les figures et toutes les autres sortes d’ornemens, viennent au secours des preuves, et ne sont employées que pour les faire valoir. […] Ici les préceptes de la logique viennent naturellement se joindre à ceux de la rhétorique. […] C’est ainsi que Camille, en demandant un service aux Ardéates, semble n’être venu que pour les secourir. […] D’où vient l’empire du ridicule.

173. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

« Son esprit (dit l’abbé Sicard) était brûlant comme le soleil qui éclaira son berceau, sa tête remplie de principes justes et sains ; homme étonnant, qui mieux que lui les eût fait triompher, si d’anciens ressentiments ne l’avaient jeté dans un parti dont il faisait la force, dont il était la gloire, et dont il était sur le point de déserter les drapeaux, quand la mort vint empêcher cette réparation solennelle à la cause qu’il avait combattue jusqu’alors avec tant de courage, de talent et de persévérance. » Cependant cet athlète si redoutable, dont la seule apparition à la tribune semblait en devoir écarter tous ceux qui n’y monteraient pas pour soutenir ou défendre ses opinions ; ce turbulent tribun du peuple, qui jouissait et abusait même insolemment de toute l’influence que donne une grande popularité, trouva un adversaire digne de son talent, dans un homme qui, célèbre jusque-là par des succès dans la chaire évangélique, et par de pacifiques triomphes d’académie, ne laissait pas soupçonner en lui le publiciste profond, l’homme d’état complètement familiarisé avec tous les ressorts et tous les secrets de l’administration. […] Quel Tacite nouveau pénétrera dans les profondeurs d’une pareille âme, pour en sonder, pour en développer tous les replis, en expliquer tous les ressorts, et frapper sans doute la postérité d’un salutaire effroi, en félicitant les nations de ce que de tels hommes ne viennent qu’à de longs intervalles étonner la terre par l’assemblage inouï de tous les extrêmes, et l’abus déplorable de tous les talents. […] Renfermée alors dans les paisibles fonctions de la magistrature, et réduite à ne plus se montrer que dans les jours d’apparat, elle ne parle plus qu’un langage étudié, étranger aux beaux mouvements de la véritable éloquence, et froidement subordonné aux convenances, qui glacent à tout moment son enthousiasme, et viennent arrêter son essor.

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