En effet, les émotions qui viennent du corps sont bornées et monotones : on connaît bien vite toutes les contorsions tragiques des passions exagérées ; on s’aperçoit promptement que ces cris de souffrance et d’agonie qui, la première fois, ont frappé l’oreille d’un coup inattendu et terrible, rendent toujours le même son ; et, au bout de quelque temps, l’auteur et le spectateur viennent échouer contre l’impossibilité de faire sentir autre chose que ce qu’ils ont fait et senti hier. […] Mourez, Thraséas, mourez sans aller au sénat défendre votre innocence, sans chicaner votre vie en face des délateurs ; dérobez vos yeux et vos oreilles au spectacle de la servitude de Rome, aux cris de la populace, cette vieille ennemie de tous les condamnés ; mourez, entouré de vos amis, et donnez-leur la dernière leçon de la sagesse sous les mauvais princes, la leçon de bien mourir.
Elle enchante l’oreille, et ajoute à la puissance de la vérité le charme inexprimable de la mélodie. […] Le vers blanc fatigue par sa cadence, où l’oreille, perpétuellement déçue, attend toujours une consonnance qui ne vient pas. […] En effet, quelque belle que soit une pensée en elle-même, si les mots qui l’expriment sont mal arrangés, la délicatesse de l’oreille en est choquée. […] L’attention se fatiguerait ainsi que l’oreille à suivre le fil d’idées heurtées ou rattachées péniblement ; une phrase souple et nombreuse soutient, charme et entraîne. […] La vraie harmonie imitative n’est pas distincte de la pensée, et ne s’adresse pas uniquement à l’oreille.
On cherche, au moyen de l’euphonie, les tournures les plus agréables à l’oreille, en évitant la répétition des mêmes sons, et en rejetant les mots durs et désagréables à entendre. […] Il n’y a donc pas de vers de neuf, de onze et de treize syllabes et au-dessus, parce que ces mètres se prêtent peu au rythme, et qu’ils produisent sur l’oreille un effet désagréable. […] Son rythme est doux et agréable à l’oreille. […] L’art du versificateur consiste à ménager les degrés du repos, pour le plus grand charme de l’oreille. […] La rime masculine n’étant que pour l’oreille et non pas pour les yeux, on doit, en la cherchant, se guider par le son plutôt que par l’orthographe.
Éloquence de saint Paul 1 N’attendez pas de l’Apôtre ni qu’il vienne flatter les oreilles par des cadences harmonieuses, ni qu’il veuille charmer les esprits par de vaines curiosités. […] Son discours, bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal ou sans suite à ceux qui ne l’ont pas assez pénétré ; et les délicats de la terre, qui ont, disent-ils, les oreilles fines, sont offensés de la dureté de son style irrégulier. […] De là vient que nous admirons dans ses admirables Épîtres une certaine vertu plus qu’humaine, qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. […] Accourez ici, troupe de flatteurs, venez en foule à sa table, venez faire retentir à ses oreilles le bruit de sa réputation si bien établie : voici le dernier effort de l’honneur pour donner du crédit au vice. […] Un grand roi vous va prêter sa voix, afin que vous vous fassiez entendre aux oreilles, et que vous portiez dans les cœurs des vérités plus articulées3.
Ce témoignage unanime, ces honneurs solennellement rendus, par un peuple poli et déjà éclairé, à l’écrivain qui venait d’enlever ses suffrages en enchantant ses oreilles, donnèrent aux ouvrages d’Hérodote un grand caractère d’autorité dans la Grèce, et auraient dû rendre les critiques modernes moins prompts à reléguer, sans examen, au nombre des fables, tout ce qui n’avait pas avec nos petites idées la conformité la plus exacte. […] Si l’on réfléchit à l’immense intervalle que la vérité devait avoir à franchir pour parvenir, d’un simple sujet, jusqu’aux oreilles d’un monarque tel que Crésus, on conviendra qu’il y avait du courage à parler ainsi. […] J’ajoute que vos conquêtes en Sicile vous promettent l’empire de la Grèce entière, et que le mal du moins que vous ferez aux Syracusains, tournera à votre avantage et à celui de vos alliés. — Fermez l’oreille aux avis pusillanimes de Nicias, qui vous conseille une honteuse inaction, et qui cherche à répandre la division entre les jeunes gens et les vieillards.
Que si8, au contraire, vous êtes de ceux qui détournent leur oreille de la vérité et qui demandent des fables et d’agréables rêveries, Dieu commandera à ses nuées, il retirera la saine doctrine de la bouche des prédicateurs. […] Éloquence de saint Paul 1 N’attendez pas de l’Apôtre ni qu’il vienne flatter les oreilles par des cadences harmonieuses, ni qu’il veuille charmer les esprits par de vaines curiosités. […] Son discours, bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal ou sans suite à ceux qui ne l’ont pas assez pénétré ; et les délicats de la terre, qui ont, disent-ils, les oreilles fines, sont offensés de la dureté de son style irrégulier.
La femme de Polémarque avait des pendants qu’elle possédait déjà quand elle entra, nouvelle mariée, dans notre maison : Mélobios les lui arracha des oreilles. […] L’esprit est satisfait, les oreilles sont charmées ; le cœur n’est pas ému. […] Ce n’est pas un philosophe ce Fabricius, qui montre aux Samnites ses oreilles, ses yeux, son nez, sa bouche, son gosier, son ventre, et qui leur dit : — « Tant que je tiendrai tout cela en bride, je n’aurai besoin de rien.
L’œil s’exerce à connaître l’étendue et la distance dans les corps, l’alliance et les contrastes dans les couleurs ; l’oreille, à distinguer le plus ou moins d’éloignement, d’intensité, d’harmonie ou de discordance des sons ; le goût et le tact, à apprécier la nature et les degrés de la saveur, l’aspérité ou le mœlleux des surfaces ; tout le monde convient qu’il faut longtemps regarder pour voir, et écouter pour entendre. […] Destinée jadis à se transmettre, comme par tradition, d’une oreille à l’autre, ou consignée seulement dans quelques manuscrits, dont le haut prix interdisait l’acquisition à la grande majorité du publie, la pensée de l’écrivain vole maintenant d’un bout à l’autre de l’univers avec les livres, les pamphlets, les journaux.
Rois, soyez attentifs ; peuples, ouvrez l’oreille : Que l’univers se taise et m’écoute parler3. […] Ces sons lugubres et sourds, dont la désinence revient sans cesse à l’oreille, produisent un admirable effet d’harmonie imitative.
Esprit brillant, belle imagination, il fut le Malherbe de la prose : il a le sentiment de la cadence, l’ampleur de la période, l’éclat du discours ; il sait choisir et ordonner les mots ; il orne de grandes pensées par des expressions magnifiques dont l’harmonie soutenue enchante l’oreille. […] Le plaisir des oreilles est en ceci plus que rien, mais ce n’est pas tout.