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95. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « PRÉFACE. » pp. -12

Trente ans de ma vie se sont écoulés dans les fonctions de professeur de rhétorique. […] Combien de fois n’ai-je pas retrouvé, dans la vie, d’anciens élèves, devenus hommes, qui se rappelaient et me rappelaient avec délices non pas les récréations et les plaisirs, mais les leçons et les travaux de la rhétorique ? […] Ce que j’aime en un traité de ce genre, c’est une méthode régulière, mais se détournant à dessein en quelques digressions rapides, et s’écartant, sans s’égarer, des limites rigoureuses ; c’est l’exposition des préceptes consacrés, mais en les expliquant, en les modernant, comme disent les architectes, en donnant toujours le cui bono actuel, en présentant une causerie avec des lecteurs, plutôt qu’une dictée à des élèves ; c’est un style didactique, sans doute, mais animé quand le sujet le comporte, fleuri avec réserve, et qui garde cette couleur individuelle, seul moyen de donner du relief et de la vie aux produits de l’art. […] Et quand enfin, éclairés par la théorie et fortifiés par la pratique, vous arriverez à la vie active et militante, ne faites pas alors de vos études métier et marchandise, que la plume et la parole ne soient jamais pour vous un instrument d’échange et de commerce, ou une arme d’ambition, de cupidité et d’égoïsme. […] Mais acceptez-les, ne les cherchez pas ; ne courez pas à eux, ils viendront à vous ; qu’ils soient dans votre vie un accident, prévu, naturel, mais un accident, jamais le but.

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