Quand on entre dans cette ville qui surgit d’un désert de sables, quand on se promène pour la première fois dans ces rues larges et bien alignées, où chaque maison est comme un palais, on éprouve une impression de grandeur. Mais lorsque cette impression est dissipée et qu’on regarde avec attention, on ne trouve plus un seul beau monument dans cette ville si belle. L’ensemble frappe, et rien n’attache : c’est une ville d’hier, qu’un grand homme a jetée dans l’espace sur de vastes proportions pour un magnifique avenir ; mais cet avenir n’est pas encore venu2. […] La tête immobile sur mon sac de paille, je roule en mon esprit les redoutables problèmes que je porte avec moi depuis tant d’années3, et je ne me réveille de ces méditations confuses4, qu’à la vue de Dresde, sur le pont élégant et léger qui joint les deux parties de la ville, et d’où j’ai sous les yeux le cours sinueux de l’Elbe ; en face les montagnes de Pilnitz, qui bornent l’horizon ; à gauche, les jardins du comte de Brüll, la terrasse, le belvédère ; à droite, le gracieux vaisseau de l’Église catholique5.