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168. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

L’homme Tout marque dans l’homme, même à l’extérieur, sa supériorité sur tous les êtres vivants ; il se soutient droit et élevé, son attitude est celle du commandement, sa tête regarde le ciel1 et présente une face auguste2 sur laquelle est imprimé le caractère de sa dignité ; l’image de l’âme y est peinte par la physionomie ; l’excellence de sa nature perce à travers les organes matériels, et anime d’un feu divin3 les traits de son visage ; son port majestueux, sa démarche ferme et hardie, annoncent sa noblesse et son rang4 ; il ne touche à la terre que par ses extrémités les plus éloignées, il ne la voit que de loin5, et semble la dédaigner ; les bras ne lui sont pas donnés pour servir de piliers d’appui à la masse de son corps ; sa main ne doit pas fouler la terre, et perdre par des frottements réitérés la finesse du toucher dont elle est le principal organe ; le bras et la main sont faits pour servir à des usages plus nobles, pour exécuter les ordres de la volonté, pour saisir les choses éloignées, pour écarter les obstacles, pour prévenir les rencontres et le choc de ce qui pourrait nuire, pour embrasser et retenir ce qui peut plaire, pour le mettre à portée des autres sens. […] C’est surtout dans les yeux3 qu’elles se peignent et qu’on peut les reconnaître : l’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher, et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvements les plus doux et les sentiments les plus délicats ; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre âme le feu, l’action, l’image de celle dont ils partent : l’œil reçoit, et réfléchit en même temps la lumière de la pensée, et la chaleur du sentiment : c’est le sens de l’esprit, et la langue de l’intelligence4.

169. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Musset 1810-1857 » pp. 564-575

Mais il avait beau narguer la muse classique, se travestir en Espagnol ou en Italien, faire scandale par son persiflage impertinent, mêler le grotesque au bizarre ou à l’impossible, sous ces déguisements se révélait le poëte fin, gracieux, tendre, original et franc qui devait se classer parmi les maîtres, à partir du jour où, s’affranchissant du paradoxe ou de l’imitation, et cessant d’alarmer le goût comme le sens moral, il laisserait enfin parler sincèrement ses émotions. […] De quel rêve enfantin ses sens étaient bercés, Je l’ignore. — On eût dit qu’en tombant sur sa couche, Elle avait à moitié laissé quelque chanson, Qui revenait encor voltiger sur sa bouche, Comme un oiseau léger sur la fleur d’un buisson2.

170. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Balzac, 1596-1655 » pp. 2-10

Elle est au moins plus délicate que forte ; et, ayant sa puissance bornée, et ses coups d’ordinaire mesurés, ou elle ne porte pas plus loin que les sens, ou, pour le plus4, elle ne touche que légèrement le dehors de l’âme. […] On l’eût chassée avec justice de la république de Sparte et des autres États bien policés ; et il ne la faudrait estimer guère davantage que l’art qui enseigne à faire les confitures, et a pour objet le plaisir du goût, ou celui qui flatte un autre sens, et travaille à la composition des parfums2.

171. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Je me promenais dans une sorte d’extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela. […] Rousseau disait ailleurs : « Dans ma chambre, je prie plus rarement et plus sèchement ; mais à l’aspect d’un beau paysage je me sens ému, sans pouvoir dire de quoi.

172. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

Il est plus moral, parce que la victoire dépend de notre volonté, de nos efforts, et qu’il nous enseigne à nous craindre nous-mêmes, à ne pas nous laisser décourager ni abattre dans la lutte ; il est plus fécond et plus varié, en ce sens qu’il peut mettre en œuvre toutes les passions, et tirer de leurs développements et de leurs contrastes des situations pleines d’intérêt, des mouvements toujours nouveaux. […] Cette exagération monstrueuse de l’effet tragique est un grave défaut ; elle change l’émotion en dégoût, et s’adresse aux sens plutôt qu’à l’esprit ; elle recherche, non plus les passions simples et naturelles, mais les passions bizarres, exceptionnelles, extravagantes : c’est la dégradation de l’art dramatique. […] Là, tout est fait pour émouvoir, étonner, enchanter le spectateur, pour ravir à la fois les sens et l’imagination par la réunion de tous les arts.

173. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Molière 1622-1672 » pp. 379-400

Vos livres éternels ne me contentent pas ; Et, hors un gros Plutarque à mettre mes rabas, Vous devriez brûler tout ce monde inutile, Et laisser la science aux docteurs de la ville ; M’ôter, pour faire bien, du grenier de céans Cette longue lunette à faire peur aux gens, Et cent brimborions dont l’aspect importune ; Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune, Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous, Où nous voyons aller tout sens dessus dessous. […] Voyant sa fin arriver, il se tourna tout troublé vers Christophe : Mon fils, lui dit-il, je me sens tourmenté par une triste pensée. […] Le mot cœur a ici le sens de courage.

174. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre XI. » p. 102

Πάθος (voy. le schol. sur l’Oreste d’Euripide, v. 1) est pris ici dans un sens pour lequel la langue française ne fournit pas d’équivalent.

175. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Voici à peu près comment ils raisonnaient : — Toutes les idées nous viennent des sens, c’est-à-dire du monde extérieur. […] A ces dons si rares il joint une oreille délicate, un sens exquis de l’harmonie, de la grâce, de l’enjouement, du trait, l’esprit de saillie, prompt à l’attaque comme à la riposte. […] Cette large conception du sujet, cette puissance de raisonnement, cette noblesse de sentiments, ce sens juste et droit, toutes ces qualités supérieures par lesquelles ils s’élevèrent au-dessus des discoureurs de leur temps, autant que Platon lui-même au-dessus des sophistes, où les puisèrent-ils, sinon dans la dialectique du maître ? […] Chez eux l’usage n’a pas encore altéré le sens des mots en les détournant de leur acception primitive : la langue, voisine de sa source, conserve la clarté et la limpidité de son courant. […] Les repos de la période sont réglés par la respiration ; les intonations des membres qui la composent par le sens ; les chutes par l’instinct du rhythme, et cet instinct, c’est la nature qui nous le donne, c’est la lecture des poëtes et des orateurs qui le développe en nous.

176. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — De la ponctuation. »

. — Le point (.) se met à la fin des phases, quand le sens est entièrement fini.

177. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Francis Wey, un des rhéteurs qui, à mon sens, a considéré cette partie sous le point de vue le plus pratique, le plus utile au jeune écrivain. […] Pour l’une comme pour l’autre, il faut faire un choix dans l’ensemble des objets, déterminer les points les plus saillants, les plus utiles ; à moins qu’il n’y ait quelque circonstance dominante et qui appelle tout d’abord les regards, distribuer le tout par groupes, le ciel, le terrain, les eaux, puis le feuillage et les fabriques, ou encore d’après les impressions des sens, les formes, les couleurs, les bruits, les odeurs ; si le sujet est vaste, préférer en général l’opposition des contrastes aux rapprochements des harmonies, les masses aux détails, et là même où les détails sont de mise, se restreindre à ceux qui ont un caractère assez tranché pour frapper l’esprit.

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