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157. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Ravis8 d’une certaine douceur de leurs prétentions infinies, ils s’imagineraient perdre infiniment, s’ils se départaient de leurs grands desseins ; surtout les personnes de condition, qui, étant élevées dans un certain esprit de grandeur, et bâtissant toujours sur les honneurs de leur maison et de leurs ancêtres1, se persuadent facilement qu’il n’y a rien à quoi elles ne puissent prétendre. […] Votre Majesté ne l’ignore pas ; et pour lui dire sur ce fondement ce que je crois être de son obligation précise et indispensable, elle doit, avant toutes choses, s’appliquer à connaître à fond les misères des provinces, et surtout ce qu’elles ont à souffrir sans que Votre Majesté en profite, tant par les désordres des gens de guerre, que par les frais qui se font à lever la taille1, qui vont à des excès incroyables. […] Chacun est jaloux de ce qu’il est, et on aime mieux être aveugle que de connaître son faible ; surtout les grandes fortunes veulent être traitées délicatement ; elles ne prennent pas plaisir qu’on remarque leur défaut : elles veulent que, si on le voit, du moins on le cache. […] Le mot amour est resté féminin, surtout en poésie 5. […] Toutes nos passions sont des flatteuses ; surtout notre amour-propre est un grand flatteur qui ne cesse de nous applaudir, et tant que nous écouterons ce flatteur caché, jamais nous ne manquerons d’écouter les autres ; car les flatteurs du dehors, âmes vénales et prostituées, savent bien connaître la force de cette flatterie intérieure.

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