Là, votre pruderie et vos éclats de zèle Ne furent pas cités comme un fort bon modèle ; Cette affectation d’un grave extérieur, Vos discours éternels de sagesse et d’honneur, Vos mines4 et vos cris aux ombres d’indécence Que d’un mot ambigu peut avoir l’innocence, Cette hauteur d’estime où vous êtes de vous, Et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous, Vos fréquentes leçons et vos aigres censures5 Sur des choses qui sont innocentes et pures, Tout cela, si je puis vous parler franchement, Madame, fut blâmé d’un commun sentiment. […] Vos livres éternels ne me contentent pas ; Et, hors un gros Plutarque à mettre mes rabas, Vous devriez brûler tout ce monde inutile, Et laisser la science aux docteurs de la ville ; M’ôter, pour faire bien, du grenier de céans Cette longue lunette à faire peur aux gens, Et cent brimborions dont l’aspect importune ; Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune, Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous, Où nous voyons aller tout sens dessus dessous. […] La fresque Et toi, qui fus jadis la maîtresse du monde, Docte et fameuse école en raretés féconde, Où les arts déterrés ont, par un digne effort, Réparé les dégâts des barbares du Nord ; Source des beaux débris1 des siècles mêmorables, O Rome, qu’à tes soins nous sommes redevables De nous avoir rendu, façonné de ta main, Le grand homme, chez toi, devenu tout Romain2, Dont le pinceau célèbre avec magnificence De ses riches travaux vient parer notre France, Et dans un noble lustre y produire à nos yeux Cette belle peinture, inconnue en ces lieux, La fresque, dont la grâce, à l’autre3 préférée, Se conserve un éclat d’éternelle durée, Mais dont la promptitude et les brusques fiertés Veulent un grand génie à toucher ses beautés4 !
. — Je suppose que c’est ici votre dernière heure et la fin de l’univers… — Puis, à sa voix prophétique, la voûte du temple se déchire, les cieux s’entr’ouvrent, Jésus-Christ apparait dans toute sa gloire, les sept trompettes retentissent, et la sentence de grâce ou de mort éternelle plane au-dessus de cette petite troupe qui se serre d’effroi sur les débris de l’univers écroulé. […] Je suppose donc que c’est ici votre dernière heure et la fin de l’univers ; que les cieux vont s’ouvrir sur vos têtes ; que Jésus-Christ va paraître dans sa gloire au milieu de ce temple, et que vous n’y êtes assemblés que pour l’attendre comme des criminels tremblants, à qui l’on va prononcer une sentence de grâce ou un arrêt de mort éternelle ; car vous avez beau vous flatter : vous mourrez tels que vous êtes aujourd’hui.
Ce n’est pas que je blâme le pittoresque dans la description ; loin de là ; je ne condamne que l’abus ; mais je crois aussi qu’elle ne va réellement au cœur de l’homme, qu’autant qu’on y introduit l’homme ; c’est l’éternelle devise de Poussin : Et in Arcadia ego. […] Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ; Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers encor témoins de sa victoire : Tous ces yeux qu’on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards… Dans le sac de Troie, Andromaque ne voit que Pyrrhus, le suit partout des yeux, et à mesure qu’elle le suit, les objets se lèvent en quelque sorte, mais vagues et confus, autour du meurtrier d’Hector, dont les traits seuls sont fermes et bien accusés : Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et de sang tout couvert, échauffant le carnage.
Et n’y aura-t-il dans toute ma course de sérieux que le dernier moment qui la terminera, et qui décidera de mes destinées éternelles ? […] Aussi la joie qu’il en témoigna fut mêlée de surprise. « Père éternel ! […] On est fâché de voir la devise de l’immortalité à la tète de tant de déclamations, qui n’annoncent rien d’éternel que l’oubli auquel elles sont condamnées. […] Pour Virginie, d’un port noble et assuré, elle nous faisait signe de la main, comme nous disant un éternel adieu. […] C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue.
