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37. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Il n’en est pas de même des historiens latins : leurs harangues sont des morceaux si achevés, dans leur genre, qu’il est impossible de s’y prêter à la moindre illusion, et de ne pas y reconnaître, à chaque mot, l’art étudié de l’orateur, et la correction élégante de l’écrivain qui a mûri toutes ses pensées par la réflexion, choisi et pesé chacune de ses expressions, et donné à ses phrases le tour et l’harmonie qui sont le fruit du travail, et ne se présentent guère à celui qui ne s’est pas fait une étude de les rechercher et de les placer à propos. […] Vos mains n’ont subjugué Tigrane et Mithridate, Votre sang n’a rougi les ondes de l’Euphrate, Que pour enorgueillir d’indignes sénateurs, De leurs propres appuis lâches persécuteurs, Grands, par vos travaux seuls ; et qui, pour récompense, Vous permettaient de loin d’adorer leur puissance. […] Je ne propose point à votre fier courroux Des travaux sans péril, et des meurtres sans gloire : Vous pourriez dédaigner une telle victoire ; À vos cœurs généreux je promets des combats : Je vois vos ennemis expirants sous vos bras. […] Et moi-même (car il faut bien me vanter un peu, à la manière des vieillards), pensez-vous que j’eusse entrepris tant de travaux, consacré tant de veilles laborieuses à la politique ou à l’art militaire, si le terme de ma vie devait être celui de ma gloire ? N’eût-il pas bien mieux valu cent fois abandonner mon existence aux douceurs du loisir et aux charrues du repos, que de la vouer tout entière au travail et à la fatigue ?

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