Une prosopopée classique est celle de Rousseau, dans son Discours sur les arts et les lettres : « O Fabricius ! […] Souvent, comme Socrate, il emprunte ses rapprochements aux arts, aux métiers, aux détails familiers de la vie. […] Nous y a-t-on vus exciter les passions du peuple par des discours bien féroces et des motions bien incendiaires ; le flatter pour usurper sa faveur, et le précipiter dans un abîme de misères, en le poussant à des excès destructeurs du commerce, des arts et de l’industrie ?
L’art de bien décrire ce lieu est une partie considérable du mérite de la pastorale. […] Cet esprit peut même être orné de certaines connaissances, mais toutes relatives à l’art champêtre, à la culture des terres et des fruits, aux maladies des troupeaux, à la qualité des pâturages, à l’influence des vents et des astres. […] Le caractère et le style de la pastorale sont bien tracés par Boileau dans son Art poétique.
» On ne séparait point autrefois deux sciences qui, par leur nature, sont inséparables : le philosophe et l’orateur possédaient en commun l’empire de la sagesse ; ils entretenaient un heureux commerce, une parfaite intelligence entre l’art de bien penser et celui de bien parler ; et l’on n’avait pas encore imaginé cette distinction injurieuse aux orateurs, ce divorce funeste à l’éloquence, des expressions et du sentiment, de l’orateur et du philosophe ». […] C’est là qu’il pèse scrupuleusement jusques aux moindres expressions, dans la balance exacte d’une juste et savante critique : c’est là qu’il ose retrancher tout ce qui ne présente pas à l’esprit une image vive et lumineuse ; qu’il développe tout ce qui peut paraître obscur à un auditeur médiocrement attentif ; qu’il joint les grâces et les ornements â la clarté et à la pureté du dicours ; qu’en évitant la négligence, il ne fuit pas moins l’écueil également dangereux de l’affectation ; et que, prenant en main une lime savante, il ajoute autant de force à son discours, qu’il en retranche de paroles inutiles ; imitant l’adresse de ces habiles sculpteurs qui, travaillant sur les matières les plus précieuses, en augmentent le prix à mesure qu’ils les diminuent, et ne forment les chefs-d’œuvre les plus parfaits de leur art, que par le simple retranchement d’une riche superfluité ».
Aristote trouve ici un commentateur inattendu : « La vérité du théâtre et le rigorisme du vêtement sont-ils aussi nécessaires à l’art qu’on le suppose ? […] Cette correction dans la représentation de l’objet inanimé, est l’esprit des arts de notre temps : elle annonce la décadence de la haute poésie et du vrai drame, etc. » (Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, IVe vol., 1802.)
Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers, Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers, etc. […] Cette rime était bonne au dix-septième siècle, pour l’oreille comme pour les yeux, à raison de la prononciation semblable des deux mots françois et lois. — Voyez la citation dans le premier chant de l’Art poétique.
Peu de matière et beaucoup d’art, voilà le secret de son talent. […] Remarquez-y l’art de choisir les détails qui préparent l’aventure sombre, et rendent les craintes vraisemblables jusqu’au dénoûment plaisant qui est un éclat de rire.
Moraliste pénétrant, il excelle aussi dans l’art de peindre les traits d’un caractère et d’un esprit. […] Son style serré, savant et fin unit la correction à l’agrément, l’art des nuances à la solidité, l’ingénieux au judicieux.
C’est ainsi que, dans les idées des anciens, et particulièrement d’Aristote, toute obligation et toute rétribution attachée à la pratique d’un art le rend par cela même βάναυσον, c’est-à-dire indigne d’un homme libre. […] Remarquez la justesse élégante de cette observation d’Aristote, qui se rencontre avec Horace, Art poétique, v. 193 et suiv.
On attribuait autrefois beaucoup de valeur au sonnet ; tout le monde sait le jugement qu’en porte Boileau dans son Art poétique, et qui se termine par ce vers : Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème. […] Les mains d’un artisan71, au labeur obstinées, D’un pénible travail font en plusieurs années Un portrait qui ne peut ressembler qu’un instant ; Mais toi, peintre brillant, d’un art inimitable Tu fais sans nul effort un ouvrage inconstant, Qui ressemble toujours et n’est jamais semblable.
Toutefois, bien qu’il ait « placé sa fortune en viager1 », on ne saurait lui refuser la grâce, le caprice, l’étincelle, le don de l’à-propos, l’art de rendre des riens agréables. […] Cette même tête qui nous a enfanté Pallas armée nous la rendra avec son olive paisible, douce, savante, et suivie de tous les arts qui marchent d’ordinaire avec elle.