/ 285
70. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Vauvenargues 1715-1747 » pp. 196-198

Les misères cachées La terre est couverte d’esprits inquiets que la rigueur de leur condition et le désir de changer leur fortune tourmentent inexorablement jusqu’à la mort. […] 2, méchant même par principes ; un esprit léger et frivole, qui n’a point de goût décidé ; qui n’éclaire les choses et ne les recherche jamais pour elles-mêmes, mais uniquement selon la considération qu’il y croit attachée, et fait tout par ostentation ; un homme souverainement confiant en lui et dédaigneux, qui méprise les affaires3 et ceux qui les traitent, le gouvernement et les ministres, les ouvrages et les auteurs ; qui se persuade que toutes ces choses ne méritent pas qu’il s’y applique, et n’estime rien de solide que le don de dire des riens ; qui prétend néan-moins à tout, et parle de tout sans pudeur ; en un mot, un fat sans vertus, sans talents, sans goût de la gloire, qui ne prend jamais dans les choses que ce qu’elles ont de plaisant, et met son principal mérite à tourner continuellement en ridicule tout ce qu’il connaît sur la terre de sérieux et de respectable. […] Il disait ailleurs : « La vue d’un animal malade, le gémissement d’un cerf poursuivi dans les bois par les chasseurs, l’aspect d’un arbre penché sur la terre, et traînant ses rameaux dans la poussière, les ruines méprisées d’un vieux bâtiment, la pâleur d’une fleur qui tombe et se flétrit, enfin toutes les images du malheur des hommes réveillent la pitié d’une âme tendre, contentent le cœur, et plongent l’esprit dans une rêverie attendrissante. » 2.

/ 285