.), gracieux, mais courts et maigres ; enfin un théâtre déjà suranné, produit et image des temps qui finissaient, mais d’ailleurs toujours goûté, et répondant, faute de mieux, à cet éternel besoin de la représentation et de l’illusion dramatique qui a été, dans tous les temps, un des caractères et une des passions de l’esprit français, et qui faisait applaudir, dans lu première moitié du xvie siècle, les soties, farces et moralités de Pierre Gringoire (mort en 1534), et au lendemain de l’interdiction des Mystères, l’Abraham sacrifiant, offert par Theodore De Beze aux réfugiés français de Genève. […] Ou, s’il le veut permettre, as tu pas ce confort, Que tu mourras afin de revivre en ta mort ; Et que, fermant les yeux aux tenebres mortelles, Tu les viendras ouvrir aux clartés éternelles ? […] Byron s’inspira de lui, Goethe fut bien aise de reprocher au goût français l’oubli où il était tombé, et signala à radmiration de l’Europe celui que ses compatriotes n’admiraient et ne connaissaient même plus. — Depuis que Sainte-Beuve l’a remis en lumière en 1828 (Tableau de la Poésie française au xvie siècle), ses bizarreries grotesques : le soleil, « grand duc des chandelles », les vents, « postillons d’Eole » (dès le quatrième vers de la Création), Dieu, « archer du tonnerre » et « grand maréchal de camp », les monts, « enfarinés de neige éternelle », — j’en passe et des moins bonnes, — toutes ces « vilaines et sales métaphores » que lui reprochait le cardinal du Perron, lui ont peut-être fait plus tort que ses qualités ne lui ont fait honneur. […] Ja la terre se perd, ja Nerée est sans marge, Les fleuves ne vont plus se perdre en la mer large ; Eus-même sont la mer ; tant d’occans divers Ne font qu’un océan ; même cet univers N’est rien qu’un grand étang qui veut joindre son onde Au demeurant des eaus qui sont dessus le monde… Tandis la sainte Nef sur l’échine azurée375 Du superbe océan navigoit asseurée, Bien que sans mât, sans rame, et loin, loin de tout port, Car l’Eternel étoit son pilote et son nort. […] Le ciel, pour appaiser ces étranges discords, A fait venir la mort cependant qu’il sommeille, Qui d’un somme éternel a fait dormir son corps Afin que son esprit plus à son aise veille528.
Elle nous vient de l’antiquité, et Platon en est resté l’éternel modèle. […] Voici un modèle en ce genre ; c’est le portrait d’Ibrahim dans l’exposition de Bajazet, que Boileau admirait tant : L’imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance, Traine, exempt de périls, une éternelle enfance ; Indigne également de vivre et de mourir, On l’abandonne aux mains qui daignent le nourrir.
Que la littérature classique reste donc comme l’exemplaire éternel du beau dans l’art ! […] Rendez-moi le soleil de la Grèce, les jeux, les combats des héros, ces temples où l’homme vouait un culte à son image divinisée par le ciseau d’un Phidias ; rendez-moi les sages se complaisant dans leur sagesse, et s’étudiant à se mettre par la force de leur âme au-dessus des accidents de la fortune et de la colère du ciel ; un Platon pénétrant jusque dans le sanctuaire des idées éternelles ; un Aristote embrassant dans sa vaste science la morale, la politique, tous les secrets de l’art et de la nature ; un Caton disposant de sa vie pour échapper à l’oppression ; un Socrate buvant la ciguë d’une âme calme et sereine, bien sûr que s’il y a des dieux, ce sont des dieux bons ; rendez-moi toutes les illusions, toutes les chimères du monde antique, si vous n’avez rien à mettre à la place qu’une sèche et désespérante anatomie des petitesses du cœur !
Voilà comme une théorie exclusivement attachée à la pratique des anciens veut réduire le génie à l’éternelle servitude d’une étroite imitation. » (Marmontel, au mot Règles.
Nous citerons comme modèles de style énergique la peinture de la puissance de Dieu dans le livre de Job : Ubi eras quando ponebam…, et dans Esther : L’Éternel est son nom… ; les stances de Malherbe sur la vanité des grandeurs de ce monde : N’espérons plus, mon âme… ; les beaux vers de Lamartine sur la résignation du juste accablé de maux : Je ressemble, Seigneur, au globe de la nuit…, et ce passage du sermon de Massillon sur le petit nombre des élus : Tout change, tout s’use, tout s’éteint : Dieu seul demeure toujours le même. Le torrent des siècles, qui entraîne tous les hommes, coule devant ses yeux ; il y voit avec indignation de faibles mortels, emportés par ce cours rapide, l’insulter en passant, vouloir faire de ce seul instant tout leur bonheur, et tomber au sortir de là entre les mains éternelles de sa colère et de sa justice. […] Dieu se lève, il s’élance, il abaisse la voûte De ses cieux éternels ébranlés sous ses pas.
Qu’ils sont beaux les pieds de ces hommes qu’on voit arriver du haut des montagnes, apporter la paix, annoncer les biens éternels, prêcher le salut, et dire : O Sion ! […] Dieu seul est toujours le même, et ses années ne finissent point ; le torrent des âges et des siècles coule devant ses yeux ; et il voit avec un air de vengeance et de fureur de faibles mortels, dans le temps même qu’ils sont entraînés par le cours fatal, l’insulter en passant, profiter de ce seul moment pour déshonorer son nom, et tomber au sortir de là entre les mains éternelles de sa colère et de sa justice. » Massillon a présenté deux fois la même idée à peu près dans les mêmes termes, dans un des sermons du Grand Carême, et dans le Discours prononcé une bénédiction des drapeaux du régiment de Catinat.