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2. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Mille autres fleuves tributaires du Meschacebé2 l’engraissent de leur limon et la fertilisent de leurs eaux. […] Par intervalles, il élève sa grande voix, en passant sous les monts ; il répand ses eaux débordées autour des colonnades des forêts et des pyramides des tombeaux indiens : c’est le Nil des déserts. […] Vrai nom du Mississipi ou Meschassipi, Vieux Père des Eaux. […] Le Dieu le Rhin, tranquille et fier du progrès de ses eaux, n’est qu’un nain auprès de ce bison majestueux. […] Le colibri doré sur les fleurs étincelle ; La colombe gémit ; tout s’unit, tout s’appelle, Dans les bois, dans les prés, dans les airs, sur les eaux.

3. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Saint-Marc Girardin Né en 1801 » pp. 275-278

Le capitaine, voyant qu’il n’y avait pas d’espérance de maîtriser le feu, qui bientôt allait gagner les poudres, ordonne d’ouvrir de larges voies d’eau dans le premier et le second pont. L’eau entra de toutes parts dans le vaisseau et parvint à arrêter la fureur des flammes ; mais ce fut un autre danger, et le vaisseau semblait devoir s’ensevelir dans la mer. […] « C’est pourquoi nous ne craindrons point, quand même la terre se bouleverserait, quand les montagnes se renverseraient dans la mer ; « Quand ses eaux viendraient à bruire et à se troubler, quand les montagnes seraient ébranlées par la force de ses vagues ; « Car l’Éternel des armées est avec nous ; le Dieu de Jacob nous est une haute retraite1. » Où donc est la tempête2 ? […] Oui, il n’y a plus, à ce moment, sur les eaux, que la voix du Seigneur, et celle de l’homme que la foi unit à Dieu. […] Psaume xxvii La voix du Seigneur est sur les eaux.

4. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

A sa noble aisance, à la facilité, à la liberté de ses mouvements sur l’eau, on doit le reconnaître non-seulement comme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l’art de la navigation. […] Fier de sa noblesse, jaloux de sa beauté, le cygne semble faire parade de tous ses avantages ; il a l’air de chercher à recueillir des suffrages, à captiver les regards, et il les captive, en effet, soit que, voguant en troupe, on voie de loin, au milieu des grandes eaux, cingler la flotte ailée ; soit que, s’en détachant, et s’approchant du rivage aux signaux qui l’appellent, il vienne se faire admirer de plus près en étalant ses beautés, et développant ses grâces par mille mouvements doux, ondulants et suaves. Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté ; il n’est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer ; libre sur nos eaux, il n’y séjourne, et ne s’y établit qu’en jouissant d’assez d’indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité ; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au rivage, s’éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s’abriter sous les bords, sc cacher dans les joncs, s’enfoncer. dans les anses les plus écartées ; puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu’il paraît prendre et goûter en s’approchant de l’homme, pourvu qu’il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans1. […] Delille disait : Le cygne, toujours beau, soit qu’il vienne au rivage, Certain de ses attraits, s’offrir à notre hommage ; Soit que. do nos vaisseaux le modèle achevé, Se rabaissant en proue, en poupe relevé, L’estomac pour carène, et de sa queue agile Mouvant le gouvernail en timonier habile, Les pieds pour avirons, pour flotte ces oiseaux Qui se pressent en foule autour du roi des eaux, Pour voile enfin son aile au gré des vents enflée, Fier, il vole au milieu de son escadre ailée. […] Il serait superflu de vous raconter comme il sait ménager les éléments, après tant de sortes de miracles qu’il fait faire tous les jours aux plus intraitables, je veux dire au feu et à l’eau, ces deux grands ennemis, qui s’accordent néanmoins à nous servir dans des opérations si utiles et si nécessaires.

