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230. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Malherbe 1555-1628 » pp. 302-309

Mais, ô loi rigoureuse à la race des hommes ! […] En vain, pour satisfaire à nos lâches envies, Nous passons près des rois tout le temps de nos vies A souffrir des mépris, et ployer les genoux : Ce qu’ils peuvent n’est rien ; ils sont ce que nous sommes,   Véritablement hommes,   Et meurent comme nous4. […] Malherbe, en cet âge brutal, Pégase est un cheval qui porte Les grands hommes à l’hôpital. […] La destruction d’un homme sensible qui expire au milieu de ses amis désolés, et celle d’un papillon que l’air froid du matin fait périr dans le calice d’une fleur, sont deux époques semblables dans le cours de la nature. L’homme n’est rien qu’un fantôme, une ombre, une vapeur qui se dissipe dans les airs. » 2.

231. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉLÉGANCE LATINE. — CHAPITRE I. De la propriété des mots. » pp. 2-8

. — Vir, homme, tiré de la racine primitive vi, force, désigne un homme fort, courageux ; et, par analogie, un homme de cœur, un homme de mérite. […] Ainsi les verbes amare et diligere expriment tous deux l’action d’aimer ; mais ils diffèrent en ce sens que amare signifie aimer d’un amour naturel, de cet amour que Dieu a mis dans le cœur des hommes en les unissant par les liens du sang et de la parenté. […] Dans l’ordre moral, il y a de l’analogie entre un vaisseau que l’on fait voguer sur les ondes et une république qui est gouvernée par des hommes, entre le calme ou l’agitation de la mer et l’état paisible ou les troubles de l’âme, etc.

232. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XII. du corps de l’ouvrage. — portrait, dialogue, amplification  » pp. 161-174

Mais comme il s’était astreint à l’appliquer à tous les grands hommes de l’antiquité sans exception, il était difficile qu’il n’eût point quelque uniformité, et que parfois les rapprochements ne fussent forcés ; c’est ce qui est arrivé. […] Le dialogue didactique est utile aussi pour éclairer quelques points obscurs de l’histoire ; ainsi l’admirable dialogue de Sylla et d’Eucrate, dans Montesquieu, où, quoi qu’en dise Marmontel, le philosophe ne traite pas le prescripteur avec trop de respect, mais lui parle avec la convenance d’un homme libre et bien élevé qui discute avec un tyran, sans oublier que ce tyran est un grand homme. […] à propos d’une ridicule motion du Palais-Royal, d’une risible insurrection, qui n’eut jamais d’importance que dans les imaginations faibles, ou dans les desseins pervers de quelques hommes de mauvaise foi, vous avez entendu naguère ces mots forcenés : Catilina est aux portes, et on délibère ! […] C’est elle qui, chez les Romains comme chez les modernes, distingue l’homme éloquent de l’homme disert ; c’est elle qui donne à la prose la grandeur, la hardiesse, la poésie d’expression, verba prope poetarum. […] Voyez la manière dont Rousseau démontre, par l’amplification, que le duel est l’acte d’une bête féroce, que le suicide est un crime contre la société et contre Dieu, que l’homme ne doit pas se nourrir de la chair des animaux, etc.

233. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre II. De l’Éloquence. » pp. 318-338

Un homme pourra bien, sans le secours des règles que les grands maîtres ont tracées, en produire quelques-uns et faire même un morceau vraiment éloquent, que lui dictera le seul sentiment dont il sera pénétré. […] C’est ce que font tous les jours des hommes, qui ont reçu de la nature les plus heureuses dispositions, mais qu’ils n’ont pas eu soin de cultiver par l’étude. […] Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome :         La terre et le travail de l’homme Font, pour les assouvir, des efforts superflus. […] Il n’est aucun homme sensible, qui, à la lecture de ces deux morceaux, ne conçoive et n’éprouve lui-même les vives impressions qu’ils durent faire, l’un sur le Sénat de Rome, l’autre sur Néron. […] Or sur qui tombera le choix de ce prince vieilli dans l’étude et dans la connaissance des hommes ; de ce prince, dont le choix des Bossuet et des Fénelon avait prouvé et honoré les lumières ?

234. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Sévigné 1626-1696 » pp. 52-64

Ils passaient au travers de Nanterre, tra, tra, tra ; ils rencontrent un homme à cheval : Gare, gare ! Ce pauvre homme veut se ranger ; son cheval ne veut pas ; et enfin le carrosse et les six chevaux renversent l’homme et le cheval, et passent par-dessus, et si bien par-dessus que le carrosse en fut versé et renversé. En même temps, l’homme et le cheval, au lieu de s’amuser à être roués et estropiés, se relèvent miraculeusement, remontent l’un sur l’autre, s’enfuient, et courent encore, pendant que les laquais de l’archevêque, et le cocher, et l’archevêque même, se mettent à crier : Arrête, arrête ce coquin ! […] Le voilà donc mort, ce grand ministre, cet homme si considérable qui tenait une si grande place, dont le moi, comme dit M. […] Fouquet, qui l’était présentement de M. le prince, cet homme dont la bonne tête était capable de contenir tout le soin d’un État, cet homme donc que je connaissais, voyant que ce matin la marée n’était pas arrivée, n’a pu soutenir l’affront dont il a cru qu’il allait être accablé, et, en un mot, il s’est poignardé. » 5.

235. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre VI. D’Aguesseau et Séguier. »

Quel homme mérita jamais mieux et justifia plus pleinement un pareil éloge, que l’illustre chancelier d’Aguesseau, qui serait encore un de nos plus célèbres écrivains, quand même il n’aurait pas été un de nos plus grands, de nos plus vertueux magistrats. […] « C’est en vain, dit-il, que l’orateur se flatte d’avoir le talent de persuader les hommes, s’il n’a acquis celui de les connaître. […] « Ce fut dans le premier âge de l’éloquence que la Grèce vit autrefois le plus grand de ses orateurs jeter les fondements de l’empire de la parole sur la connaissance de l’homme et sur les principes de la morale. […] Trop philosophe pour ne pas chercher la vraie philosophie où elle se trouve réellement, ce grand homme rendit à la religion un hommage constant par sa conduite et dans ses écrits. […] Si la religion avait besoin de suffrages pour relever sa gloire et pour assurer son triomphe, on conviendra que celui d’un homme tel que d’Aguesseau serait bien propre à confondre la présomption aveugle qui l’attaque, et à faire rougir les vices honteux qui la déshonorent.

236. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Prosper Mérimée Né en 1803 » pp. 286-290

Il se fit un moment de silence parmi les assaillants ; puis, tous ensemble, et comme par un commun accord, ils poussèrent une clameur de guerre pour s’étourdir, et ne pas entendre les gémissements de l’homme qui brûlait. […] Un homme ne doit jamais sortir sans ses armes. […] Dans plusieurs cantons de la Corse, surtout dans les montagnes, un usage extrêmement ancien, et qui se rattache peut-être à des superstitions du paganisme, oblige les passants à jeter une pierre ou un rameau d’arbre sur le lieu où un homme a péri de mort violente. Pendant de longues années, aussi longtemps que le souvenir de sa fin tragique demeure dans la mémoire des hommes, cette offrande singulière s’accumule ainsi de jour en jour. […] En ce moment, la cloche du village tinta lentement, car un homme était mort dans la nuit.

237. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Racine, 1639-1699 » pp. 150-154

Pour comprendre son originalité, rappelons-nous que cet homme de bien, attaché à tous ses devoirs jusqu’au scrupule ; que ce père si tendre et cet ami si dévoué reçut de la nature une âme ardente, une sensibilité inquiète, irritable, maladive et presque féminine, comme le prouvent ses vives épigrammes, ses lettres à Nicole, sa préface de Britannicus, et la fin de sa vie. […] La scène retentit encore des acclamations qu’excitèrent à leur naissance le Cid, Horace, Cinna, Pompée, tous ces chefs-d’œuvre représentés depuis sur tant de théâtres, traduits en tant de langues, et qui vivront à jamais dans la bouche des hommes. […] Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons point de dire, à l’avantage des lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie, que du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que, durant leur vie, la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse : la postérité, qui se plaît, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, et fait marcher de pair l’excellent poëte et le grand capitaine. […] Hippolyte Rigault, si justement regretté : « Il fut un temps où l’on s’imaginait en France qu’un homme de génie, un grand poëte était un homme comme un autre, et ne se distinguait du commun des mortels que par l’excellence de son esprit.

238. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Montesquieu. (1689-1755.) » pp. 130-139

Montesquieu fut un des hommes qui auraient pu épargner à notre pays ces douloureuses épreuves. Esprit hardi mais sage, ami du progrès sans rompre avec le passé, magistrat érudit et homme vertueux, il a écrit pour éclairer ses semblables et pour les rendre meilleurs. […] Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers : ils avaient de l’humanité ; ils connaissaient la justice ; ils aimaient la vertu. […] Fallait-il payer les dettes des soldats, faire part de sa conquête aux Grecs, faire la fortune de chaque homme de son armée : il était Alexandre. […] Peu d’hommes, on le remarquera ici, comme en beaucoup d’autres passages, ont été dans leur style aussi grands peintres que Montesquieu.

239. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — La Fontaine (1621-1695.) » pp. 194-204

De là l’originalité et le charme de cet auteur inimitable1 : ce qui complète l’un et l’autre, c’est que, sous l’inspiration vraie qui le dirige, on aperçoit toujours le cœur de l’homme. […] Son voisin, au contraire, étant tout cousu d’or,     Chantait peu, dormait moins encor :   C’était un homme de finance. […] A la fin, le pauvre homme S’en courut chez celui qu’il ne réveillait plus. […] Nouveau souvenir de Rabelais, qui emploie ce mot pour désigner un homme sans importance, un pauvre sire. […] « Fable charmante, dit Chamfort : quelle légèreté dans le début, et ensuite que de grâce et de naturel dans la peinture, faite par le poëte, de cette faiblesse, si naturelle aux hommes, d’ouvrir leur âme à la moindre espérance !

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