Sur l’observation qu’on nous a faite que nous avions été trop sobre de citations et d’exemples, nous avons ajouté, dans cette seconde édition, un certain nombre de morceaux littéraires pour appuyer les préceptes ; pourtant nous supposons toujours, ou que les élèves ont entre les mains une chrestomathie, ou que le maître y supplée par des lectures choisies d’après son goût et selon les besoins des élèves.
Il rend leur nombre inutile, Et sans courage et sans bras, Fait de leur main immobile Tomber les armes à bas ; De ces légions impies Les fureurs sont assoupies Dans un morne étonnement ; Et leurs bataillons superbes Sont étendus sur les herbes Sans force et sans mouvement… Les Bergeries1.
Jusque-là toutes les tentatives sont vaines, toutes les menées sont impuissantes ; l’inertie du grand nombre protége le gouvernement nominal ; et, malgré son impéritie et sa faiblesse, les efforts de ses ennemis ne prévalent pas contre lui.
Que le plaisir de nous entendre parler ne nous fasse jamais oublier que les auditeurs sont faciles à lasser ; que l’inconstance et la légèreté du plus grand nombre ne leur permettent pas de donner, à rien de sérieux, une attention longtemps suivie ; et lorsqu’une fois cette lassitude commence à se faire sentir, tout l’effet de notre éloquence devient absolument nul.
Et plus loin : « Le pillage n’enrichit qu’un petit nombre d’hommes : il nous déshonore, il détruit nos ressources, il nous rend ennemis des peuples qu’il est de notre intérêt d’avoir pour amis, etc. » C’est à ce même héros qu’on attribue un mot sublime sur les Pyramides : Du haut de ces Pyramides, quarante siècles nous contemplent.
Mais quand même on ne sentirait pas cet entraînement qui porte à écrire, ce n’est pas une raison pour abandonner la composition : bien des personnes attendraient en vain l’inspiration du ciel ; elle n’est accordée qu’à un petit nombre d’élus.
Les Romains de la décadence Le menu populaire1, duquel le nombre est tousjours plus grand dans les villes, est souspeçonneux2 à l’endroict de celui qui l’aime et simple envers celui qui le trompe.
Il la détache ; il la porte sur une roue : les membres fracassés s’enlacent dans les rayons ; la tête pend ; les cheveux se hérissent, et la bouche, ouverte comme une fournaise, n’envoie plus par intervalles qu’un petit nombre de paroles sanglantes qui appellent la mort.
Néologismes et archaïsmes subirent ainsi une enquête qui nous eût privé des uns et des autres, si l’usage n’en avait sauvé bon nombre, sans en demander la permission à ceux qui s’intitulaient ses experts et ses contrôleurs. […] — Mais l’orthographe composite que produisirent ces transactions est, à tout prendre, un compromis sage qui satisfait le plus grand nombre. […] Elle ne sera donc jamais fixée définitivement, n’en déplaise aux doléances d’un goût trop exigeant qui n’accepte, dans la fortune littéraire d’une nation, qu’un siècle, et dans ce siècle, qu’un petit nombre d’élus.
Sans doute la satire, entre les mains d’un homme de talent, peut faire une rude guerre au mauvais goût, et réprimer, au moins en partie, les scandales littéraires ; sans doute elle peut, sinon faire tomber tous les ridicules, au moins en diminuer le nombre ; elle pourra même faire rougir le vice, et peut-être lui arracher de loin en loin quelques victimes. […] En France, nous avons on certain nombre de poètes épistolaires : nous citerons Christine de Pisan, Marot, Voiture, Boileau, Voltaire, J. […] On peut citer, entre autres exemples de naïveté, le Savetier et le Financier, la Laitière et le Pot au lait, et le début de la fable, les Femmes et le Secret : Rien ne pèse tant qu’un secret : Le porter loin est difficile aux dames, Et je sais même sur ce fait Bon nombre d’hommes qui sont femmes.