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181. (1881) Rhétorique et genres littéraires

Que m’importe, après tout, que Néron plus fidèle D’une longue vertu laisse un jour le modèle ? […] Je ne te reproche ni ce que tu me coûtes, ni les peines que je me donne pour y suffire (prétérition) ; mais, je t’en prie, je t’en conjure, laisse-moi travailler en paix (obsécration). […] L’apologue n’est qu’une allégorie, surtout quand on laisse deviner la moralité, comme dans Le Chêne et le Roseau de La Fontaine. […] Charles d’Orléans nous a laissé des chefs-d’œuvre en ce genre : Ex. […] On ne doit l’y laisser que si elle n’est pas contraire à cette unité et ne paraît pas un hors-d’œuvre.

182. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Précis des quatre âges de la Littérature. »

Molière enleva le sceptre de la comédie aux Grecs et aux Latins, et le laissa entre les mains de Regnard. […] Boileau suivit de près Horace, et laissa derrière lui Perse et Juvénal.

183. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

« Rien ne s’oppose plus à la chaleur que le désir de mettre partout des traits saillants ; rien n’est plus contraire à la lumière, qui doit faire un corps et se répandre uniformément dans un écrit, que ces étincelles qu’on ne tire que par force, en choquant les mots les uns contre les autres, et qui ne nous éblouissent quelques instants, que pour nous laisser ensuite dans les ténèbres. […] Elle délasse l’esprit, en lui présentant des objets toujours différents, et elle lui laisse la liberté de se livrer à toute sa vivacité. […] Et qu’est donc devenu le Pindare de tout à l’heure, le poëte qui, prenant sa mission au sérieux, luttait contre le Dieu, et ne cédait enfin que pour laisser Apollon lui-même parler par sa voix ? […] L’élévation dont la naissance les met en possession les empêche toute seule de s’en rendre dignes : héritiers d’un grand nom, il leur paraît inutile de s’en faire un à eux-mêmes ; ils goûtent les fruits d’une gloire dont ils n’ont pas goûté l’amertume ; le sang et les travaux de leurs ancêtres deviennent le titre de leur mollesse et de leur oisiveté ; la nature a tout fait pour eux, elle ne laisse plus rien à faire au mérite ; et souvent l’époque glorieuse de l’élévation d’une race devient, un moment après, elle-même, sous un indigne héritier, le signal de sa décadence et de son opprobre ; les exemples là-dessus sont de toutes les nations et de tous les siècles.

184. (1867) Rhétorique nouvelle « Deuxième partie. L’éloquence du barreau » pp. 146-

ces chères paroles, je les ai gardées dans ma mémoire, mais toi tu les as oubliées, et tu veux égorger ton enfant… Allons, mon père, tourne la tête vers moi, donne-moi un regard, un baiser ; j’emporterai au moins cela de toi en descendant dans la tombe, si tu ne veux pas te laisser attendrir. […] Devant de pareilles foules, un véritable orateur, à qui on eût laissé pleine carrière, eût été le maître des consciences ; il eût tenu dans ses mains la vie et la fortune de ses concitoyens ; il eût disposé de la justice. […] On peut dire que les pages qu’il nous a laissées sur ce sujet sont les mémoires de l’éloquence. […] « Si j’avais été invité au repas des Ides, je n’aurais pas laissé de restes. » 17.

185. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

C’est que si l’antithèse déplacée est un vice, elle est un vice aimable et décevant, dulce vitium, disait Quintilien à propos de Sénèque ; qu’en conséquence, beaucoup d’écrivains et des plus ingénieux se sont laissé prendre à ses charmes, qu’ils ont torturé les choses pour rapprocher les mots, qu’ils ont abusé de l’antithèse, comme d’autres de l’ellipse, de la métaphore, de l’hyperbole, de la périphrase, choses également bonnes en soi, et qu’enfin la peur de l’abus a fait proscrire l’usage ; c’est que, d’une autre part, le tour de phrase, dans l’antithèse, étant toujours le même, cette symétrie incessante amène l’uniformité, que de l’uniformité naît toujours l’ennui, et qu’on pardonne tout plutôt que l’ennui. […] Ici l’on affirme ou l’on rappelle certaines idées, certains faits, tout en disant qu’on les passera sous silence, prétérition ; là, on feint de s’être laissé emporter à la passion, ou d’avoir mal apprécié les choses, et l’on revient à dessein sur ce que l’on a dit pour le fortifier, l’adoucir, le rétracter même et produire ainsi plus d’effet, correction, rétroaction, épanorthose ; on a l’air tantôt d’admettre jusqu’à un certain point les objections de l’adversaire et de reculer devant lui, pour reprendre bientôt après ou s’assurer immédiatement un avantage décisif, concession, préoccupation, prolepse ; tantôt de le consulter, d’entrer dans son opinion, de partager ses erreurs, afin de l’amener moins péniblement à l’aveu ou au repentir, communication ; plus loin, on semble mettre en question ce que l’on a déjà irrévocablement décidé, délibération ; ou encore s’enquérir de ce que l’on sait fort bien, interrogation ; si bien même que souvent, après avoir fait la demande, on fait la réponse, au lieu de l’attendre, subjection. […] Ils peuvent remplir ces vastes édifices, mais ils laisseront toujours votre cœur vide… etc.

186. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Chateaubriand 1768-1848 » pp. 222-233

Heureux le favori des muses, qui, comme le cygne, a quitté la terre sans y laisser d’autres débris et d’autres souvenirs que quelques plumes de ses ailes1 ! […] Une espèce de sauvage, presque nu, pâle et miné par la fièvre, garde ces tristes chaumières : on dirait qu’aucune nation n’a osé succéder aux maîtres du monde dans leur terre natale, et que les champs sont tels que les a laissés le soc de Cincinnatus, ou la dernière charrue romaine. […] Les rogations Les cloches du bameau se font entendre, les villageois quittent leur travaux : le vigneron descend de la colline, le laboureur accourt de la plaine, le bûcheron sort de la forêt ; les mères, fermant leurs cabanes, arrivent avec leurs enfants, et les jeunes filles laissent leurs fuseaux, leurs brebis et les fontaines pour assister à la fête6.

187. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Simon, 1675-1755 » pp. 223-233

Elle retrouva les deux princes et madame la duchesse de Berry avec le duc de Beauvilliers, dans un petit cabinet où elle les avait laissés. […] Les plus fins d’entre eux, ou les plus considérables, s’inquiétaient déjà de la santé du roi ; ils se savaient bon gré de conserver tant de jugement parmi ce trouble, et n’en laissaient pas douter par la fréquence de leurs répétitions. […] Elle a laissé d’intéressants mémoires.

188. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Malherbe. (1555-1628.) » pp. 160-164

Tout ce que la grandeur a de vains équipages, D’habillements de pourpre et de suite de pages, Quand le terme est échu, n’allonge point nos jours : Il faut aller tout nus où le destin commande ; Et, de toutes douleurs, la douleur la plus grande,         C’est qu’il faut laisser nos amours2. […] Des mémoires sur la vie de Malherbe nous ont été laissés par Racan.

189. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

Je ne parle point ici des vingt églogues que nous a laissées La Motte. […] Il est fâcheux pour la gloire de Boileau, dont la critique est ordinairement saine, qu’il se soit laissé entraîner par la prévention contre le Tasse et Quinault 256. […] si ce faux éclat n’eût pas fait ses plaisirs, Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs, Qu’il pouvait doucement laisser couler son âge ! […] Comme un tigre impitoyable, Le mal a brisé mes os, Et sa rage insatiable Ne me laisse aucun repos. […] Respectez un jeune chasseur, Las d’une course violente, Et du doux repos qui l’enchante, Laissez-lui goûter la douceur.

190. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

L’euphémisme est une figure par laquelle on déguise les idées tristes, odieuses ou déshonnêtes sous des idées plus agréables, moins choquantes ou plus décentes, et qui laissent deviner les premières. […] on fut longtemps à délibérer ; et, dans une affaire aussi délicate, on crut qu’il fallait tout donner au conseil, et ne rien laisser à la fortune. […] je t’en conjure par les mânes de ton père, par ta mère, par tout ce que tu as de plus cher au monde, de ne pas me laisser seul dans ces maux que tu vois ! […] laisse-moi. — Debout !  […] Les transitions demandent un grand talent joint à un grand travail, qui fasse disparaître l’art, qui ne laisse rien d’isolé, qui établisse partout une connexion parfaite, et qui cependant ne confonde rien et laisse toujours aller le discours à son but, dans le plus bel ordre, sans affectation, sans effort et sans contrainte.

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