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61. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Lamartine 1790-1869 » pp. 506-523

Elle nous entraînait partout d’un pas rêveur, Montrait du doigt, de loin, chaque arbre, chaque fleur ; Voulait s’en approcher, les toucher, reconnaître S’ils ne frémiraient pas sous l’œil qui les vit naître ; Voir de combien de mains avaient grandi leurs troncs, Les comparer de l’œil, comme alors, à nos fronts, En froisser une feuille, en cueillir une branche ; Appeler par son nom chaque colombe blanche, Qui, partant de nos pieds pour voler sur les toits, Rappelait à son cœur nos ramiers d’autrefois ; Écouter si le vent dans l’herbe ou la verdure, L’onde dans la rigole, avaient même murmure1 ; Éprouver si le mur de la chère maison Renvoyait aussi tiède au soleil son rayon ; Ou si l’ombre du toit, sur son vert seuil de mousse, Au penchant du soleil s’allongeait aussi douce. […] Tout était encor là, tout à la même place ; Chacun de nos berceaux avait encor sa trace ; Chacun de nous touchait son meuble favori, Et, comme s’il avait compris, jetait un cri. […] Aussi, pauvre animal, quoique à terre couché, Jamais d’un sot dédain mon pied ne t’a touché ; Jamais, d’un mot brutal contristant ta tendresse, Mon cœur n’a repoussé ta touchante caresse.

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