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179. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre Ier. Considérations générales. »

Les poètes sont les auteurs de poèmes : eu égard à la forme de langage qu’ils emploient, c’est-à-dire à ce qu’ils s’expriment en vers, ce sont des versificateurs ; mais ce mot est souvent pris en mauvaise part, pour désigner l’homme qui a le talent de bien tourner des vers, mais qui n’a ni l’invention nécessaire, ni le génie propre à composer des poèmes durables. […] C’est aussi dans ce sens exact et bien déterminé que nous prendrons ces mots. […] C’est dans ce sens qu’on dit qu’il n’y a pas de littérature plus riche que la nôtre ; c’est dans le même sens que nous prenons nous-mêmes ce mot quand nous annonçons ici des notions de littérature ; et nous remarquons que, alors, la littérature se distingue nettement de la grammaire, et qu’elle commence où celle-ci finit ; c’est-à-dire que quand la grammaire s’est occupée du langage, de ses formes, de ses qualités et de ses défauts, la littérature classe et étudie les ouvrages où toutes ces parties déjà connues doivent se retrouver.

180. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bourdaloue 1632-1704 » pp. 89-93

L’hypocrisie Quand je parle de l’hypocrisie, ne pensez pas que je la borne à cette espèce particulière qui consiste dans l’abus de la piété, et qui fait les faux dévots ; je la prends dans un sens plus étendu, et d’autant plus utile à votre instruction que peut-être, malgré vous-mêmes, serez-vous obligés de convenir que c’est un vice qui ne vous est que trop commun ; car j’appelle hypocrite quiconque, sous de spécieuses apparences, a le secret de cacher les désordres d’une vie criminelle. […] Quand c’est à lui qu’il faut m’en prendre, je ne m’en prends plus à personne, et je me soumets.

181. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Louis XIV, 1638-1715 » pp. 146-149

Tant que cela est, on peut demeurer sans se déterminer ; mais dès que l’on se fixe l’esprit à quelque chose, et qu’on croit voir le meilleur parti, il le faut prendre. […] L’incertitude désespère quelquefois ; or, quand on a passé un temps raisonnable à examiner une affaire, il faut se déterminer et prendre le parti qu’on croit le meilleur. […] Je choisis le cardinal d’Estrées comme l’homme le plus éclairé que je puisse mettre auprès de vous ; il me sacrifie son repos, sa santé, peut-être sa vie, sans aucun dessein que celui de marquer sa reconnaissance ; et quand vous avez le plus besoin de ses talents ; quand il est le plus nécessaire de prendre de promptes résolutions pour votre sûreté et celle de votre royaume, vous faites voir en vous une malheureuse facilité à croire que tout d’un coup vous pouvez gouverner seul votre monarchie, que le plus habile de vos prédécesseurs aurait eu peine à conduire dans l’état où elle est présentement.

182. (1865) De la Versification française, préceptes et exercices à l’usage des élèves de rhétorique. Première partie. Préceptes. Conseils aux élèves.

Travaillez, prenez de la peine. […] De tant d’objets divers le bizarre assemblage Peut-être du hasard vous paraît un ouvrage : Moi-même quelque temps, honteuse de ma peur, Je l’ai pris pour l’effet d’une sombre vapeur. […] En effet, prenons maintenant dans Racine des vers uniquement composés de monosyllabes : nos jeunes lecteurs pourront eux-mêmes comparer et juger14. […] Je puis, en moins de temps que les Grecs ne l’ont pris, Dans ses murs relevés couronner votre fils. […] J’ai pris pour sujet la prise de Namur, comme la plus grande action de guerre qui se soit faite de nos jours, et comme la matière la plus propre à échauffer l’imagination d’un poète.

183. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre II. Des différentes Espèces de Style, et des Figures de Pensées. » pp. 238-278

Les récréations qu’il prend ensuite, ont bien pour lui un autre charme. […] Mais que me revient-il des peines que je prends ? […] En voici un exemple pris au hasard dans le Télémaque de Fénelon. […] Un lac épais et sulfureuxa, vaste comme une mer, prit la place de ces fertiles campagnes. […] C’est ici le dieu du Rhin, qui suivant la fiction d’un poète, a pris la figure d’un vieux guerrier, pour marcher à la tête des ennemis.

184. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Chapitre » pp. 169-193

Achève, et prends ma vie après un tel affront, Le premier dont ma race ait vu rougir son front. […] Prends courage, ma fille, et sache qu’aujourd’hui Ton roi te veut servir de père au lieu de lui. […] Prends du repos, ma fille, et calme tes douleurs. […] Ce dernier, dans ses Plaideurs, a pris encore la même liberté à l’égard de quelques-uns des traits du Cid, ce qui semblait une irrévérence à Corneille. […] Pour accroître : verbe qui ne se prend plus régulièrement que dans le sens neutre.

185. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

« Il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une chaîne continue dont chaque point représente une idée ; et lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que celui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir. » Toutes les vertus du style, tous ses charmes naissent donc de cet ordre, qui en est lui-même le charme et la vertu suprême. […] Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence, facundia, que l’emploi de ces pensées fines et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité : aussi plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière et de chaleur . » Chose singulière que cette identité de langage entre Horace et Buffon ; d’une part le poëte le plus brillant et le plus gracieux de l’antiquité, de l’autre le plus intraitable partisan de la prose qu’ait produit le siècle prosateur par excellence. […] Moins sévère que Buffon, je ne demande pas en effet que l’auteur, avant de prendre la plume, ait disposé son livre tout entier dans son cerveau. […] Quelque ordre que les gens à talent mettent dans leurs ouvrages, il est rare qu’ils s’y assujettissent, lorsqu’ils travaillent. » Mais, de quelque façon qu’ils s’y prennent, le résultat doit être tel que chaque idée engendre en quelque sorte l’idée suivante ; que celle-ci, en amenant à son tour une autre idée, serve en même temps à la précédente d’explication ou de développement. […] Ce penchant infortuné qui souilie tout le cours de la vie des hommes, prend toujours sa source dans les premières mœurs : c’est le premier trait empoisonné qui blesse l’âme : c’est lui qui efface sa première beauté, et c’est de lui que coulent ensuite tous les autres vices.

186. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Staël, 1766-1817 » pp. 399-408

D’autres prenaient un air dégagé, distrait, pour n’avoir pas l’air de penser à ce qui les occupait tout entiers ; ils tournaient la tête du côté opposé ; mais malgré eux leurs yeux suivaient une direction contraire et les attachaient à tous les pas de la reine. […] Si quelque malheur cependant ravissait de tels avantages à notre enfant, le même sentiment prendrait alors une autre forme : il exalterait en nous la pitié, la sympathie, le bonheur d’être nécessaire. […] … Il me prend des moments de mélancolie si profonde, que je suis prête à me laisser mourir. — On est presque mort quand on est exilé : c’est au tombeau seulement où2 la poste arrive. […] J’ai quelquefois une lassitude de souffrir, que je prends pour du soulagement ; cela va deux ou trois jours, et puis la douleur revient plus vive, parce que j’ai repris des forces pour la sentir.

187. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Chapitre XI. De l’orthographe. » pp. 53-58

2° Tous les noms qui ne finissent point par s au singulier en prennent une au pluriel. […] 164. — Leur ne prend jamais s à la fin, quand il est joint à un verbe ; alors il signifie à eux, à elles : ces enfants ont été sages, je leur donnerai un prix. Leur, suivi d’un nom pluriel, prend une s ; alors il signifie d’eux, d’elles : un père aime ses enfants, mais il n’aime pas leurs défauts.

188. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Prosper Mérimée Né en 1803 » pp. 286-290

La fenêtre n’était pas assez large pour laisser passer cette partie de son armure, et l’enseigne, dans son trouble, s’y était précipité avec tant de violence, qu’il se trouva avoir la plus grande partie du corps en dehors sans pouvoir remuer, et fut pris comme dans un étau. […] — Je n’ai pas besoin de votre bras, mon frère, mais prenez votre fusil, et votre boîte à cartouches. […] S’éloignant à grands pas du village, elle prit un chemin creux qui serpentait dans les vignes, après avoir envoyé devant elle le chien, à qui elle fit un signe qu’il semblait bien connaître ; car aussitôt il se mit à courir en zigzag, passant dans les vignes, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, toujours à cinquante pas de sa maîtresse, et quelquefois s’arrêtant au milieu du chemin pour la regarder en remuant la queue.

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