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19. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Fénelon 1651-1715 » pp. 118-132

Il faut mépriser le monde, et connaître néanmoins le besoin de le ménager ; il faut s’en détacher par religion, mais il ne faut pas l’abandonner par nonchalance et par humeur particulière2 Contre la mollesse Souvenez-vous que la mollesse énerve tout, qu’elle affadit tout, qu’elle ôte leur séve et leur force à toutes les vertus et à toutes les qualités de l’âme, même suivant le monde. […] toi-même qui jouis maintenant d’une jeunesse si vive et si féconde en plaisirs, souviens-toi que ce bel âge n’est qu’une fleur qui sera presque aussitôt séchée qu’éclose : tu te verras changer insensiblement ; les grâces riantes, les doux plaisirs qui t’accompagnent, la force, la santé, la joie s’évanouiront comme un beau songe ; il ne t’en restera qu’un triste souvenir ; la vieillesse languissante et ennemie des plaisirs viendra rider ton visage, courber ton corps, affaiblir tes membres, faire tarir dans ton cœur la source de la joie, te dégoûter du présent, te faire craindre l’avenir, te rendre insensible à tout, excepté à la douleur. […] Gardez-vous bien de dire : « Demain nous irons nous divertir dans un tel jardin. » L’homme d’aujourd’hui ne sera point celui de demain ; celui qui vous promet maintenant, disparaîtra tantôt ; vous ne saurez plus le prendre3 pour le faire souvenir de sa parole.

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