Lorsque l’académie adopta enfin l’orateur dont elle avait tant de fois couronné ce que Voltaire appelait si plaisamment du galithomas, mot nouveau créé pour exprimer un nouveau genre de galimatias inconnu jusqu’alors, le récipiendaire prit pour sujet de son discours l’homme de lettres citoyen. […] Que Caton prêt à mourir, que Socrate buvant la ciguë, te lisent, et pardonnent à l’injustice des hommes, etc. » (Discours à l’académie).
Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n’ont que la vanité et le mensonge : mais la violence et la vérité ne peuvent rien l’une sur l’autre.
Mais ce n’est point encore là une définition entière et complète de ce qu’on appelle régime dans le discours. […] En voici des exemples : = À la lecture de ce discours, on reconnaît le plus éloquent de nos orateurs. […] Il s’emploie aussi pour donner plus de force et d’énergie au discours ; et alors on le met après le substantif, ou le pronom. […] Ce sont là des inversions élégantes, qui donnent de la grâce au discours. […] Il faut avoir soin de n’employer le pléonasme, que quand il doit donner au discours, ou plus de grâce, ou plus de netteté, ou plus d’énergie.
Outre cet auteur et quelques autres que nous avons indiqués dans nos extraits de prose comme devant être consultés sur lui, nous signalerons La Harpe dans différentes parties de son Cours de littérature ; Ducis, discours de réception à l’Académie française (il y fut le successeur de Voltaire) ; Fontanes, discours préliminaire, celui qui précède sa traduction de l’Essai sur l’homme de Pope, etc. […] Ce discours arrache toujours des larmes. »
Car tout ne fut pas également indispensable dans le travail d’épuration auquel se livrèrent les écoles, les salons ou les Académies qui passèrent au crible les éléments du discours. […] A cette heure d’adolescence, la parole était moins posée, moins stricte : on ne mettait pas les points sur les i ; j’entends par là qu’on allait au plus pressé, sans trop se soucier des entraves qui ralentissent le débit, ou embarrassent l’action du discours. […] L’usage a préféré par consequent à par conséquence, et en conséquence à en conséquent, travailler à ouvrer, conduire à duire, faire du bruit à bruire, injurier à vilainer, piquer à poindre ; et dans les noms, pensées à pensers, un si beau mot et dont le vers se trouvait si bien, grandes actions à prouesses, louanges à loz, méchanceté à mauvaistié, porte à huis, navire à nef, armée à ost, monastère à moutier, prairies à prées, … tous mots qui pouvaient durer ensemble d’une égale beauté, et rendre une langue plus abondante… Si nos ancêtres ont mieux écrit que nous, ou si nous l’emportons sur eux par le choix des mots, par le tour et l’expression, par la clarté et la brièveté du discours, c’est une question souvent agitée, toujours indécise. » Ce plaidoyer n’est point une boutade, et l’usage lui a même donné raison, puisqu’il a repris plusieurs des mots cités par Labruyère comme ayant alors disparu. […] Tout en rendant justice à l’instinct de simplicité que manifeste en mainte occasion l’idiome du bon vieux temps, par exemple dans la formation des verbes, nous ne serons pourtant pas tentés de retrancher les préfixes qui, aujourd’hui, déterminent les nuances particulières du sens, et contribuent à la clarté du discours. […] Aussi, les vraies fautes de français sont-elles les maladresses qui rendent le discours pénible ou obscur.
. — C’est par les discours et par les actions que l’on fait connaître les mœurs et les caractères. […] Quels doivent être les discours dans le poème épique ? […] C’est ce qu’a fait Milton dans le discours de Satan aux auges rebelles. Ces discours doivent être fondés sur un raisonnement juste, solide et pressant. […] Tel est le discours que prononce Turnus, roi des Rutules, pour combattre l’avis de Latinus, qui veut faire la paix avec les Troyens.
Mais avant d’entrer dans le détail de ces discours, il est indispensable de faire connaître les héros qui en étaient l’objet, et c’est Bossuet lui-même qui va nous en tracer le parallèle. […] Toutes les fois qu’il avait à parler de ses actions, et même dans les relations qu’il envoyait à la cour, il vantait les conseils de l’un, la hardiesse de l’autre ; chacun avait son rang dans ses discours ; et parmi ce qu’il donnait à tout le monde, on ne savait où placer ce qu’il avait fait lui-même.
On appelle vers, dans la plus grande étendue du sens, un discours partagé en groupes de mots et de syllabes, suivant une certaine cadence ou mesure déterminée par l’usage. […] On vient de voir les différentes formes du discours mesuré, les règles générales qui regardent le mécanisme des vers et qu’il faut observer pour être un bon et agréable versificateur.
Mais elle va devenir tout-à-coup éloquente et sérieuse, lorsque retentit la voix du Tiers-État dans le discours de d’Aubray, l’Ariste de la pièce, le chef des politiques, ce vrai patriote qui, réfutant tous les sophismes, démasquant tous les mensonges, domine un odieux charivari par sa raison, sa droiture et l’autorité d’un Démosthène bourgeois, aussi honnête qu’habile. […] Tout est sain, franc, naturel et pathétique dans ce discours qui semble un écho de l’antique forum, et réduit aux abois les passions d’une meute affolée.
« En changeant la forme du discours, on modifie le sentiment, et on le rend avec plus de vivacité. […] Ainsi le commencement du discours de Pacuvius à son fils Perolla dans Tite-Live : « Per ego te, fili, quæcumque jura liberos jungunt parentibus… etc. » C’est assez dire que la synchyse est presque inadmissible dans les langues analytiques. […] C’est à eux que s’adresse Quintilien au livre IX : « Cependant je n’approuve pas, dit-il, le scrupule de ceux qui veulent que le nom marche toujours avant le verbe, le verbe avant l’adverbe, le substantif avant l’adjectif et le pronom ; car souvent le contraire a beaucoup de grâce. » Les Latins croyaient donc aussi à l’ordre naturel ; s’ils s’en écartaient, ce n’était point par raison, mais pour ajouter de la grâce au discours ; et de ceux-là du moins l’on ne peut dire ce que l’on a dit des rhéteurs modernes qui partagent notre opinion, qu’ils sont entrainés par l’habitude de la construction française.