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35. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Mais quand je considère cette infinie multitude de peuples qui attend de leur protection son salut et sa liberté ; quand je vois que, dans un état policé, si la terre est bien cultivée, si les mers sont libres, si le commerce est riche et fidèle, si chacun vit dans sa maison doucement et avec assurance2, c’est un effet des conseils3 et de la vigilance du prince ; quand je vois que, comme un soleil, sa munificence porte sa vertu jusque dans les provinces les plus reculées, que ses sujets lui doivent, les uns leur honneur et leurs charges, les autres leur fortune et leur vie, tous la sûreté publique et la paix, de sorte qu’il n’y en a pas un seul qui ne doive le chérir comme un père : c’est ce qui me ravit, chrétiens ; c’est en quoi la majesté des rois me semble entièrement admirable ; c’est en cela que je les reconnais pour les vivantes images de Dieu, qui se plaît de remplir le ciel et la terre des marques de sa bonté, ne laissant aucun endroit de ce monde vide de ses bienfaits et de ses largesses4. […] Comparez ce fragment du sermon de Jocelyn aux enfants du village : Ne dites pas, enfants, comme d’autres ont dit : « Dieu ne me connaît pas, car je suis trop petit « Dans sa création ma faiblesse me noie ; « Il voit trop d’univers pour que son œil me voie. » L’aigle de la montagne un jour dit au soleil : « Pourquoi luire plus bas que ce sommet vermeil ? […] « La mousse imperceptible est indigne de toi. » « — Oiseau, dit le soleil, viens et monte avec moi… » L’aigle, avec le rayon s’élevant dans la nue, Vit la montagne fondre et baisser à sa vue ; Et, quand il eut atteint son horizon nouveau, A son œil confondu tout parut de niveau. […] dit le soleil, tu vois, oiseau superbe, « Si pour moi la montagne est plus haute que l’herbe, « Rien n’est grand ni petit devant mes yeux géants : « La goutte d’eau me peint comme les océans ; « De tout ce qui me voit je suis l’astre et la vie ; « Comme le cèdre altier l’herbe me glorifie ; « J’y chauffe la fourmi, des nuits j’y bois les pleurs.

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