Mais si l’on doit regarder les États comme immortels et y considérer les commodités à venir comme présentes, comptons combien cet homme, qui, dit-on, a ruiné la France, lui a épargné de millions par la seule prise de la Rochelle, laquelle, d’ici à deux mille ans, dans toutes les minorités des rois, dans tous les mécontentements des grands et dans toutes les occasions de révoltes, n’eût pas manqué de se rebeller et nous eût obligés à une éternelle dépense. […] Mais s’il eût manqué au premier, ceux qui crient à cette heure que ç’a été une résolution téméraire, hors de temps1 et au-dessus de nos forces, de vouloir attaquer et abattre celles d’Espagne, n’auraient-ils pas dit qu’il ne fallait pas recommencer une entreprise où trois de nos rois avaient manqué, et à laquelle le feu roi n’avait osé penser ? […] À dire la vérité, ç’a été trop de hardiesse et de violence à vous d’avoir, à l’âge où vous êtes, choqué deux vieux capitaines que vous deviez respecter, quand ce n’eût été que pour leur expérience ; fait tuer le pauvre comte de Fontaine1, qui étoit à ce qu’on dit, un des meilleurs hommes des Flandres, et à qui le prince d’Orange2 n’avoit jamais osé toucher ; pris seize pièces de canon qui appartenoient à un prince, oncle du roi, frère de la reine, et avec qui vous n’aviez jamais eu de différend, enfin mis en désordre les meilleures troupes des Espagnols, qui vous avoient laissé passer avec tant de bonté. […] La France, que vous venez de mettre à couvert de tous les orages qu’elle craignoit, s’étonne qu’à l’entrée de votre vie, vous ayez fait une action dont César eût voulu couronner toutes les siennes, et qui redonne aux rois vos ancêtres autant de lustre que vous en avez reçu d’eux.