On peut dire que tous ses portraits sont naïfs à force de ressemblance. […] L’historien ou l’orateur a-t-il à nous faire le portrait des grands hommes, à nous dire leurs grandes actions, à nous signaler les grands mouvements de la politique, les grandes révolutions des empires ; le philosophe et le poète ont-ils à traiter les deux plus grands objets qui leur soient offerts, l’homme et sa destinée, la nature et ses lois, ils ont pour premier devoir de se placer à la hauteur du sujet. […] Donnons pour exemple ce portrait du prélat qui figure dans le Lutrin : La jeunesse, en sa fleur, brille sur son visage ; Son menton sur son sein descend à triple étage, Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur, Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur.
Ce petit portrait tracé de main de maître ne donne pas envie d’être puriste, surtout si l’on y ajoute ce quatrain de Lainet : Je sens que je deviens puriste Je plante au cordeau chaque mot, Je suis les Dangeaux à la piste, Je pourrais bien n’être qu’un sot. […] Je crois qu’à tous égards ce dernier portrait est préférable au premier, c’est peindre en maître.
La tragédie étant l’imitation du meilleur, les poètes doivent suivre la pratique des bons peintres qui font les portraits ressemblants, et toutefois plus eaux que les modèles.
Bossuet se peint lui-même en faisant ici le portrait du grand Apôtre.
Mais on doit les considérer aussi chez l’auditeur, et alors elles ne se bornent pas à la connaissance que l’orateur doit avoir des inclinations des hommes pour en tracer des portraits ressemblants.
Écoutez Virgile, il le mettra devant vos yeux : quand il réunit toutes les circonstances de ce désespoir, qu’il vous montre Didon furieuse avec un visage où la mort est déjà peinte, qu’il la fait parler à la vue de ce portrait et de cette épée, votre imagination vous transporte à Carthage ; vous croyez voir la flotte des Troyen s qui fuit le rivage, et la reine que rien n’est capable de consoler. […] Dans le portrait suivant de l’oiseau-mouche, il a rassemblé, avec une sorte de coquetterie » ce qu’il y a de plus élégant dans notre langue. […] Telles sont ces phrases sur l’amour-propre : « Quelque bien qu’on nous dise de nous, ou ne nous apprend rien de nouveau. » « Nous ne trouvons guère de gens de bon sens que ceux qui sont de notre avis. » « Ce qui nous rend la vanité des autres insupportable, c’est qu’elle blesse la nôtre. » Le portrait de Charlemagne par Montesquieu est un modèle de concision : « Tout fut uni par la force de son génie.
Dans ses portraits, dans ses récits, l’auteur doit toujours se ranger du côté de la vertu. […] Il faut attribuer en grande partie les couleurs vives et animées de ses portraits à la forme dramatique qu’il aimait si souvent à prendre ; ce sont partout des dialogues, des conversations, et Homère les a bien plus fréquemment employés que Virgile, et même qu’aucun autre poète.
Les autres présentent la suite d’un récit, l’ensemble d’une description, le développement d’une pensée ou vérité morale, le portrait d’un homme célèbre de l’antiquité, etc., et forment, en un mot, un sujet complet, résumé par un titre spécial. […] Portrait de Caton le Censeur. […] Portrait de Catilina.
Les députés de Centorbe, d’Agyre, de Catane, d’Herbite, d’Enna, et de plusieurs autres villes, vous ont fait le portrait de l’affreuse solitude de leurs campagnes dévastées, incultes et désertes ; tout y est abandonné. […] Il enleva encore du même temple vingt-sept tableaux d’une rare beauté, où l’on voyait les portraits des rois et des tyrans de la Sicile. Ces portraits ne plaisaient pas seulement par la beauté de la peinture, mais parce qu’ils rappelaient et les actions et la figure de ces anciens rois.
On frémit d’horreur à ce portrait de la cruelle Athalie : De princes égorgés la chambre était remplie : Un poignard à la main, l’implacable Athalie Au carnage animait ses barbares soldats, Et poursuivait le cours de ses assassinats.