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118. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Massillon 1643-1743 » pp. 133-138

Le goût1 On suit un certain penchant de la nature, qui nous faisant trouver en quelques personnes plus de rapport avec nos inclinations, peut-être aussi plus de complaisance pour nos défauts, nous lie à elles, et fait que nous goûtons dans leur société une douceur qui se change en un ennui avec le reste des hommes. […] Voici le remède de cette maladie : « Les âmes justes qui vivent dans l’ordre trouvent dans l’ordre le remède de l’ennui. […] Les jours leur paraissent des moments, parce que tous les moments sont à leurs place : le temps ne leur pèse, pas, parce qu’il a toujours sa destination et son usage ; elles trouvent dans l’arrangement d’une vie uniforme et occupée cette paix et cette joie que les hommes cherchent en vain dans le dérangement et dans une agitation éternelle. » La Bruyère a dit : « L’ennui est entré dans le monde par la paresse ; elle a beaucoup de part à la recherche que font les hommes des plaisirs, du jeu, de la société. […] notre arrêt est prononcé : nos crimes rendent notre condamnation certaine ; on nous laisse encore un jour pour éviter se malheur et changer la rigueur de notre sentence éternelle ; et ce jour unique, et ce jour rapide, nous le passons indolemment en des occupations vaines, oiseuses, puériles ; et ce jour précieux nous est à charge, nous ennuis : nous cherchons comment l’abréger ; à peine trouvons-nous assez d’amusements pour en remplir le vide : nous arrivons au soir sans avoir fait d’autre usage du jour qu’on nous laisse, que de nous être rendus encore plus dignes de la condamnation que nous avions déjà méritée » Carême, iv.

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