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91. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voltaire, 1694-1778 » pp. 158-174

Les lettres nourrissent l’âme, la rectifient, la consolent ; elles vous servent, monsieur, dans le temps que vous écrivez contre elles ; vous êtes comme Achille, qui s’emporte contre la gloire, et comme le père Malebranche, dont l’imagination brillante écrivait contre l’imagination. Si quelqu’un doit se plaindre des lettres, c’est moi, puisque dans tous les temps et dans tous les lieux elles ont servi à me persécuter. […] A quoi servirait l’idée d’un Dieu qui n’aurait sur vous aucun pouvoir4 ? […] D’Argenson disait en parlant de Voltaire, âgé de quarante ans (1734) : « Plaise au ciel que la magie de son style n’accrédite pas de fausses opinions et des idées dangereuses ; qu’il ne déshonore pas ce style charmant en prose et en vers, en le faisant servir à des ouvrages dont les sujets soient indignes et du peintre et du coloris, que ce grand écrivain ne produise pas une foule de mauvais copistes, et qu’il ne devienne pas le chef d’une secte à qui il arrivera, comme à bien d’autres, que les sectateurs se tromperont sur les intentions de leur patriarche !  […] Or, disons bien haut que croire à Dieu, l’aimer, l’adorer et le servir est le premier, le plus naturel de nos devoirs.

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