Recherchons la première source des désordres de la société, nous trouverons que tous les maux des hommes leur viennent de l’erreur bien plus que de l’ignorance, et que ce que nous ne savons point nous nuit beaucoup moins que ce que nous croyons savoir. […] Je m’en formais une société charmante dont je ne me sentais pas indigne ; je me faisais un siècle d’or à ma fantaisie, et, remplissant ces beaux jours de toutes les scènes de ma vie qui m’avaient laissé de doux souvenirs, et de toutes celles que mon cœur pouvait désirer encore, je m’attendrissais jusqu’aux larmes sur les vrais plaisirs de l’humanité, plaisirs si délicieux, si purs, et qui sont désormais si loin des hommes. […] Mais, monsieur, quoique je haïsse souverainement l’injustice et la méchanceté, cette passion n’est pas assez dominante pour me déterminer seule à fuir la société des hommes. […] Je trouve mieux mon compte avec les êtres chimériques que je rassemble autour de moi, qu’avec ceux que je vois ; et la société dont mon imagination fait les frais dans ma retraite achève de me dégoûter de toutes celles que j’ai quittées. […] Je lis ailleurs : « J’aimerais la société comme un autre, si je n’étais sûr de m’y montrer non seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis.