Mais il paraissait tout simple alors que ce fussent les rois qui vinssent trouver les philosophes chez eux ; et quelques monarques en ayant en effet donné le dangereux exemple, les philosophes leur prodiguèrent des leçons de dépendance et d’égalité, dont ils se ressouviendront sans doute, pour le repos du monde et le bonheur de leurs états. Ce n’est pas que la philosophie n’ait des droits incontestables aux hommages des princes de la terre ; ils ont besoin de ses lumières, comme elle a besoin de leur appui et de leur protection : mais elle ne doit approcher du trône que pour l’affermir, que pour le rendre plus vénérable ; et je ne vois plus que la sédition raisonnée, dans cette audacieuse philosophie qui, sous prétexte de donner des leçons aux rois, relâche insensiblement tous les liens de la subordination naturelle, et ébranle par conséquent la société dans ses premiers fondements. […] Romains, croyez-en un vieillard qui, depuis quatre-vingts ans, étudie la vertu et cherche à la pratiquer : la philosophie est l’art d’éclairer les hommes pour les rendre meilleurs ; c’est la morale universelle des peuples et des rois, fondée sur la nature et sur l’ordre éternel.