L’invention n’étant autre chose que l’acquisition des idées, ou du moins la recherche d’un procédé qui en facilite l’acquisition, que l’élève, tout en s’appliquant à l’étude de la langue maternelle et des langues anciennes, s’exerce à saisir les rapports des choses à lui et des choses entre elles ; qu’il apprenne, à mesure que ses facultés s’étendront, à s’observer lui-même, à observer la nature et les hommes qui l’entourent ; qu’il s’interroge souvent sur ses propres impressions ; qu’il s’habitue à s’en rendre compte, à chercher en tout les causes et les effets, à ne point voir d’un esprit distrait et avec indifférence les objets même les plus indifférents en apparence ; car tout ce qui peut occuper l’homme appartient à l’écrivain, et lui est, à l’occasion, sujet de composition ; Quidquid agunt homines, votum, timor, ira, voluptas, Gaudia, discursus, nostri est farrago libelli. […] Remarquez que je ne considère point ici la nature et l’origine des idées, je les constate comme existant, et je dis que, quelque opinion que l’on se forme de leur origine et de leur nature, il n’en est pas moins vrai qu’une fois que l’intelligence pense aux idées (notez l’expression, et distinguez-la de celle-ci, pense ses idées), elle ne peut que se les rappeler, les juger, les combiner, et que, sous ce rapport, les résultats de l’activité intellectuelle sont toujours des faits de mémoire, des faits de jugement, ou des faits d’imagination.