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49. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IV. Du Beau et des Plaisirs du Goût. »

Il est probable que l’association des idées influe en quelque sorte sur le plaisir que nous font les couleurs. Le vert, par exemple, peut nous paraître beau, parce qu’il se lie dans notre imagination avec les idées de scènes champêtres, de perspectives, etc. ; le blanc nous retrace l’innocence ; le bleu la sérénité d’un beau ciel Indépendamment de cette association d’idées, tout ce que nous pouvons remarquer de plus, à l’égard des couleurs, c’est que ce sont les plus délicates et non les plus éclatantes, qui passent généralement pour les plus belles. […] Je ne parle point ici de l’imitation seulement du beau et du sublime, qui réveille en nous les idées primitives de beauté ou de grandeur, mais la peinture même des objets hideux ou terribles. […] Les mots n’ont point, en effet, une ressemblance naturelle avec les idées qu’ils représentent, tandis qu’une statue, un tableau offrent une ressemblance parfaite avec l’objet imité. […] Mais j’ai dû me borner à l’analyse rapide de ses idées, et laisser à la sagacité des professeurs le soin de leur donner le développement, et d’en faire les applications dont elles sont susceptibles.

50. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre IV. Thomas. »

Voici l’idée qu’il s’en forme, et de quels traits il le caractérise : « J’aime à me peindre ce citoyen généreux méditant dans son cabinet solitaire. […] Aussitôt ses idées se précipitent en foule, et son âme se répand au dehors ». […] ) Vous avez vu dans Voltaire et dans Fléchier la définition d’une armée : l’un l’a faite en philosophe éloquent, l’autre en orateur, et tous deux au moins vous en ont donné une idée juste. […] Quand il dit, par exemple, que les grands hommes pèsent sur l’univers et l’univers sur eux, cette idée, à force de vouloir être grande, peut n’être pas très claire, et, présentant plusieurs sens, ne vous arrête sur aucun ; choisissant de préférence le terme abstrait, il donne trop souvent à ses phrases une forme métaphysique qui peut fatiguer l’attention du lecteur, d’autant plus que les idées sont accumulées ; il place quelquefois des tournures et des expressions familières qui, entourées de phrases du ton le plus noble, ont un air étranger à sa diction, etc. ». […] Et un peu plus loin, à propos de l’Éloge de Marc-Aurèle, « que le goût sain de l’antiquité demanderait que les pénibles efforts de l’écrivain y fussent moins visibles au lecteur, qui regrette de ne pas découvrir autant de facilité et de naturel dans le style qu’il admire souvent de nerf et d’elévation dans les idées ».

51. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

La force de son caractère, l’amour de la gloire et le dévouement à une idée l’élevèrent au-dessus des querelles de son temps ; au lieu de se dépenser au jour le jour, il économisa si bien ses facultés qu’il ne se laissa pas distraire un instant du sujet grandiose auquel il avait consacré son existence. […] Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence que l’emploi de ces pensées fines et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité2. […] Ce défaut est celui des esprit cultivés, mais stériles ; ils ont des mots en abondance1, point d’idées ; ils travaillent donc sur les mots, et s’imaginent avoir combiné des idées, parce qu’ils ont arrangé des phrases, et avoir épuré le langage quand ils l’ont corrompu en détourant les acceptions2. […] Rousseau : « Mes idées circulent sourdement… elles fermentent jusqu’à m’émouvoir… insensiblement ce grand mouvement s’apaise, ce chaos se débrouille, chaque chose vient se mettre à sa place. » 1. La Bruyère disait : « Les comparaisons tirées d’un fleuve dont le cours, quoique rapide, est égal et uniforme, où d’un embrasement qui, poussé par les vents, s’épand au loin dans une forêt où il consume les chênes et les pins, ne leur fournissent aucune idée de l’éloquence ; montrez-leur un feu grégeois qui les surprenne, ou un éclair qui les éblouisse, ils vous quittent du bon et du beau.  » (Caractères, chap.

52. (1863) Précis de rhétorique : suivi des règles auxquelles sont assujettis les différents ouvrages de littérature pp. 1-100

2° L'énumération des parties est un dénombrement, ou une idée principale développée de manière à présenter plusieurs idées accessoires. […] Le style est tout à la fois les expressions qu'emploient les idées du discours et l'ordre dans lequel les idées sont énoncées. […] Ceux qui peuvent lui nuire ont leur source dans un vice du sujet, dans les idées trop éloignées du sujet et dans les mots qui représentent ces idées. […] Les contrastes animent et varient les descriptions ; le mélange d'idées naturelles, simples, riantes, et d'idées sombres et nobles font dans l'âme une impression durable. […] Anot et ceux de Hoffmann étant fort longs, je n'ai dû reproduire que les idées de ces écrivains.

53. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Ils ne font pas trouver les idées, mais ils donnent les moyens de les mettre habilement en œuvre. […] Le sophisme a transporté les termes des idées qu’ils exprimaient aux idées contraires, donné aux vices les noms des vertus, et appliqué au faux les signes du vrai. […] Elle exclut les idées basses et repoussantes, les locutions grossières et triviales. […] — Elle arrête l’expression de l’idée, et la fait désirer pour la rendre plus saisissante. […] — Elle revient sur l’idée exprimée, et la rétracte ou la modifie, au moins en apparence.

54. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — De Maistre 1753-1821 » pp. 210-213

Sous ses idées fixes et ses paradoxes, il y a du trait, du mordant, des vues hardies ou profondes, et l’accent d’une voix vibrante qui porte au loin. […] Le monde politique est aussi réglé que le monde physique ; mais comme la liberté de l’homme y joue un certain rôle, nous finissons par croire qu’elle y fait tout3 L’idée de détruire ou de morceler un grand empire est souvent aussi absurde que celle d’ôter une planète du système planétaire. […] Parmi toutes les idées qui me déchirent, celle de ne pas te connaître, celle de ne te connaître peut-être jamais, est la plus cruelle. […] Chaque jour, en rentrant chez moi, je trouve ma maison aussi désolée que si vous m’aviez quitté hier ; dans le monde, la même idée me suit et ne m’abandonne presque pas. […] Tu peux bien te fier sur ma tendresse, et je puis aussi t’assurer que l’idée de partir de ce monde sans te connaître est une des plus épouvantables qui puissent se présenter à mon imagination.

55. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Nous lisons un livre avec plus de plaisir, lorsque nous avons une idée avantageuse de l’auteur. […] Ce sont deux manières tout à fait différentes de communiquer ses idées. […] L’imagination ne saisit jamais mieux toute la grandeur d’une idée qu’on lui présente, que lorsque cette idée tout entière la frappe au même instant. […] En nous donnant une idée de la vivacité des Grecs, il nous donne aussi une idée de leur loquacité. […] Pope, ne peuvent s’en faire qu’une idée imparfaite.

56. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre III. Beautés de sentiment. »

Que les jeunes gens, qu’abuse si facilement tout ce qui a l’air de la grandeur ou de la vérité, apprennent et observent de bonne heure, que trois sortes de néologisme défigurent successivement les langues : celui d’abord qui introduit sans nécessité des mots nouveaux : celui qui donne aux mots anciens une acception qu’ils n’avaient pas ; et ici commence la dépravation du jugement et le désordre dans les idées : mais celui de tous qui est le plus dangereux, celui qu’il faut fuir avec le plus de soin, c’est celui, sans doute, qui familiarise insensiblement avec l’habitude de donner tout aux mots, et rien au sentiment ; de se faire un jargon aussi ridicule que barbare, où l’âme et le cœur ne sont et ne peuvent être pour rien, puisqu’il n’offre ni idées, ni sentiments, et que la langue seule en fait les frais. […] Revenons donc à la vérité, à la nature, et l’ordre rentrera dans nos idées, et les mots diront ce qu’ils doivent dire. Nous ne serons obligés de recourir ni à des tournures bizarres, ni à des expressions nouvelles, parce que nous n’aurons jamais à rendre qu’une certaine suite d’idées, dans un ordre simple et lumineux ; et notre style sera clair, notre langage pur, parce que nos idées seront justes et nos sentiments vrais. […] Or, comme cette idée générale du beau est elle-même quelque chose de vague, il faut savoir parfaitement distinguer ce qui constitue l’espèce de beauté relative à l’objet auquel on l’applique ; nous nous sommes assez étendus sur cet article au commencement de l’ouvrage, pour nous dispenser d’y revenir. […] Nous avons appelé sentimentales les beautés qui excitent ou réveillent en nous l’idée que nous nous sommes formée, et le sentiment que nous avons du beau : ainsi les beautés de tous les genres pourraient être des beautés sentimentales.

57. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Voici à peu près comment ils raisonnaient : — Toutes les idées nous viennent des sens, c’est-à-dire du monde extérieur. […] Et qu’est-ce que développer, sinon tirer d’une idée générale tout ce qu’elle contient ? […] Les idées s’attirent par groupes, chacune d’elles appelant à sa suite des idées secondaires, qui en appellent d’autres à leur tour. […] Il ne démontre pas, il peint, il personnifie ses idées, il les fait agir et parler. […] Les idées sont un fonds commun que chacun peut s’approprier par l’usage qu’il en fait.

58. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Ce défaut est celui des esprits cultivés, mais stériles ; ils ont des mois en abondance, point d’idées : ils travaillent donc sur des mots, et s’imaginent avoir combiné des idées, parce qu’ils ont arrangé des phrases, et avoir épuré le langage, quand ils l’ont corrompu en détournant les acceptions. […] Or jamais l’imitation n’a rien créé : aussi cette harmonie de mots ne fait ni le rond ni le ton du style, et se trouve souvent dans les écrits vides d’idées. […] Si nous ne sommes pas assez heureux pour réussir pleinement, peut être que nos efforts suffiront pour en donner une idée satisfaisante. […] La Réforme romantique descendit bientôt des idées dans le style. […] Ils mirent en vogue des expressions dérivées de barbarismes ; des tours nouveaux avec des solécismes ; et ils présentèrent des idées neuves avec des termes impropres.

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