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154. (1854) Éléments de rhétorique française

Elle est au discours ce que le talent de l’acteur est à l’œuvre du poète dramatique. […] Nous n’avons qu’à ouvrir ce poëte pour y trouver un modèle de ce double mérite. […] Cette figure, qui donne plus de mouvement et de vivacité à la phrase, est très-familière aux poètes. […] Comme le poëte, à l’aide d’une expression figurée, a su débarrasser la mort de la tristesse qu’elle inspire ! […] Ainsi l’orateur et le philosophe, le poëte et l’historien n’auront point le même genre de style, parce qu’il y a dans les objets mêmes auxquels ils s’appliquent une différente essentielle.

155. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Si l’on veut définir en philosophe, on caractérisera l’objet le plus brièvement possible ; mais l’orateur, le poète donnera à sa définition plus d’étendue et d’ornements : il pourra peindre l’objet par des traits caractéristiques et saillants, et faire une sorte d’accumulation des causes, des effets et des circonstances. […] Rousseau, fait un rapprochement habile et plein d’effet entre ce poète et Orphée : Quand le premier chantre du monde Expira sur les bords glacés Où l’Hèbre, effrayé, dans son onde Reçut ses membres dispersés, Le Thrace, errant sur les montagnes, Remplit les bois et les campagnes Du cri perçant de ses douleurs ; Les champs de l’air en retentirent, Et dans les antres qui gémirent Le lion répandit des pleurs.

156. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Prosper Mérimée. Né en 1803. » pp. 558-565

Il y a en lui un archéologue et un artiste, un érudit et un homme du monde, un polyglotte et un poëte. […] Dans cette terre privilégiée, pas une montagne qui ne redise le nom d’un poëte, d’un sage, d’un héros, d’un artiste.

157. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Il y avait des orateurs, des poètes, lorsque personne encore n’enseignait à le devenir. […] Ces observations judicieuses, recueillies et mises au jour, formèrent bientôt de nouveaux orateurs, de nouveaux poètes, de nouveaux écrivains qui, joignant les talents naturels à l’étude de ces observations, réussirent mieux que leurs prédécesseurs, et fournirent eux-mêmes une matière abondante à de nouvelles réflexions.

158. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

5° Variété L’ennui naquit un jour de l’uniformité, a dit un de nos poètes : il faut voir ici un conseil dont nous devons faire usage dans tout. […] Les poètes surtout, si heureusement favorisés du ciel, savent répandre sur leurs écrits cette mélodie enchanteresse ; et si nous ouvrons les œuvres des Racine, des Tasse, etc., nous goûterons un vrai bonheur dans de semblables lectures. […] On ne saurait être trop en garde contre ce défaut, puisque nos meilleurs poètes y tombent souvent. […] Nous prenons nos exemples dans les œuvres d’un poète imitateur de Ronsard : Ô grand Dieu qui nourris la rapineuse engeance, Des oiseaux ramageux ! […] Nous ne dirons donc pas avec un de nos poètes : Jupiter va crachant la neige sur les Alpes.

159. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Ceci est d’un poëte. […] Bossuet a dit ailleurs : « Il est naturel à l’homme de vouloir tout régler, excepté lui-même. » Le poëte Régnier disait : Philosophes resveurs, discourez hautement, Sans bouger de la terre, allez au firmament. […] Ici le moraliste est poëte. — Rapprochez les vers suivants de Lamartine : Notre vie est semblable au fleuve de cristal Qui sort, humble et sans nom, de son rocher natal.

160. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Mais, lui faire ce reproche, c’est oublier que tout poëte dramatique a toujours reproduit plus ou moins, à son insu, les mœurs de son temps. […] Le poëte entend par là que la lumière du jour prend possession pleine et entière du monde qui se réveille. […] Athalie a sa grandeur, et fait admirer au moins le poëte.

161. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

Ceux qui ont défini l’éloquence l’art de persuader, n’en ont donné qu’une idée incomplète et inexacte ; car, comme nous venons de le dire, l’art ne fait pas toute l’éloquence ; elle suppose toujours l’émotion éprouvée et transmise aux autres ; de plus, elle n’a pas toujours pour effet la persuasion : le poète, l’écrivain, l’orateur, peuvent être éloquents sans persuader, et persuader sans être éloquents. […] C’est ainsi qu’on trouve l’éloquence dans les ouvrages du moraliste et du philosophe, dans les récits de l’historien, dans les vers du poète, et parfois même dans une simple lettre.

162. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Racine. (1639-1699.) » pp. 83-90

A dire le vrai, où trouvera-t-on un poëte qui ait possédé à la fois tant de grands talents, tant d’excellentes parties, l’art, la force, le jugement, l’esprit ? […] La postérité, qui se plaît, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, fait marcher de pair l’excellent poëte et le grand capitaine.

163. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — J. B. Rousseau. (1671-1741.) » pp. 254-266

Le poëte français a voulu se montrer, dans ce sujet, plus régulier, plus méthodique et aussi plus moral que ses principaux devanciers, Horace (I, 35) et Pindare (XIIe  Olymp.) : c’est ce qu’annonce tout aussitôt ce début plein de gravité. […]  » Pour ce genre de poésies, dont Rousseau fit présent à notre langue, « il semble, comme l’a remarqué Le Brun, qu’il s’est plu à réserver toute la flexibilité de son beau talent : elles suffiraient pour le placer au plus haut rang, parce qu’il y développe toutes les qualités qui font le grand poëte ».

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