Puisque telles sont généralement les conditions où l’épopée prend naissance, puisqu’elle constitue un genre instinctif qu’on retrouve au berceau de toutes les littératures, on voit combien il serait déraisonnable de vouloir expliquer tous les chants épiques composés postérieurement à l’apparition des poèmes d’Homère par une imitation inutile et d’ailleurs impossible à prouver. […] Sans doute, Racine a eu raison de le remplacer sur notre scène par le personnage d’Ulysse, mais il serait téméraire d’affirmer que les anciens aient eu sur ses infortunes domestiques la même manière de voir que les modernes, et il n’est nullement prouvé qu’Euripide, en le faisant paraître sur le théâtre, ait péché contre les convenances de la tragédie, telles, du moins, qu’on les comprenait de son temps. […] Sans doute, ce sont là des titres qui le désignent à votre attention, et témoignent qu’il n’est pas indigne de la haute dignité que je vous exhorte à lui conférer ; mais ils ne prouvent pas que votre choix doive nécessairement s’arrêter sur lui, et c’est ce dont je voudrais pouvoir convaincre Votre Majesté. […] J’ai compris, depuis lors, à quel point j’avais fait fausse route ; le prompt discrédit où sont tombés mes vers a su m’en instruire, et votre exemple m’a prouvé qu’on pouvait ennoblir notre langue et la rendre propre aux genres les plus élevés sans la refaire en entier ni la remanier sur le modèle du latin et du grec. Malherbe. — Merci du compliment : mais que n’ai-je pu vous le prouver plus tôt !