Toy donc qui as choisy le chemin le plus court, Pour estre mis au rang des sçavans de la court, Sans mascher le laurier, ny sans prendre la peine De songer en139 Parnasse, et boire à la fontaine Que le cheval volant de son pié fit saillir140, Faisant ce que je dy, tu ne pourras faillir. […] Il reste néanmoins que, si la grâce et le charme lui manquent, s’il n’a que bien rarement des vers coulants et frais comme ceux-ci que je détache du début du septième jour, fort prisé de Goethe : Ici la pastorelle, à travers une plaine, A l’ombre, d’un bas lent, son gras troupeau remène ; Cheminant elle file, et, à voir sa façon, On diroit qu’elle entonne une douce chanson ; il rencontre souvent le vers fort et sonore ; il dira aussi bien que d’Aubigné en son Jugement dernier, que le Fils de Dieu Descendra glorieux des voûtes étoilées ; il laissera dans toutes les mémoires ce vers fameux : Et l’Enfer est partout où l’Éternel n’est pas ; en ses Sepmaines, œuvre de théologie, d’érudition scientifique, zoologique, géologique et aussi d’imagination, il prendra le premier rang dans la poésie descriptive, témoin le portrait renommé du cheval qu’on trouvera ci-après et qui rappelle quelquefois heureusement celui de Virgile (Géorgiq. […] Mais le fameux canon, de son gosier bruyant, Si roide383 ne vomit le boulet foudroyant, Qui va d’un rang entier esclaircir une armee Ou percer le rempart d’une ville sommee384, Que ce fougueux cheval, sentant lascher son frein Et piquer ses deux flancs, part viste de la main, Desbande tous ses nerfs, à soi mesmes eschappe, Le champ plat bat, abat ; destrappe, grappe385, attrape Le vent qui va devant ; couvert de tourbillons386 Escroule sous ses pieds les bluetans387 sillons, Fait descroistre la plaine, et, ne pouvant plus estre Suivi de l’œil, se perd dans la nuë champestre388.