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

La nature, qui partout ailleurs brille par sa jeunesse, paraît ici dans la décrépitude : la terre surchargée par le poids, surmontée par les débris de ses productions, n’offre, au lieu d’une verdure florissante, qu’un espace encombré, traversé de vieux arbres chargés de plantes parasites, de lichens, d’agarics, fruits impurs de la corruption ; dans toutes les parties basses, des eaux mortes et croupissantes faute d’être conduites et dirigées ; des terrains fangeux, qui, n’étant ni solides ni liquides, sont inabordables, et demeurent également inutiles aux habitants de la terre et des eaux ; des marécages qui, couverts de plantes aquatiques et fétides, ne nourrissent que des insectes venimeux et servent de repaire aux animaux immondes. […] Le lion et le tigre sur la terre, l’aigle et le vautour dans les airs, ne règnent que par la guerre, ne dominent que par l’abus de la force et par la cruauté, au lieu que le cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix, la grandeur, la majesté, la douceur ; avec des puissances, des forces, du courage, et la volonté de n’en pas abuser et de ne les employer que pour la défense, il sait combattre et vaincre sans jamais attaquer : roi paisible des oiseaux d’eau, il brave les tyrans de l’air ; il attend l’aigle sans le provoquer, sans le craindre ; il repousse ses assauts en opposant à ses armes la résistance de ses plumes et les coups précipités d’une aile vigoureuse qui lui sert d’égide ; et souvent la victoire couronne ses efforts. […] À sa noble aisance, à la facilité, à la liberté de ses mouvements sur l’eau, on doit le reconnaître non-seulement comme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l’art de la navigation. […] Fier de sa noblesse, jaloux de sa beauté, le cygne semble faire parade de tous ses avantages ; il a l’air de chercher à recueillir des suffrages, à captiver les regards ; et il les captive en effet, soit que, voguant en troupe, on voie de loin, au milieu des grandes eaux, cingler la flotte ailée ; soit que, s’en détachant et s’approchant du rivage aux signaux qui l’appellent, il vienne se faire admirer de plus près en étalant ses beautés, et développant ses grâces par mille mouvements doux, ondulants et suaves. Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté ; il n’est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer : libre sur nos eaux, il n’y séjourne, ne s’y établit qu’en jouissant d’assez d’indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité ; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au rivage, s’éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s’abriter sous les bords, se cacher dans les joncs, s’enfoncer dans les anses les plus écartées ; puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu’il paraît prendre et goûter en s’approchant de l’homme, pourvu qu’il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans1.

6. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Vigny 1799-1863 » pp. 530-539

Il poursuit près des eaux le jasmin des Florides, La nonpareille2 au fond de ses chastes prisons, Et la fraise embaumée au milieu des gazons3. […] Sa tête nonchalante, en arrière appuyée, Se cache dans la plume au soleil essuyée : Son poitrail est lavé par le flot transparent, Comme un écueil où l’eau se joue en expirant ; Le duvet qu’en passant l’air dérobe à sa plume Autour de lui s’envole, et se mêle à l’écume ; Une aile est son coussin, l’autre est son éventail ; Il dort, et de son pied le large gouvernail Trouble encore, en ramant, l’eau tournoyante et douce, Tandis que sur ses flancs se forme un lit de mousse De feuilles et de joncs, et d’herbages errants, Qu’apportent près de lui d’invisibles courants2. II Le combat Ainsi, près d’Aboukir3, reposait ma frégate ; A l’ancre, dans la rade, en avant des vaisseaux, On voyait de bien loin son corset4 d’écarlate   Se mirer dans les eaux. […] Je les fis mettre en mer à bord d’une chaloupe, Hors de notre eau tournante et de son tourbillon, Et je revins, tout seul, me coucher sur la poupe,   Au pied du pavillon1. La Sérieuse alors semblait à l’agonie ; L’eau dans ses cavités bouillonnait sourdement ; Elle, comme voyant2 sa carrière finie,   Gémit profondément.

7. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Soit que ce soit en levant les bondes (des) digues, soit par quelque machine plus délicate, enfin vous avez mis cet étang à sec, et il vous redemande ses eaux. Que m’importe, ô grande rivière qui regorges de toutes parts, en quelles manières et par quels détours ses eaux ont coulé en ton sein ? […] On se console pourtant, parce que, de temps en temps, on rencontre des objets qui nous divertissent, des eaux courantes, des fleurs qui passent. […] Toujours entraîné, tu approches du gouffre affreux : déjà tout commence à s’effacer, les jardins moins fleuris, les fleurs moins brillantes, leurs couleurs moins vives, les prairies moins riantes, les eaux moins claires : tout se ternit, tout s’efface. […] Nous lisons dans La Bruyère : « Laissez faire Ergaste, et il exigera un droit de tous ceux qui boivent de l’eau de la rivière ou qui marchent sur la terre ferme.

8. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Diderot, 1713-1784 » pp. 303-312

quelles eaux ! […] On entend craquer les flancs d’un vaisseau qui s’entr’ouvre ; ses mâts sont inclinés, ses voiles déchirées : les uns, sur le pont, ont les bras levés vers le ciel ; d’autres se sont élancés dans les eaux. […] Les eaux tranquilles, aplanies et riantes, s’étendent en perdant insensiblement de leur transparence, et s’éclairent graduellement à la surface, depuis le rivage jusqu’où2 l’horizon confine avec le ciel. […] comme les nuages marchent, se meuvent, et reflètent ainsi dans les eaux la teinte de leurs couleurs ! […] Figure humaine de tous les âges, de tous les états, de toutes les nations : arbres, animaux, paysages, marines, perspectives ; toute sorte de poésie, rochers imposants, montagnes, eaux dormantes, agitées, précipitées ; torrents, mers tranquilles, mers en fureur ; sites variés à l’infini ; fabriques grecques, romaines, gothiques ; architectures civile, militaire, ancienne, moderne ; ruines, palais, chaumières ; constructions, gréements, manœuvres, vaisseaux ; cieux, lointains, calme, temps orageux, temps serein ; ciel de diverses saisons, lumières de diverses heures du jour ; tempêtes, naufrages, situations déplorables, victimes et scènes pathétiques de toute espèce ; jour, nuit, lumières naturelles, artificielles, effets séparés on confondus de ces lumières, aucune de ses scènes accidentelles qui ne fit seule un tableau précieux. » 1.

9. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

Des torrents écumeux se précipitaient le long des flancs de cette montagne ; le fond de ce bassin était devenu une mer ; le plateau où sont assises les cabanes, une petite île ; et l’entrée de ce vallon, une écluse par où sortaient pêle-mêle, avec les eaux mugissantes, les terres, les arbres et les rochers. […] Pensées sur lui-même Enfin, j’ai tiré de l’eau de mon puits ; depuis six ans, j’ai jeté sur le papier bien des idées qui demandent à être mises en ordre. […] Le bruit des eaux, des bois, de la foudre et des vents, qui tombent et se brisent contre les rochers ébranlés et fracassés ; les cris et les hurlements des hommes et des animaux, pêle-mêle emportés dans un tourbillon de sable, de pierres et de débris, tout semble annoncer les dernières convulsions et l’agonie de la nature. » On devra étudier aussi le récit d’une tempête que subit Bernardin aux environs de Madagascar, et qu’il raconte à un ami dans une lettre, sans préoccupation littéraire. […] Rencontre d’un site assez remarquable pour sa sauvagerie : le chemin descend par une pente subite dans un petit ravin où coule un petit ruisseau sur un fond d’ardoise, qui donne à ses eaux une couleur noirâtre, désagréable d’abord, mais qui cesse de l’être quand on a observé son harmonie avec les troncs noirs des vieux chênes, la sombre verdure des lierres, et son contraste avec les jambes blanches et lisses des bouleaux. […] « Égaré dans un labyrinthe de tertres mouvants et semblables entre eux, le guide déclare qu’il ne reçonnait plus sa route ; pour dernière calamité, dans la rapidité de notre course, nos outres remplies d’eau s’écoulent.

10. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

L’eau et les arbres ne le laissent jamais manquer de frais et de vert. […] Il mangeait beaucoup et buvait peu, quand on ne le forçait pas, et jamais de vin sans eau. […] Lorsque le docteur eut ordonné de fréquentes et copieuses saignées, il dit qu’il fallait aussi donner au chanoine de l’eau chaude à tout moment, assurant que l’eau bue en abondance pouvait passer pour le véritable spécifique1014 contre toutes sortes de maladies. […] Une heure après, nous réitérâmes ; puis, retournant encore de temps en temps à la charge, nous versâmes dans son estomac un déluge d’eau. […] La Suède ressemblait à un fleuve dont on coupait les eaux dans sa source, pendant qu’on les détournait dans son cours.

11. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Eugénie de Guérin , 1805-1848. » pp. 578-584

Ces jolis chants et le lavage de fontaine1 me donnaient à penser diversement ; les oiseaux me faisaient plaisir, et, en voyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. […] Que la vase retombe au fond, et puis que l’eau coule, pas plus tôt. […] Nous avons un lavoir, que tu n’as pas vu, à la Moulinasse, assez grand et plein d’eau, qui embellit cet enfoncement et attire les oiseaux qui aiment le frais pour chanter. » Terminons par cette esquisse : « Ce soir au crépuscule. — J’écris d’une main fraîche, revenant de laver ma robe au ruisseau. C’est joli de laver, de voir passer des poissons, des flots, des brins d’herbe, des feuilles, des fleurs tombées, de suivre cela et je ne sais quoi an fil de l’eau.

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