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130. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

La Fontaine, ce charmant auteur, qu’on regarde comme inimitable, a imité, lui-même, les plus célèbres fabulistes anciens, et presque tous les bons écrivains du siècle d’Auguste. […] Il faut choisir un ou plusieurs bons modèles, y distinguer ce qui est véritablement beau, ce qui plaît également dans tous les temps et dans tous les lieux, et n’y prendre que ce qui peut convenir au genre qu’on traite, et aux mœurs du siècle pour lequel on écrit. […] Je ne saurais mieux y réussir qu’en prenant pour guide Aristote, qui en a fait une admirable peinture dans sa rhétorique, le modèle de tous les ouvrages en ce genre ; peinture qui sera vraie dans tous les temps et chez tous les peuples : car il s’agit ici, non de ces caractères, de ces mœurs qui varient dans chaque siècle, dans chaque nation, dans chaque individu, mais de ces caractères généraux, fondés sur la nature, et qui sont comme l’apanage de l’humanité. C’est cette nature, qui est toujours et partout la même, qu’Aristote a parfaitement connue, puisqu’en peignant ses contemporains, il a peint les hommes des siècles postérieurs, et ceux du siècle présent. […] Au lieu donc que la gloire des grands du siècle se termine au tombeau, c’est dans le tombeau que commence la gloire de ce Dieu homme ; c’est, pour ainsi dire, dans le centre de la faiblesse, qu’il fait éclater toute sa force, et jusqu’entre les bras de la mort, qu’il reprend par sa propre vertu, une vie bienheureuse et immortelle ».

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