Les arbres se desséchèrent ; et l’on vit disparaître pour toujours ces régions enchantées, plus heureuses de n’avoir plus de quoi corrompre leurs habitants, que d’avoir fourni à ces hommes abominables l’abondance et les délices. » L’exemple suivant est tiré de l’épître de Boileau sur le passage du Rhin b, par l’armée de Louis XIV.
Une armée en marche est, sous ses pinceaux, un feu dévorant, qui poussé par les vents, consume la terre devant lui .
Il recommande de ne pas recourir à des preuves vagues et communes à plusieurs sujets ; comme, par exemple, de louer Achille de ce que sa naissance l’élève au rang des demi-dieux, de ce qu’il est un des capitaines qui firent le siége de Troie, parce que tout cela lui est commun avec beaucoup d’autres ; mais d’employer des preuves propres et particulières au sujet que l’on traite, comme de faire un mérite au même Achille d’avoir tué Hector, le plus vaillant des Troyens, et ce fameux Cycnus qui eut la gloire d’empêcher lui seul toute l’armée des Grecs de débarquer sur le rivage, et d’avoir fait d’autres choses semblables qui n’appartiennent qu’à lui seul. […] Cicéron n’ignorait pas que Pompée désirait que Milon fût condamné, et que, le jour du jugement de cette cause célèbre, c’était lui qui avait disposé la force armée autour du tribunal, pour intimider les juges.
Une naissance auguste, un air d’empire et d’autorité, un visage qui remplisse la curiosité des peuples empressés de voir le prince6, et qui conserve le respect dans le courtisan ; une parfaite égalité d’humeur ; un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou assez de raison pour ne se la permettre point1 : ne faire jamais ni menaces ni repròches ; ne point céder à la colère, et être toujours obéi ; l’esprit facile, insinuant ; le cœur ouvert, sincère, et dont on croit voir le fond, et ainsi très-propre à se faire des amis, des créatures et des alliés ; être secret toutefois, profond et impénétrable dans ses motifs et dans ses projets ; du sérieux et de la gravité dans le public ; de la brièveté, jointe à beaucoup de justesse et de dignité, soit dans les réponses aux ambassadeurs des princes, soit dans les conseils ; une manière de faire des grâces2 qui est comme un second bienfait ; le choix des personnes que l’on gratifie ; le discernement des esprits, des talents et des complexions3, pour la distribution des postes et des emplois ; le choix des généraux et des ministres ; un jugement ferme, solide, décisif dans les affaires, qui fait que l’on connaît le meilleur parti et le plus juste ; un esprit de droiture et d’équité qui fait qu’on le suit jusqu’à prononcer quelquefois contre soi-même en faveur du peuple, des alliés, des ennemis ; une mémoire heureuse et très-présente qui rappelle les besoins des sujets, leurs visages, leurs noms, leurs requêtes ; une vaste capacité qui s’étende non-seulement aux affaires de dehors, au commerce, aux maximes d’État, aux vues de la politique, au reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces, et à leur sûreté par un grand nombre de forteresses inaccessibles ; mais qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails4 de tout un royaume ; qui en bannisse un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté, s’il s’y rencontre ; qui abolisse des usages cruels et impies5, s’ils y règnent ; qui réforme les lois et les coutumes6, si elles étaient remplies d’abus ; qui donne aux villes plus de sûreté et plus de commodités par le renouvellement d’une exacte police, plus d’éclat et plus de majesté par des édifices somptueux ; punir sévèrement les vices scandaleux ; donner, par son autorité et par son exemple, du crédit à la piété et à la vertu ; protéger l’Église, ses ministres, ses droits, ses libertés1 ; ménager ses peuples comme ses enfants2 ; être toujours occupé de la pensée de les soulager, de rendre les subsides légers, et tels qu’ils se lèvent sur les provinces sans les appauvrir ; de grands talents pour la guerre ; être vigilant, appliqué, laborieux ; avoir des armées nombreuses, les commander en personne ; être froid dans le péril3, ne ménager sa vie que pour le bien de son État, aimer le bien de son État et sa gloire plus que sa vie ; une puissance très-absolue, qui ne laisse point d’occasion aux brigues, à l’intrigue et à la cabale ; qui ôte cette distance infinie4 qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche, et sous laquelle tous plient également ; une étendue de connaissances qui fait que le prince voit tout par ses yeux, qu’il agit immédiatement par lui-même, que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres ; une profonde sagesse qui sait déclarer la guerre, qui sait vaincre et user de la victoire, qui sait faire la paix, qui sait la rompre, qui sait quelquefois, et selon les divers intérêts, contraindre les ennemis à la recevoir ; qui donne des règles à une vaste ambition, et sait jusqu’où l’on doit conquérir ; au milieu d’ennemis couverts ou déclarés, se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles ; cultiver les arts et les sciences, former et exécuter des projets d’édifices surprenants ; un génie enfin supérieur et puissant qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers ; qui fait d’une cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille unie parfaitement sous un même chef, dont l’union et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde.
Le chœur des saints Rois, David à leur tête, le glorieux collége des Apôtres, présidé par Pierre, et s’élançant à la conquête du monde, la blanche assemblée des Vierges, l’héroïque armée des Confesseurs et des Martyrs vêtus de robes éclatantes, nous offriraient aussi leur merveilleux.
C’est là qu’on voit se développer cet art, qu’il possédait si éminemment, de manier l’arme de la parole, cet art d’ordonner un discours comme si l’on rangeait une armée en bataille, de rassembler, de distribuer ses forces, de les employer à propos après les avoir ménagées : de prendre un poste avantageux, de s’y tenir comme dans un fort, præmunitum atque ex omni parte causæ septum (de Orat. lib. […] Mais qu’y a-t-il, dans l’antiquité profane, de comparable au tendre Jérémie déplorant les maux de son peuple ; ou à Nahum voyant de loin en esprit tomber la superbe Ninive sous les efforts d’une armée innombrable ? On croit voir cette armée, on croit entendre le bruit des armes et des chariots : tout est dépeint d’une manière vive qui saisit l’imagination. […] Si pourtant ces licences pouvaient quelquefois se permettre, voici une occasion où Mézeray, dans sa grande histoire, semble obtenir grâce pour cette hardiesse approuvée chez les anciens ; il est égal à eux pour le moins dans cet endroit : c’est au commencement du règne de Henri IV, lorsque ce prince, avec très-peu de troupes, était pressé auprès de Dieppe, par une armée de trente mille hommes, et qu’on lui conseillait de se retirer en Angleterre. […] Rien n’est si simple que ce vers : Madame, j’ai reçu des lettres de l’armée ; Mais le moment où Roxane prononce ces paroles fait trembler.
Jephté est vainqueur, l’armée victorieuse rentre dans Israël en chantant des hymnes de reconnaissance envers Dieu.
Rapprochez cette page de Massillon (Panégyrique de Saint Louis) : « A la tête des armées, ce n’était plus ce roi pacifique, accessible à ses sujets, assis sous le bois de Vincennes avec une affabilité que la simplicité du lieu rendait encore plus respectable ; réglant les intérêts des familles, réconciliant les pères avec les enfants, démêlant les passions de l’équité, assurant les droits de la veuve et de l’orphelin, paraissant plutôt un père au milieu de sa famille qu’un roi à la tête de ses sujets, entrant dans des détails dont des subalternes se seraient crus déshonorés, et ne trouvant indigne d’un prince et indécent à la majesté des rois que d’ignorer les besoins de leurs peuples.
La chanson patriotique, nationale ou guerrière, est celle qui célèbre les gloires de la patrie, les hauts faits des grands capitaines, les victoires de l’armée.
Une armée en marche est, sous ses pinceaux, un feu dévorant qui, poussé par les vents, consume la terre devant lui .